Boston: et la machine médiatique s’emballa
Les critiques enflent sur les lacunes des services de sécurité d'une part et sur le traitement médiatique de la traque des deux hommes d'autre part.
Publié le 22-04-2013 à 10h31 - Mis à jour le 22-04-2013 à 11h37
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En trois clics sur le site Broadcastify, n’importe quel internaute peut se brancher sur les ondes radio de la police de Boston. Dans la nuit de jeudi à vendredi, alors que les forces de l’ordre poursuivaient les frères Tsarnaev, plus de 100 000 personnes s’étaient connectées, certaines relayant directement l’information sur Twitter. Il ne s’agissait pas seulement d’amateurs venus chercher un peu d’adrénaline. Agences de presse, radios publiques et privées et télévisions des deux côtés de l’Atlantique affectent désormais des journalistes à la veille des différents médias sociaux qui se multiplient sur Internet. A 22h41 jeudi soir, Matthew Keys de l’agence Reuters twittait que le suspect numéro deux avait été cloué au sol par les forces de l’ordre, un revolver sur la tempe. Deux minutes plus tard, il corrigeait son erreur, mais son tweet avait été partagé 250 fois. Dans la matinée, la police demandait au public de ne plus diffuser ces échanges.
Le traitement en direct d’une enquête policière comme celle de Boston peut amener à des nombreuses erreurs et mauvaises interprétations. Alors que plusieurs médias annonçaient l’arrestation de l’auteur présumé des attentats mercredi, la chaîne NBC disait ne pouvoir le confirmer. "C’est un événement avec beaucoup d’éléments mouvants. A l’époque des médias sociaux, un flot important d’informations provient de nombreuses sources différentes, et nous devons prendre davantage de précaution", expliquait après coup Don Nash, un des responsables de la chaîne NBC, au site d’information "Daily Beast". "Si cela signifie que nous ne serons parfois pas les premiers, OK. Nous préférons être les derniers à avoir raison que les premiers à être dans le faux."
Cette attitude de prudence est désormais une exception. Pour le professeur de journalisme et de nouveaux médias Robert Thompson, les conditions du direct se traduisent toujours par une forme d’anarchie journalistique. "Nous ne sommes plus dans une situation où les informations sont vérifiées en salle de presse avant d’être communiquées. Dans le cas d’une actualité chaude, le public doit comprendre qu’il n’est pas devant des faits vérifiés, mais que le processus de récolte et de recoupement de l’information se produit devant ses yeux, et qu’il peut comporter toutes sortes d’erreurs qui seront corrigées au fur et mesure."
Comme ce fut le cas après le 11 septembre 2001, la couverture médiatique peut virer à l’obsession, en particulier sur les chaînes d’information en continu qui doivent remplir leur temps d’antenne. "Il y a un moment où nous atteignons une sorte de pornographie du terrorisme", regrette Brian Leher, présentateur vedette de la radio publique new-yorkaise. "Ce n’est pas de la faute des téléspectateurs. Les médias essayent de nous accrocher et s’alimentent à notre sentiment de choc. Le problème, c’est quand les chaînes câblées s’emparent d’un moment comme celui-là et veulent en faire un format d’information à diffuser 24h/24." Le journaliste new-yorkais reconnaît toutefois que faire l’impasse sur les événements de Boston était impossible. "Nous devons reconnaître ce qui est important pour notre audience dans un moment d’intense actualité comme celui-là."
En Europe aussi
Mais qu’est-ce qui a poussé les médias européens à suivre d’aussi près la folle semaine bostonienne ? Un quotidien local comme "Sud Ouest" en France y a consacré plusieurs articles. "Cette histoire nous a beaucoup rappelé l’affaire Merah à Toulouse. Deux frères. Une famille désintégrée. Un islam radical et haineux cultivé dans la solitude. Une ville terrorisée. Le siège d’un appartement. Toutes ces similitudes nous ont certainement influencés", répond Yves Harte, son rédacteur en chef. "Deuxième raison : l’Europe se sent plus proche des Etats-Unis que l’Amérique ne le croit, notamment dans le domaine de la lutte contre le terrorisme islamique."
CAPTURED!!! The hunt is over. The search is done. The terror is over. And justice has won. Suspect in custody.
— Boston Police Dept. (@Boston_Police) 20 avril 2013