Le grand jour des anti-mariage gay

Combien seront-ils à manifester dimanche à Paris, contre l’ouverture du mariage et de l’adoption aux homosexuels ? "De 200 à 300 000 personnes", a présagé cette semaine une des figures de proue de ces opposants, l’humoriste Frigide Barjot.

Bernard Delattre, correspondant permanent à Paris
Le grand jour des anti-mariage gay
©afp

Combien seront-ils à manifester dimanche à Paris, contre l’ouverture du mariage et de l’adoption aux homosexuels ? "De 200 à 300 000 personnes", a présagé cette semaine une des figures de proue de ces opposants, l’humoriste Frigide Barjot. Le cas échéant, on serait en deçà de l’audacieux parallèle historique qu’ont fait des leaders du mouvement : avec les quelque 850 000 manifestants de juin 1984 pour la défense de l’école libre, sous François Mitterrand. Mais il s’agirait de la plus grande mobilisation depuis le début de l’ère Hollande.

Ce sera aussi "la résurrection du peuple de droite" (dixit le commentateur Alain Duhamel), qu’on n’avait plus vu dans la rue depuis longtemps - par la force des choses : cette famille ayant été au gouvernement depuis 2002 et à l’Elysée depuis 1995, sa base n’avait pas à manifester, avant 2012.

Un front hétéroclite, un discours musclé

Malgré son ancrage globalement à droite, le cortège sera hétéroclite. Une grande masse de l’électorat catholique, mais aussi des représentants des autres religions. Des ténors politiques, des dignitaires religieux, des figures associatives, mais bien plus d’anonymes mobilisés dans des collectifs créés pour l’occasion. Sans oublier l’extrême droite. Et des catholiques traditionalistes, que l’on a contraints de défiler dans un cortège à part.

Car la "Manif pour tous" nie toute homophobie. Mais la croisade contre "le mariage pour tous" n’a pas été exempte de ce que les partisans de la réforme, et y compris des opposants modérés, ont qualifié de "dérapages" .

Ainsi, le sénateur UMP Serge Dassault a parlé de "décadence" . L’ex-ministre Christine Boutin s’est épouvantée d’un véritable "changement de civilisation, gravissime" . Le grand rabbin Gilles Bernheim a comparé l’homoparentalité au "cheval de Troie du combat contre l’hétérosexualité" . L’Union des organisations islamiques a brandi le risque de "légitimer la zoophilie, la polyandrie, au nom du sacro-saint amour" . L’archevêque de Lyon, Mgr Philippe Barbarin - qui manifestera - a fustigé "une rupture de société" , susceptible d’ouvrir la voie à la polygamie et à l’inceste : "un enjeu de civilisation de première magnitude ". Sur le terrain, tout comme le débat sur l’interdiction du niqab avait accru le nombre d’actes islamophobes, celui sur le mariage gay s’est traduit par une flambée du nombre de propos, menaces ou violences homophobes.

Pas mal d’embarras

Dimanche, les organisateurs seront sur les dents pour éviter d’être décrédibilisés par des incidents : lors de leur manifestation de novembre, des féministes de Femen avaient été tabassées. Signe d’un embarras, des ténors de l’UMP (les ex-Premiers ministres Fillon, Raffarin ou Juppé, par exemple) seront, prudemment, absents. Et ce parti défilera sans banderole. Embarras au FN, aussi. Nombre de ses électeurs et élus seront là, mais pas Marine Le Pen. Pour qui ce débat est un écran de fumée monté par une "UMPS" trop ravie de recréer un clivage gauche-droite selon elle factice.

La gêne la plus manifeste, toutefois, est au PS. Sur ce dossier, ce parti et François Hollande lui-même - mal à l’aise sur ces sujets sociétaux, ainsi que l’avaient déjà été Lionel Jospin et Ségolène Royal - ont multiplié les cacophonies. Jusqu’à la caricature, concernant la procréation médicalement assistée (finalement reportée).

Cause ou conséquence de ces flottements ? Les sondages ont, spectaculairement, basculé. Longtemps favorable tant au mariage qu’à l’adoption homosexuels, ils ne prônent plus que le mariage - mais de moins en moins nettement, au fil du temps.

En ce sens, même si l’Elysée a juré de ne jamais leur céder, ces opposants, au-delà du nombre qu’ils seront dimanche, ont déjà remporté une bataille : celle de l’opinion.


Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...