Chandni Chowk, Delhi: une heure dans l'histoire du monde

Hindous, musulmans, sikhs, chrétiens, mendiants, riches commerçants… Le quartier de Chandni Chowk reflète la diversité de l’Inde et son milliard d’habitants.

Derville Emmanuel
In this Wednesday, Sept. 25, 2012 photo, a rickshaw rides past girls walking out of the Fatehpuri Mosque at Chandni Chowk in Old Delhi, India. Old Delhi is the vibrant heart of the city, its sidewalks crowded with markets and vendors selling street food or chaat, its roads a hazard of bicycle rickshaws, three wheelers and veering motor scooters, its skies a tangle of haphazard electrical wiring. The four-century-old neighborhood, once known as Shahjahanabad, after Mughal emperor Shah Jahan, is home to a fascinating array of Islamic mosques, Sikh gurdwaras, Hindu and Jain temples and the odd haveli, or historic mansion. (AP Photo/Altaf Qadri) Associated Press / Reporters
In this Wednesday, Sept. 25, 2012 photo, a rickshaw rides past girls walking out of the Fatehpuri Mosque at Chandni Chowk in Old Delhi, India. Old Delhi is the vibrant heart of the city, its sidewalks crowded with markets and vendors selling street food or chaat, its roads a hazard of bicycle rickshaws, three wheelers and veering motor scooters, its skies a tangle of haphazard electrical wiring. The four-century-old neighborhood, once known as Shahjahanabad, after Mughal emperor Shah Jahan, is home to a fascinating array of Islamic mosques, Sikh gurdwaras, Hindu and Jain temples and the odd haveli, or historic mansion. (AP Photo/Altaf Qadri) Associated Press / Reporters ©Associated Press / Reporters

Elle fait plaisir à voir la station de métro de Chandni Chowk. Sol impeccable, rames de métro flambant neuves. Pour sortir de la station, on emprunte un escalator rutilant. Arrivée à la sortie, le choc.
L’air propre et climatisée de la station est vite chassé par la chaleur humide et poussiéreuse. L’allée en face de la sortie est une cour des miracles. Allongés sur le pavé, une mendiante fait la sieste tandis qu’une poignée de clochards tendent la main en quête d’une pièce. D’autres ont étalé leur marchandise. L’un vend des jouets mécaniques qui semblent en amuser quelques-uns.

En face, un vieux Sikh, la tête écrasée sous un turban bleu, se proclame médecin diplômé. Barbe blanche et sourire jovial, ce Panoramix affirme fabriquer lui-même des potions contre vingt et une maladies : cancer, tuberculose, hernie… "Si je verse quelques gouttes de ma médecine dans vos yeux, je vous guérirai , assure-t-il en fixant mes lunettes de myope. Ça piquera un peu au début. Mais ensuite, vous y verrez beaucoup mieux."

La station de métro est située à l’extrémité nord de Chandni Chowk. Pour rejoindre le quartier en son cœur, il faut passer devant les petits marchands de fruits : guava, pêches… Plus loin, un gigantesque temple hindou est coincé entre quelques maisons et vendeurs de snacks. Quelques centaines de mètres plus tard, on débouche sur Chandni Chowk road, une des principales avenues. Elle mène au fort Rouge. C’est là que, chaque 15 août, le Premier ministre proclame le discours de la fête nationale. Il y a soixante-cinq ans, une des figures de l’indépendance, Jawaharlal Nehru, faisait son discours marquant la fin de la colonisation anglaise. Signe que Chandni Chowk demeure le centre de la capitale indienne.

Construit au XVIIe siècle sur ordre de l’empereur Shah Jahan, c’est sur Chandni Chowk road que les empereurs moghols défilaient en procession.

Aujourd’hui, le quartier regroupe des centaines de commerces : vêtements, bijoux, pâtisseries, étoffes, matériel hi-fi et photographique, médicaments… Sans oublier les lieux de culte comme le Gurudwara Sis Ganj Sahib avec ses quatre tours dorées. Ce temple sikh a été bâti en mémoire du guru Tegh Bahadur. Le malheureux refusait de se convertir à l’islam. L’empereur Aurangzeb lui a tranché la tête en 1675. Quelques passants profitent de l’eau potable distribuée par le temple. "Entrez, c’est gratuit" , sourit un Sikh en habit blanc qui fait partie du clergé.

Un programme de restauration

Ces dernières années, les autorités ont lancé quelques programmes pour restaurer les anciens immeubles. Fidèle à son inertie, l’administration indienne ne les a jamais appliqués. La plupart des balcons en bois qui datent du XIXe siècle sont noyés sous la poussière, comme beaucoup de façades anciennes.

Il reste tout de même quelques vestiges. Comme le fronton de cette agence bancaire où l’on peut lire : "Mahavir Bhawan, érigé en 1874". La porte en fer forgé est cernée de deux colonnes en pierre. L’endroit appartenait à un notable de la communauté jaïn. Mahavir est, en effet, un patriarche important de cette branche de l’hindouisme. A Chandni Chowk, les jaïns dominent le commerce de l’argenterie. Leurs échoppes sont groupées dans la rue Dariba Kalan. Les vitrines brillent, étincelantes, de bijoux, assiettes et vases.

A mesure que l’on s’enfonce dans la ruelle, le décor change. Aux magasins d’argent succèdent les boutiques en tout genre : médicaments, dentistes, jouets. Les panneaux sont écrits en anglais, hindi et, désormais, en ourdou, la langue des musulmans d’Inde et du Pakistan. On s’approche alors de la Jama Masjid, la mosquée qui surplombe Chandni Chowk. Sur l’esplanade, la poussière et le vacarme des klaxons fait place au silence. Sous les colonnades, des fidèles dorment, épuisés par le Ramadan. Dans une heure, le coucher de soleil signera la fin du jeûne. Les commerçants hindous rentreront chez eux. Pour les musulmans, l’iftar ne fera que commencer.

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