Albert du Roy, son ‘Heure de Vérité’ sur ceux qui gouvernent la France
D’origine belge, ce journaliste politique a occupé des postes prestigieux dans de nombreux médias français. Il a activement participé au succès de l'émission phare ‘L’Heure de Vérité’. Albert du Roy évoque pour LaLibre.be son expérience et passe en revue les ténors politiques d’aujourd’hui. Une analyse sans concession…
Publié le 26-05-2013 à 08h03 - Mis à jour le 26-05-2013 à 12h38
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D’origine belge, ce journaliste politique a occupé des postes prestigieux à la tête du Nouvel Observateur, d’Antenne 2, de l’Evènement du Jeudi ou encore de L’Express. A ‘L’Heure de Vérité’, il était chargé des ‘questions oubliées’ en dernière partie de cette incontournable émission dominicale. Retraité en Picardie depuis 10 ans, Albert du Roy évoque pour LaLibre.be son expérience et passe en revue les ténors politiques d’aujourd’hui. Une analyse sans concession…
Vous avez tiré un trait définitif sur le journalisme ?
Oui, je ne pratique plus du tout le journalisme, car j’estime que c’est un métier que l’on pratique à 150% ou pas du tout. On ne peut pas le pratiquer à mi-temps ou quand cela vous chante. Donc, je ne le pratique plus du tout. J’ai juste écrit 2 livres depuis ma retraite, l’un sur la diplomatie française et l’autre sur la ‘mort de l’information’.
C’est pessimiste d’annoncer la ‘mort de l’information’. Depuis la publication de ce livre il y a 4 ans, vous avez changé d’avis ?
Vu le nombre d’informations qui circulent sur Internet, je pense que beaucoup de gens ne font plus la différence entre une information vérifiée et une autre qui ne l’est pas par des professionnels que sont les journalistes. Toute personne peut dorénavant répandre une info exacte ou manipulée, il est donc nécessaire de les vérifier. L’exemple ultime de cela, c’est Twitter, où vous trouvez tout et n‘importe quoi. Tout cela exige une prudence et un travail de vérification de la part des internautes, qui malheureusement n’ont pas le temps ou pas la compétence pour l’effectuer. En ce, la déprofessionnalisation de l’information a quelque chose de pernicieux.
Quel regard portez-vous sur les journalistes politiques français actuels, ils exercent leur métier comme vous à l’époque de l’Heure de Vérité ?
Oui, ils le font avec plus ou moins de talent. Puis, ce que j’ai connu aussi, ils se produisent parfois dans 5 médias à la fois, ils travaillent dès lors trop vite ou de manière trop banale. Evidemment, là encore internet joue un rôle important, car certains s’expriment dans des médias en ligne, mais ont aussi d’autres contributions sur leur blog. On peut se demander s’ils ne sont pas plus libres sur leur blog que dans leur média classique, et finalement, si ce dernier peut réellement tout publier.
Vous avez l’impression que l’indépendance journalistique a évolué en France ?
L’indépendance des médias privés et publics par rapport aux pouvoirs politiques s’est très très largement améliorée, par contre, la dépendance aux pouvoirs économiques - propriétaires des médias et annonceurs - s’est quant à elle accrue avec la crise de la presse.
Même si vous les avez moins côtoyés que les générations Giscard-Mitterrand-Chirac, je vous propose de passer en revue les ténors politiques actuels. Pour vous, qui sort du lot aujourd’hui ?
Je me méfie de penser qu’avec l’âge j’estimerai – comme un vieux con – que l’époque d’avant était mieux que l’actuelle. Cela n’empêche que je suis assez sévère avec l’actuelle classe politique, que ce soit dans la majorité ou dans l’opposition d’ailleurs. Il me semble que la classe politique actuelle manque singulièrement de leaders charismatiques. J’aurais le plus grand mal à vous dire qui je vois comme futur président de la République.
Vous croyez au possible retour de Nicolas Sarkozy ?
Je crois que ce n’est pas impossible du tout ! D’abord pour son tempérament, je suis sûr qu’il y pense le matin en se rasant. D’autant qu’un échec des actuels président et majorité n’est pas impossible et qu’en même temps il y a une pagaille dans l’opposition, où personne ne semble capable d’imposer son leadership à droite.
Vous pensez que François Fillon pourrait percer ou qu’il est trop ‘diplomate’ pour cela ?
