Seins nus en plein Tunis : stupéfaction

C’était leur première action dans le monde arabe. Mercredi devant le palais de justice de Tunis, trois Femen, deux Allemandes et une Française, ont scandé leurs slogans. Arrêtées par les forces de l’ordre, elles font l’objet d’une enquête.

Julie Schneider, correspondante à Tunis
Seins nus en plein Tunis : stupéfaction
©AP

C’était leur première action dans le monde arabe. Mercredi devant le palais de justice de Tunis, trois Femen, deux Allemandes et une Française, ont scandé leurs slogans : "Free Amina" (Libérez Amina), "Fuck your morals" (on se fout de votre morale) et "Women spring is coming" (le printemps des femmes arrive), sous l’œil stupéfié des passants. Arrêtées par les forces de l’ordre, elles font l’objet d’une enquête.

"Elles seront placées en état d’arrestation et traduites en justice", a déclaré à l’AFP, le porte-parole du ministère de la Justice, Adel Riahi, sans préciser les accusations retenues. En Tunisie, l’atteinte à la pudeur est passible de six mois de prison.

Le 19 mai, Amina, la jeune Femen qui avait fait scandale en mars en diffusant sur Internet une photo d’elle avec cette inscription sur la poitrine "Mon corps m’appartient, il n’est l’honneur de personne", a été arrêtée après avoir tagué sur le muret d’un cimetière le mot "Femen". Elle avait en sa possession un spray lacrymogène d’autodéfense et comparaît aujourd’hui à Kairouan pour "détention d’un matériel explosif" (entre 6 mois et 5 ans d’emprisonnement). "C’est une manipulation politique. Le texte de loi date de 1894. En principe, on ne l’applique plus", plaide Souhaib Bahri, un de ses avocats qui défendra les trois Femen. Amina, lycéenne, peut aussi être poursuivie pour "profanation de sépulture", délit passible de deux ans de prison.

Une campagne de soutien a été mise en place. Des pétitions ont été lancées sur Internet. Un sit-in est même prévu à Alger ce jeudi. Dimanche, dans les colonnes du quotidien "Al-Chourouk", le père d’Amina a déclaré qu’elle était "victime d’une société qui a échoué. ( ) Notre jeunesse s’enrôle pour faire le jihad en Syrie, va mourir en mer et part faire ses études à l’étranger pour ne plus revenir. Cela cache les maux d’une société qu’il faut soigner et non pas se venger d’elle et de ses jeunes."

"Printemps des femmes"

"Nous préparions depuis longtemps une action dans le monde arabe. C’est en Tunisie que le printemps arabe a débuté et par cette action, c’est le début du printemps des femmes. Les libertés sont menacées", estime Inna Shevchenko, leader de l’organisation Femen, assurant que "d’autres activistes en Tunisie se préparent". Le 1er mars, Sihem Badi, la ministre de la Femme, avait déclaré qu’elle s’opposerait à l’installation des Femen en Tunisie. Aucune demande officielle n’a été transmise aux autorités.

"Elles essaient de faire bouger les mentalités. On se dit un pays musulman, mais tout cela n’est qu’escroquerie. C’est un pays de corrompus. Des gens ont été tués. Ils ont saigné la jeunesse pour rien. Rien n’a changé", s’exclame, de son côté, Foued, 35 ans, un dossier sous le bras.

Mais dans la cour, avocats et citoyens en colère répètent le célèbre "Dégage" et chantent l’hymne national. "Nous sommes pour la liberté, la justice, et on se bat pour ça, mais dans le respect de nos traditions", souffle Faouzia. "Pourquoi elles viennent faire ça ici ? Qu’on nous laisse tranquille", s’emporte Nabiha, assistante juridique qui accuse les médias et l’Occident de vouloir "semer le chaos". Des journalistes ont été pris à partie et frappés. Six d’entre eux, dont deux Français, ont été interrogés, avant d’être relâchés.

"Les Femen ont été stigmatisées dans d’autres pays, pas seulement en Tunisie", constate Fathia Hizem, responsable des relations extérieures de l’Association des Femmes démocrates qui défend Amina : "Ce n’est pas notre mode d’action mais on doit pouvoir s’exprimer comme on veut. La société tunisienne va devoir apprendre à accepter la diversité."

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