La santé du roi Juan Carlos relance la rumeur d’une possible abdication
L'abdication n'est pas à l’ordre du jour, affirme le Palais. Le climat n’est pas propice, jugent les politiques.
Publié le 25-09-2013 à 08h20 - Mis à jour le 05-01-2014 à 10h55
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L’abdication est un acte très personnel que le Roi n’a eu l’intention de poser à aucun moment" , a déclaré Rafael Spottorno, chef de la maison du roi d’Espagne. C’était lors d’une conférence de presse, assez exceptionnelle, qui s’est tenue au palais royal, vendredi dernier. Rafael Spottorno s’est senti aussi obligé d’écarter l’éventualité d’une possible déclaration d’incapacité : "Ce n’est pas du tout le cas. Ça ressemble plus aux opérations préalables que le Roi a déjà subies. On ne peut donc introduire aucune formule vers la régence" , a-t-il martelé.
Les problèmes de santé du roi Juan Carlos, aujourd’hui âgé de 75 ans, sont dus à une bactérie qui a provoqué une infection autour de la prothèse greffée dans sa hanche gauche, lors de sa dernière opération, en avril 2012. Seuls 2 % des patients ayant subi ce type d’opération développent ce genre d’affections, mais le Roi était en proies à de violentes douleurs depuis la fin du mois d’août. Il a été opéré, ce mardi 24 septembre, dans une clinique privée.
Cette opération intervient alors que la popularité du Roi était remontée dans l’opinion. L’image de Juan Carlos avait été altérée par le scandale de sa chute survenue au printemps 2012, quand il était parti chasser des éléphants en Afrique au Botswana, accompagné d’une amie proche. Le contexte malencontreux de cette chute s’ajoutait aux procédures judiciaires lancées contre une partie de sa famille - son gendre, Iñaki Urdangarin, a été mis en cause dans une affaire de corruption. Mais ces derniers temps, on avait vu Juan Carlos presque en forme, lors d’une visite officielle au Maroc. Le Roi ne ménageait pas ses efforts et l’opinion s’était habituée à le voir utiliser des béquilles.
Le mauvais moment
Les deux grands partis espagnols, le Parti populaire (PP, droite) du Premier ministre Mariano Rajoy, et le principal parti d’opposition (PSOE, socialiste), sont opposés à l’abdication.
Que ce soit sur le plan économique ou sur le plan politique, la monarchie espagnole ne dispose pas, actuellement, des mêmes marges de manœuvre que les monarchies néerlandaise et belge, dans un passé récent, lorsque la reine Beatrix et le roi Albert ont respectivement cédé leur place à l’héritier de la couronne. En raison des tensions sociales liées à la crise et du défi indépendantiste en Catalogne, le moment n’est pas idéal pour débattre d’une hypothétique abdication.
De plus, certains détails légaux devraient être revus. Un nouveau débat constitutionnel entraînerait d’autres polémiques. Le communiste Cayo Lara, au nom de la Gauche unie (Izquierda Unida, IU), troisième force électorale, a, certes, indiqué que sa formation politique est contre l’abdication. Car pour Cayo Lara, il s’agirait plutôt de modifier la Constitution pour décider "définitivement" si les Espagnols veulent une monarchie ou une république. Pour le PP, ce serait le cauchemar total. Le PSOE se méfie de cette perspective, au moment où le pays traverse une période critique.
Notamment parce que, face aux velléités indépendantistes de la Catalogne, on comptait toujours sur la possibilité que le roi Juan Carlos puisse jouer un rôle d’arbitre. En raison des problèmes de santé du Roi, cette hypothèse est actuellement écartée.
Opéré dans une clinique privée
L’équipe médicale a décidé d’opérer le roi Juan Carlos dans une clinique privée de Madrid, alors que se répand en Espagne un large mouvement opposé aux privatisations du système de santé. "Nous aurions voulu voir le Roi se faire opérer dans un hôpital public" , a déclaré Elena Valenciano, députée du PSOE. Pour Cayo Lara (IU), le Roi renforce ainsi les partisans de la privatisation "contre le système de santé public" . En riposte, le Parti populaire a accusé la gauche de faire preuve de "démagogie" .
Le prince des Asturies, Felipe, l’héritier, remplace déjà son père dans les visites officielles à l’étranger, mais si "le prince peut représenter la couronne, il ne peut pas se substituer au chef d’Etat. Les fonctions constitutionnelles du Roi ne peuvent pas être déléguées" , a rappelé le chef de la maison du Roi. Le Parlement n’a jamais adopté de loi arrêtant les fonctions constitutionnelles de l’héritier. Lancer le débat dès aujourd’hui pourrait ouvrir "définitivement" la boîte de Pandore.