La Syrie, une défense aérienne parmi les meilleures au monde
Les experts de l'ONU partis, Damas s'attend à une frappe occidentale à tout moment. Et le pays a de quoi se défendre.
Publié le 31-08-2013 à 05h42 - Mis à jour le 01-09-2013 à 22h48
Jeudi, le président syrien Bachar al-Assad a prévenu que son armée se défendrait contre toute attaque occidentale. "Nous avons des moyens de défense qui vont surprendre", a même ajouté le ministre des Affaires étrangères Walid Mouallem. Coup de bluff ou avertissement sincère ? Une intervention des Etats-Unis et de ses alliés, même très ciblée, ferait-elle en outre courir le risque d’une riposte ?
A ce stade, l’on ne peut que spéculer mais une chose est sûre : la Syrie dispose de capacités militaires importantes. Bien plus que la Libye par exemple, contre laquelle une force internationale était intervenue en 2011.
Pour Joseph Henrotin, rédacteur en chef de la revue "Défense & sécurité internationale" et chargé de recherche à l’Institut de stratégie et des conflits de Paris, la défense navale syrienne ne posera pas de difficultés majeures. "Le 5 juillet, un raid israélien a détruit la majorité des missiles antinavires syriens. Cela signifie que les bateaux d’une éventuelle coalition internationale sont en mesure de s’approcher sans dommage des côtes." Depuis la mer, cette coalition pourrait aisément envoyer des missiles à l’intérieur du pays.
La capacité de défense aérienne du régime Assad, en revanche, est susceptible de compliquer sérieusement d’éventuelles opérations par avion. Il y a d’abord l’armée de l’air. "Selon les estimations, entre 100 et 150 appareils seraient aptes à effectuer des missions aériennes." Mais il y a aussi, et surtout, la défense aérienne proprement dite, qui constitue une branche spécifique des forces armées syriennes. L’une des meilleures au monde aux yeux de nombreux analystes, dont Joseph Henrotin. Elle est richement pourvue en missiles sol-air, de longue portée comme les SA-5, ou de plus courte portée. D’après les Israéliens - "la vision la plus pessimiste", précise l’expert militaire - les Syriens disposeraient de 25 brigades et de 150 batteries de missiles. De quoi provoquer de nombreuses pertes dans les rangs occidentaux.
Aux missiles susmentionnés, il faut encore ajouter les S-300 promis à Damas par les Russes. On ignore cependant s’ils ont été livrés et, quoi qu’il en soit, "les Syriens ont besoin d’un an pour apprendre à les utiliser ". Au demeurant, bien qu’impressionnante sur le papier, la défense aérienne syrienne n’a pas encore fait ses preuves en pratique. "Des batteries ont pu tomber aux mains des insurgés et d’autres être utilisées pour combattre. Et puis, ce n’est pas tout d’avoir le matériel, il faut savoir s’en servir", nuance Joseph Henrotin.
Escalade de la violence ?
Victime d’une attaque occidentale, la Syrie pourrait non seulement essayer de se défendre, mais aussi répliquer. Au Liban, singulièrement. Damas a la possibilité d’y agir à la fois via ses alliés du Hezbollah et de façon autonome. Le spécialiste en stratégie militaire envisage, par exemple, qu’il s’en prenne aux troupes de l’Onu déployées au Sud-Liban.
Et à ses voisins israéliens ? "Ce serait suicidaire", répond-il. Mais on peut imaginer que le régime Assad tente le tout pour le tout. Il s’exposerait aux ripostes israéliennes afin de rallier le monde arabe autour de lui. Un calcul extrêmement aventureux, c’est peu de le dire.
Autre hypothèse identifiée par Joseph Henrotin : que Damas demande aux Iraniens de bloquer le détroit d’Ormuz, un lieu stratégique où transitent d’énormes quantités de pétrole. L’Iran serait toutefois insensé de s’attirer ainsi la colère des grandes puissances mondiales.
Enfin, le chercheur n’exclut pas totalement que l’armée syrienne se serve de ses missiles sol-sol Scud pour attaquer Chypre, où se trouve une base britannique. "Mais c’est limite de portée, en sachant que plus un missile Scud va loin, moins il est précis. Donc il y a un grand risque qu’il fasse plouf."
Bref, tout dépend du degré d’acceptation du risque de Bachar al-Assad. S’il ne se sent pas capable de mener la guerre sur deux fronts, il jouera probablement profil bas. Le Président syrien devra en tout état de cause minutieusement peser ses intérêts politiques.