Sondages, Karachi : deuxième déveine pour Nicolas Sarkozy

En tant que chef de l’Etat à l’époque de l'affaire, Nicolas Sarkozy n’avait aucun moyen ni aucun droit d’accès au dossier d’instruction ni à la moindre de ses pièces de procédure. Or, son propre communiqué atteste qu’il a bien pris connaissance de ces éléments.

Bernard Delattre, correspondant permanent à Paris
Sondages, Karachi : deuxième déveine pour Nicolas Sarkozy
©afp

Quelques lignes de communiqué officiel rédigées dans l’urgence d’une actualité brûlante, et qui pourraient coûter cher à leur auteur. L’Elysée avait envoyé ce communiqué de presse le 22 septembre 2011. Jour de la mise en examen de deux proches de Nicolas Sarkozy, dans le "Karachigate" : le présumé financement occulte de la campagne présidentielle d’Edouard Balladur, en 1995 - dont Nicolas Sarkozy était le porte-parole. L’Elysée le martelait : "Le nom du chef de l’Etat n’apparaît dans aucun des éléments du dossier . Il n’a été cité par aucun témoin ou acteur de ce dossier. Cela apparaît dans les pièces de la procédure."

Problème ? Outre que cette assertion est factuellement erronée, elle pourrait valoir à Nicolas Sarkozy une mise en examen, pour complicité de violation du secret de l’instruction. Jeudi, en effet, il a été confirmé que trois juges d’instruction avaient ouvert une enquête à ce propos.

Pas de droit d’accès au dossier. En théorie

Cela fait suite à la plainte déposée par l’avocat d’une des parties civiles du "Karachigate". Selon qui, en tant que chef de l’Etat à l’époque, Nicolas Sarkozy n’avait théoriquement aucun moyen ni aucun droit d’accès au dossier d’instruction ni à la moindre de ses pièces de procédure. Or, son propre communiqué atteste qu’il a bien pris connaissance de ces éléments.

Est aussi visé par cette enquête l’ex-ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux. Car, à l’époque, il avait, par téléphone, fermement prié un des deux proches de Nicolas Sarkozy mis en examen de faire taire son épouse, "qui balance beaucoup" . Cela valut à l’ex-ministre des ennuis pour subornation de témoin.

Le même Brice Hortefeux, du reste, en novembre dernier, a été condamné en justice, dans cette affaire : condamné à 5 000 euros d’amende avec sursis, pour menaces. Parce que, parlant de l’avocat ayant porté plainte contre Nicolas Sarkozy, il avait déclaré qu’il "fallait (le) fracasser"

Sarkozy, responsable ou pas ?

Un avocat qui, jeudi, s’est félicité de "l’indépendance" des juges d’instruction. Et a fustigé "les entraves" à ses yeux mises à la manifestation de la vérité, par le parquet. Car le ministère public a freiné des quatre fers pour tenter, en vain, d’éviter que les juges n’enquêtent sur cette éventuelle violation du secret de l’instruction, par Nicolas Sarkozy.

Pour le parquet, en effet, le communiqué de 2011 ayant été diffusé alors que Nicolas Sarkozy était à l’Elysée, il ne peut valoir d’ennuis à son auteur. Puisque, constitutionnellement, le chef de l’Etat "n’est pas responsable des actes accomplis en cette qualité". Or, "la détention d’informations concernant des procédures susceptibles d’affecter tant l’image de son action institutionnelle que le cours de son mandat présente un lien direct avec la fonction présidentielle" .

Mais les juges n’ont pas tenu compte de ces réquisitions. Selon eux, la divulgation éventuelle d’informations issues d’une instruction "n’entre pas dans les fonctions du Président" . Donc, son irresponsabilité ne peut être invoquée, et ils peuvent enquêter.

Deux échecs, coup sur coup

En décembre, déjà, Nicolas Sarkozy avait subi un cuisant échec judiciaire. En ce qui concerne, cette fois, les soupçons de malversations dans le cadre de l’intense activité sondagière de l’Elysée, entre 2007 et 2012. La Cour de Cassation, en effet, avait autorisé un juge d’instruction à enquêter sur ces indélicatesses présumées.

La défense de l’ex-Président, elle, argumentait que, les personnes soupçonnées formant le proche entourage de l’alors chef d’Etat, une telle enquête risquait de déboucher sur lui, et donc de porter atteinte à l’inviolabilité présidentielle. Mais les plus hauts magistrats du pays n’ont pas suivi ce point de vue. Ils ont rappelé qu’"aucune disposition constitutionnelle, légale ou conventionnelle ne prévoit l’immunité ou l’irresponsabilité pénale des membres du cabinet du Président" .


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