Fillon-Copé : à droite, une élection et deux faux-semblants

Les sarkozystes élisent un chef ? Un intérimaire, en fait : le temps que l’ex-Président précise ses intentions. Pas lié à l’Elysée en 2017 ? Ils ne pensent qu’à cela.

Bernard Delattre
Fillon-Copé : à droite, une élection et deux faux-semblants
©AFP

Correspondant permanent à Paris Dimanche, les sarkozystes élisent un président. A défaut d’avoir réussi, le 6 mai, à maintenir Nicolas Sarkozy à l’Elysée, l’Union pour un mouvement populaire (UMP) désigne son nouveau chef. Ce sera d’ailleurs son premier président proprement dit : quand Nicolas Sarkozy régnait sur la droite, l’UMP n’avait à sa tête qu’un secrétaire général. Quelque 260 000 adhérents sont invités aux urnes. Il s’agit d’une élection strictement interne et non d’ "une primaire ouverte" (au grand public), comme celle qui, l’an dernier au PS, avait investi François Hollande pour la course à l’Elysée. Deuxième différence : ici, officiellement, les prochaines présidentielles, en 2017, sont hors sujet. Les candidats à la tête de l’UMP ne pensent évidemment qu’à cela mais, formellement, ne sera élu dimanche que le chef de ce parti jusqu’à la fin 2015. Les primaires pour 2017, ce sera en 2016.

La base sarkozyste votera-t-elle en masse ? Selon les sondages, elle n’a pas été passionnée par la campagne. Qui, il est vrai, s’éternise depuis septembre.

Surtout, l’enjeu de fond est limité. Même si c’est un non-dit, il est clair que l’heureux élu de dimanche ne sera qu’un président somme toute intérimaire : jusqu’à ce que Nicolas Sarkozy précise à l’UMP ses intentions sur son éventuel retour en politique. Et, à en croire des sondages répétés, c’est cette perspective surtout qui emballe les sympathisants UMP. A qui cette primaire n’a pas ôté le désir d’une revanche offerte en 2017 au battu de 2012.

Plusieurs candidats n’ont pu se présenter, faute d’avoir récolté un nombre suffisant de parrainages d’adhérents - d’où leur accusation d’une procédure "verrouillée" . Seuls deux rivaux concourent donc au scrutin. D’un côté, François Fillon : pendant cinq ans le Premier ministre de Nicolas Sarkozy. Face à lui, Jean-François Copé, secrétaire général sortant de l’UMP.

Leur duel a été courtois jusqu’à et y compris leur récent face-à-face télévisé, assez compassé. Ensuite, le ton s’est brutalement durci.

Ce n’était pas forcément prévisible, voire était assez artificiel. En effet, s’ils diffèrent par leur caractère et leur expérience, les duellistes se rejoignent sur le fond de leur pensée - même s’ils ont une lointaine filiation politique distincte : le chiraquisme pour Jean-François Copé, "le gaullisme social" (du défunt Philippe Séguin) pour François Fillon. Au-delà et avant tout, les deux rivaux sont pareillement sarkozystes. Chacun eut des rapports compliqués avec l’ex-Président, mais aucun des deux n’a jamais remis en cause ni sa personne, ni son bilan, ni le virage à l’ultradroite qu’il fit prendre à l’UMP, par rapport au RPR auquel ce parti succéda, en 2002.

Donné perdant depuis le début par les sondages, Jean-François Copé joua son va-tout en faisant "le buzz". Avec le concept du "racisme antiblanc" , qu’il reprit à l’extrême droite identitaire. Avec une anecdote que ne renieraient pas les islamophobes : l’affaire du "pain au chocolat" confisqué en rue à un gosse, par des musulmans "voyous" faisant le ramadan. En outre, il assimila François Fillon "aux notables" habitant "Saint-Germain des Prés" : à ces opposants "en pantoufles" au PS, "complexés" d’être à droite, "un peu prisonniers du politiquement correct de la gauche" .

L’ex-Premier ministre, piqué au vif, lui reprocha d’être "clivant" . De recourir à "la caricature" . De n’avoir aucune "tempérance médiatique" . De menacer "d’implosion" l’UMP, par "son virage à droite" . Et d’avoir utilisé les moyens du parti pour financer sa campagne personnelle. Le climat a dégénéré au point que chaque camp en est arrivé à mettre l’autre en garde contre la tentation de commettre des fraudes dimanche.

Des anicroches, a minimisé le chiraquien François Baroin, qui sont "de la petite bière" , par rapport à la guerre qui, au milieu des années 90, opposa les pro-Chirac aux pro-Balladur.

Il n’empêche, la première tâche qui incombera au vainqueur sera de rassembler l’UMP et elle ne sera pas forcément très aisée. Elle imposera d’ailleurs à l’heureux élu d’infléchir ce qui fut sa ligne de campagne : donner des gages au centre, s’il s’agit de Jean-François Copé, ou se durcir à droite, s’il s’agit de François Fillon.

Les sondages ont toujours donné celui-ci grand gagnant. Ces derniers jours, toutefois, il a dit s’attendre à un résultat "sans doute serré" .

Une certaine prudence est de mise, en effet. Car les sondeurs ignorent trois données fondamentales du scrutin. Qui va voter : le plus gros de la base sympathisante (plutôt pro-Fillon), ou le noyau dur des quelque 150 000 militants actifs (plutôt pro-Copé) ? Dans quelle ampleur va-t-on voter ? La participation profitera-t-elle équitablement aux deux candidats, ou avantagera-t-elle l’un des deux ?

Réponses dimanche soir. Voire lundi, si l’issue se joue à peu de voix.


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