Ukraine: l'opposition et le président signent un accord de sortie de crise
Le président Viktor Ianoukovitch et les responsables de l'opposition ont signé vendredi en présence des médiateurs européens un accord de sortie de crise en Ukraine, a constaté un journaliste de l'AFP.
Publié le 21-02-2014 à 07h49 - Mis à jour le 24-02-2014 à 07h17
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Le président Viktor Ianoukovitch et l'opposition ukrainienne ont signé vendredi un accord de sortie de crise prévoyant d'importantes concessions du pouvoir, mais qui pourraient apparaître insuffisantes au lendemain du bain de sang qui a endeuillé Kiev. L'accord, signé vendredi au palais présidentiel en présence des médiateurs européens, prévoit notamment une élection présidentielle anticipée, la formation d'un gouvernement de coalition et une réforme constitutionnelle. Il survient après des violences qui ont fait près de 80 morts depuis mardi à Kiev.
Les trois principaux leaders de l'opposition ukrainienne, Vitali Klitschko, Arseni Iatseniouk et Oleg Tiagnibok, ont signé, de même que les ministres des Affaires étrangères allemand Franz-Walter Steinmeier et polonais Radoslaw Sikorski, a constaté l'AFP. Le représentant de la Russie n'a pas signé. L'opposition, représentée par le "Conseil du Maïdan", avait auparavant donné son feu vert à l'accord à condition que l'actuel ministre de l'Intérieur Vitali Zakhartchenko ne fasse pas partie du prochain gouvernement et que le procureur général Viktor Pchonka ne conserve pas ses fonctions, selon Oleg Tiagnibok. Ces deux hommes sont mis en cause pour leur rôle dans la répression policière et judiciaire contre les manifestants en Ukraine.
Le président Ianoukovitch avait annoncé dans la matinée le lancement d'une procédure en vue d'une "présidentielle anticipée", sans pour autant avancer de date précise. La prochaine élection présidentielle est programmée pour mars 2015. Il a également promis un "processus de retour à la Constitution de 2004", qui réduirait les pouvoirs présidentiels au profit du gouvernement et du Parlement, ainsi que la formation d'un "gouvernement d'unité nationale". Il répondait ainsi à des revendications majeures de l'opposition, qui occupe depuis trois mois jour pour jour la place Maïdan au coeur de la capitale ukrainienne. Elles pourraient toutefois ne pas être considérées comme suffisantes après les violences qui ont fait près de 80 morts depuis mardi, un niveau de violence inédit pour ce jeune pays issu de l'ex-Union soviétique.
La Russie n'a pas signé mais salue toute issue pacifique
La Russie n'a pas signé l'accord de sortie de crise conclu à Kiev sous médiation européenne, mais cela ne signifie pas qu'elle ne soutient pas un compromis, a déclaré vendredi le ministère russe des Affaires étrangères. L'accord de sortie de crise a été signé "sous médiation des diplomaties allemande, polonaise et française", souligne le ministère dans un communiqué. Le fait que l'émissaire russe ne l'ait pas signé "ne signifie pas que la Russie ne souhaite pas un compromis", ajoute la diplomatie russe.
Par ailleurs, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a appelé le président Viktor Ianoukovitch pour lui demander que l'accord de sortie de crise soit appliqué totalement et rapidement, a indiqué le porte-parole adjoint de l'ONU Farhan Haq. Il a "demandé instamment au président d'appliquer l'accord totalement et aussi vite que possible", a déclaré le porte-parole.
Pas de relâchement sur le Maïdan
Sur l'emblématique place Maïdan où entre 25.000 et 30.000 personnes étaient rassemblées vendredi sous le soleil, les manifestants ne semblaient pas prêts à lâcher du lest, même si l'atmosphère était nettement moins tendue que la veille, avec certains manifestants se prenant en photo ou allumant des feux d'artifice. "Les gens disent qu'ils ne quitteront pas Maïdan tant que Ianoukovitch ne sera pas parti", a déclaré à l'AFP Oleg Bukoyenko, un habitant de Kiev de 34 ans. "Des élections en décembre ne suffisent pas, il faut qu'il parte maintenant. Sinon il pourrait finir comme Kadhafi ou Ceausescu", a-t-il ajouté, évoquant les "crimes" commis selon lui par le président. "Je ne crois pas qu'il s'agisse de la décision de Ianoukovitch, cela lui a été imposé par les Européens. On ne peut pas lui faire confiance: il dit une chose et en fait une autre", a-t-il conclu.
Ces différentes annonces font suite à une journée et une nuit entière de négociations. Réunis à Bruxelles, les ministres européens des Affaires étrangères ont décidé jeudi de priver de visas et de geler les avoirs de responsables ukrainiens. De son côté, Washington a haussé le ton, menaçant de prendre des sanctions contre "les gouvernants responsables des violences", un message transmis par le vice-président Joe Biden directement au président Ianoukovitch, tandis que le secrétaire d'Etat John Kerry a appelé à la fin des violences et des "morts insensées".
L'Ukraine se trouve actuellement au bord de la faillite, et la Russie a promis l'octroi d'un crédit de 15 milliards de dollars et un important rabais du prix du gaz. Le ministère ukrainien de l'Intérieur a accusé vendredi matin des manifestants d'avoir ouvert le feu sur des policiers en essayant de percer les cordons en direction du parlement. Des manifestants interrogés sur place par l'AFP ont nié l'incident, accusant la police d'avoir usé de grenades assourdissantes.
Le chef adjoint de l'état-major de l'armée ukrainienne, Iouri Doumanski, a annoncé vendredi sa démission pour protester contre des tentatives d'impliquer l'armée dans le conflit. "Aujourd'hui, on implique l'armée dans le conflit civil, cela peut entraîner des morts en grand nombre", a-t-il déclaré sur la chaîne Kanal 5.
C'est l'annonce de la suspension des négociations sur un accord d'association avec l'Union européenne, au profit d'une relance des relations économiques avec Moscou, qui avait conduit le 21 novembre des milliers de personnes à descendre dans la rue. L'opposante emprisonnée Ioulia Timochenko a exigé jeudi soir "la mise à l'écart immédiate de Ianoukovitch". "Des poursuites contre lui pour meurtres massifs de civils doivent être la seule exigence du peuple, de l'opposition et de la communauté internationale", selon elle.