Le conflit syrien gagne Genève
Des représentants de l’Etat syrien et de l’opposition en exil tenteront dès ce mercredi de s’entendre sur une résolution politique du conflit armé. Une première.
Publié le 22-01-2014 à 05h39 - Mis à jour le 24-01-2014 à 19h03
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Un marathon diplomatique. La conférence de paix sur la Syrie, qui s’ouvre ce mercredi à Montreux pour se poursuivre à Genève jeudi, est le fruit d’un marathon diplomatique initié par les Nations unies il y a près d’un an. Maintes fois reportée, objet d’intenses tractations, celle que l’on a baptisée Genève 2 - puisqu’elle est supposée mettre en œuvre l’accord de Genève de juin 2012 - devrait elle-même donner le coup d’envoi d’un marathon diplomatique, qui se prolongera bien au-delà de l’événement lui-même. Avec pour ligne d’arrivée, une solution politique supposée mettre un terme à l’effroyable conflit syrien et son sillon de désolation.
Les Nations unies, qui invitent, ainsi que les Etats-Unis et la Russie, qui organisent, ont réussi à mettre autour d’une même table des représentants de l’Etat syrien et de la Coalition nationale des forces de l’opposition et de la révolution (qui rassemble les groupes d’opposants syriens en exil). Le défi est colossal tant les divergences de vues des acteurs en présence et les objectifs - parfois même au sein - de chaque camp semblent inconciliables.
Zoom sur les acteurs, les enjeux et les perspectives de cet événement peut-être capital pour l’avenir du pays et de la région.
1. Retour à Genève. Depuis sa conception, la conférence de Genève 2 a pour objectif de mettre en œuvre les termes de l’accord de Genève, datant du 30 juin 2012, qui ouvrait la voie à l’ère post-Assad. A l’époque, le groupe d’action sur la Syrie (représentant les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, l’Onu, l’Union européenne et la Ligue arabe) avait avancé la solution d’un gouvernement de transition aux pleins pouvoirs, composé de représentants du pouvoir à Damas et des groupes de l’opposition politique. Mais sans préciser le rôle futur du président syrien Bachar al Assad. C’est ce point précis auquel semblent aujourd’hui renoncer certaines parties (dont les Etats-Unis), arguant que l’actuel Président serait le meilleur garant de la sécurité de la Syrie contre le développement des groupes jihadistes.
2. L’opposition, diminuée. Les Nations unies ont sauvé leur conférence de paix du naufrage en retirant lundi l’invitation qu’elles avaient lancée à l’Iran. La Coalition nationale syrienne menaçait de ne pas y participer. Après des semaines d’atermoiements et de tergiversations, celle-ci avait accepté, samedi depuis son QG d’Istanbul, de se rendre en Suisse (par 58 voix pour, 14 contre et deux abstentions) mais s’était ravisée deux jours plus tard. La Coalition nationale mettait sa participation dans la balance si Téhéran n’acceptait pas les termes de l’accord de Genève, qui implique l’idée d’un gouvernement de transition aux pleins pouvoirs. Devant l’intransigeance iranienne sur ce point, le secrétaire général de l’Onu Ban Ki-Moon a retiré son invitation à la République islamique. L’absence de l’Iran réglant son souci, la Coalition nationale a pourtant subi mardi la défection de son principal groupe. Le Conseil national syrien (CNS), le premier groupe d’opposition ayant fédéré les opposants dès les débuts de la crise syrienne, a motivé son retrait en réaffirmant sa position de principe de pas négocier avec le gouvernement syrien. De son côté, le Comité de coordination national pour le changement démocratique (CCN), qui représente l’opposition à l’intérieur de la Syrie tolérée par le pouvoir, sera elle aussi absente.
3. Le pouvoir syrien, le vent en poupe. Les autorités, qui ont repris ces derniers mois l’ascendant sur le terrain des hostilités, entendent négocier avec les Etats et les organisations internationales, davantage qu’avec une opposition syrienne qu’elles ont toujours ignorée, voire méprisée. Et en aucun cas, comme l’a dit Damas, il ne s’agit de "remettre le pouvoir à quiconque" . Bachar al Assad, dans un entretien lundi avec l’Agence France-Presse, répétait même que rien ne l’empêcherait de se porter candidat à l’élection présidentielle de cette année. C’est bien en Etat souverain et entendant le rester que la Syrie se présente en Suisse. Les responsables syriens ne manquent jamais une occasion de souligner que l’avenir du pays est liée à la décision "souveraine" du peuple syrien.
4. L’Iran, grand absent. Puissant soutien du pouvoir à Damas, l’Iran ne sera pas de la partie lors du lancement de la conférence de Genève 2. Une "erreur", estime la Russie, autre ami de la République de Syrie, mais pas "une catastrophe". Une formulation qui pourrait laisser entendre que des officiels de la République islamique pourraient rejoindre par la suite le processus de négociation. Celui-ci devrait selon toute vraisemblance se poursuivre après la fin de la conférence. Le Royaume-Uni a semblé accréditer cette option, mardi. Au terme d’un entretien téléphonique avec son homologue iranien Mohammad Javad Zarif, le chef de la diplomatie britannique, William Hague, a souligné que son pays restait "ouvert" à l’idée de travailler dans le futur avec l’Iran à la recherche d’une solution pour la Syrie "sur la base du communiqué (ou accord, NdlR) de Genève de juin 2012".
5. L’action humanitaire, la priorité. Près de trois ans après le début des manifestations pacifiques et le dévoiement de la révolution syrienne, devenue conflit armé, le bilan humain s’élève à 130 000 morts, des centaines de milliers de blessés et neuf millions de déplacés (en Syrie) et réfugiés (à l’étranger). A l’heure où un troisième hiver débute, les premières discussions devraient concerner la création de corridors humanitaires permettant l’acheminement d’aliments et de médicaments, et la mise en place de cessez-le-feu temporaires. Une priorité, parmi d’autres.