Le fait d’appartenir à la droite ouverte est à mon sens une qualité indispensable. Le fait d’être diplomate comme vous dites, soit prudent et pédagogue sans céder à la facilité, est un autre avantage. Mais, comme le traduit sa démarche physique, il lui manque le sens de l’audace, du courage et de la transgression. Il est trop calculateur. Cependant, c’est en lui que je crois le plus à droite… malgré ces défauts. Je n’enterre pas du tout le personnage, mais il manque cette petite chose qui tout à coup enthousiasme…
C’est ce qui manque à François Hollande aussi. Vous pensez que le président peut changer son image ?
Oui, probablement. Sarkozy y était parvenu après avoir eu une image terriblement négative. De là à devenir le personnage charismatique dont je regrette l’existence, je crois que cela sera difficile.
Jean-Marc Ayrault à Matignon, une erreur de casting ?
Non, je ne partage pas cette idée. Il n’est clairement pas charismatique, mais il est proche de la population pour avoir été un excellent maire d’une grande ville qu’est Nantes. Même si l’avenir peut me démentir, je ne crois pas en l’erreur de casting, car c’est un excellent mécanicien en chef là ou il est. Si je peux me permettre, l’erreur est inversée! Jean-Marc Ayrault aurait été un formidable Premier ministre s’il avait eu au-dessus de lui un président de la République qui impose sa stature. Donc, l’erreur de casting est de l’autre côté… bien que j’aie voté pour lui.
Vous avez toujours assumé votre sympathie pour la gauche ?
Pas publiquement, où j’ai toujours été considéré comme quelqu’un qui n’a jamais été engagé dans une formation politique. Depuis que je suis retraité, je me sens plus libre de parole.
Manuel Valls, considéré comme un ‘Sarkozy de gauche’, va-t-il pouvoir tenir jusqu’en 2017 ou va-t-il se brûler les ailes avant ?
C’est certainement le personnage le plus intéressant de ce gouvernement. Je récuse et ne crois pas en l’image d’un ‘Sarkozy de gauche’ qui est très injuste à son égard, car il n’y a pas 36 façons de faire face aux problèmes de sécurité et d’ordre public. Je pense qu’il le fait avec un sens du respect des hommes, de la justice et des lois nettement plus développé que n’a fait preuve Sarkozy. Ce qui est juste, c’est que ces thèmes ne sont pas encore bien assumés par l’électorat de gauche, malgré les progrès de ces dernières années.
Que pensez-vous du trublion Arnaud Montebourg ?
Grande éloquence, beaucoup de talent et d’imagination… mais un individualiste forcené dans une équipe ministérielle. C’est une bombe à retardement !
Si vous pouviez donner un conseil au président : « Au prochain remaniement… Montebourg dehors ! » ?
Je crois que je ne suis pas le seul à lui donner ce conseil. (rires)
En dehors du gouvernement justement. Ségolène Royal, vous croyez en son retour ou c’était un épiphénomène ?
Je ne crois pas que c’était un épiphénomène. Je pense qu’elle a encore de l’avenir, mais ce ne sera pas au premier plan.
Et Jean-Luc Mélenchon ?
L’avenir est derrière lui.
Quand vous constatez qu’après un an, le président Hollande est au plus bas, cela vous évoque quelle réflexion ?
Dans un pays comme la France, où on aime les débats politiques avec un centre, une droite et une gauche, ainsi que des extrêmes de chaque camp, la logique présidentielle a indéniablement cassé quelque chose. Au premier tour de l’élection, on fait un choix de conviction, mais au second – sauf accident comme en 2002 – on se retrouve automatiquement dans un affrontement gauche-droite. Or, à gauche comme à droite, il y a 2 ou 3 cultures idéologiques. Hollande, qui a été élu grâce à la gauche social-démocrate et la gauche étatiste, n’a pas le courage de prendre clairement position. A droite, on retrouve cette même division entre centristes pro-européens ouverts et la droite plus conservatrice et réactionnaire. Je trouve cela malsain, car il me semble que la logique présidentielle actuelle est un handicap terrible pour le débat politique en France et pour celui qui l’emporte, car il est tenu de faire plaisir à des gens qui n’attendent pas de lui la même chose. Le comble, c’est que la droite reproche à Hollande de ne pas mener une politique de droite.
Tout comme Hollande reprochait la semaine dernière à Sarkozy de ne pas avoir pris de mesures économiques ‘courageuses’ lors de son mandat.
Hollande est mal fondé pour lui faire le reproche de ne pas avoir fait de réforme courageuse alors qu’on en voit peu aujourd’hui...
Entretien: Dorian de Meeûs