Miracle Village, le refuge des délinquants sexuels

Au milieu des champs de canne à sucre qui faisaient auparavant sa richesse, la ville de Pahokee abrite Miracle Village, communauté dont la moitié des habitants ont été condamnés pour une infraction à caractère sexuel.

Contribution externe
Miracle Village, le refuge des délinquants sexuels

Un reportage de Gilles Clarenne, Correspondant en Floride.Au milieu des champs de canne à sucre qui faisaient auparavant sa richesse, la ville de Pahokee abrite Miracle Village, communauté dont la moitié des habitants ont été condamnés pour une infraction à caractère sexuel. Loin des côtes de la Floride, où la majorité de la population se concentre, Pat Powers est l’un des premiers à avoir débarqué ici, il y a cinq ans. "Personne n’est montré du doigt autant que nous, les délinquants sexuels. Aucun dealer, aucun tueur qui ait été impliqué dans une affaire avec un mineur ne doit subir ces restrictions."

Noms, photos, casiers judiciaires, adresses : aux Etats-Unis, dès qu’un individu est condamné pour une infraction à caractère sexuel, ces informations sont rendues publiques sur Internet et le restent jusqu’à la fin de ses jours. Dans certains Etats, les anciens délinquants sexuels ne sont plus autorisés à étudier à l’université et doivent vivre avec un panneau détaillant leur crime devant leur domicile. Et, depuis peu, ils sont tenus, à leur sortie de prison, d’élire domicile dans un endroit éloigné des lieux où pourraient se trouver des mineurs - parcs, crèches, écoles ou arrêts de bus scolaires. La Floride est l’un des Etats qui appliquent les lois les plus strictes dans ce domaine.

Double peine ?

Certains vivent à Miracle Village parce qu’ils ont eu des relations sexuelles avec des mineurs ou possédaient du matériel pédopornographique. Ils reconnaissent leurs torts, mais estiment subir une double peine : la prison qu’ils ont purgée, puis des restrictions strictes à leur libération. Mais "nous avons aussi ici des jeunes qui ont eu des relations sexuelles consenties avec leur copine âgée de 14 ou 16 ans, alors qu’ils avaient 18 ou 19 ans. Ils savent qu’ils ont fait une connerie au regard de la loi, mais je ne pense pas qu’ils doivent porter cette étiquette toute leur vie", explique Pat Powers. David et Christophe sont de ceux-là. Ils ne se considèrent pas coupables. Ils ont été condamnés parce qu’un jour, ils ont été surpris par la police ou dénoncés par la famille de leur copine de l’époque. Mais la loi s’applique à eux également. Comme à ceux dont la condamnation n’impliquait pas un mineur. "On ne veut pas prendre de risque", explique Ron Book, l’auteur de la législation floridienne.

Dans "l’Etat du soleil", la distance à respecter entre le condamné et un lieu où sont susceptibles de se trouver des enfants est de 300 mètres, mais les Etats et les comtés peuvent choisir d’être plus ou moins sévères. A Miami, où la limite est la plus élevée du pays, les délinquants sexuels doivent trouver un logement situé à plus de 760mètres de l’un des lieux publics concernés et s’engager à y rester de la tombée de la nuit au lever du jour. Pendant la journée, ils ont le droit de circuler dans cette zone, mais pas de s’y arrêter, ni d’y travailler. La police est chargée de faire respecter ces restrictions. Dans le comté de Miami, il suffit de prendre un compas et une carte reprenant ces lieux interdits pour comprendre que les options ne sont pas nombreuses. Ces dernières années, les "pockets parks", des parcs parfois à peine assez grands pour accueillir une balançoire se sont multipliés, repoussant les délinquants sexuels toujours plus près du comté voisin.

Pour beaucoup, il est donc impossible de retourner vivre où ils habitaient auparavant. Miracle Village reste l’un des endroits où ils peuvent s’installer. Ceux qui n’ont ni l’argent ni l’envie de s’éloigner des villes, deviennent parfois sans-abri et passent la nuit sous un pont ou sur un parking, juste à la limite de la "zone interdite" avant de retourner errer dans Miami dès le soleil levé.

Selon Maria Kayanan, juriste à l’Union américaine pour les libertés civiles, ces lois ne répondent pas vraiment au problème de la réinsertion des délinquants sexuels. "Elles ne font aucune distinction entre les pédophiles récidivistes et les cas des jeunes couples dont l’un des partenaires vient d’avoir la majorité civile et est dénoncé par les parents de sa copine."

Pour Ron Book, qui est également le président d’une fondation d’aide aux sans-abri de Miami, des exceptions peuvent être faites lorsqu’il s’agit de relations consenties entre des jeunes proches de la majorité sexuelle et de la majorité civile. Mais dans tous les autres cas, il ne fait aucune différence. "Quand ils sortent de prison, certains sont riches, d’autres sont pauvres et finissent dans la rue. Je ne vois pas pourquoi je devrais offrir plus de facilités aux délinquants sexuels." Ron Book dit pourtant réfléchir à un projet de logements qui accueillerait uniquement des délinquants sexuels et serait construit dans les Everglades, à l’intérieur des terres du sud de la Floride. Une sorte de Miracle Village, subsidié par les pouvoirs publics. "Comme ça, ils pourraient se surveiller entre eux."

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