Les Balkans peinent à compter les victimes du déluge
La Serbie et la Bosnie connaissent les pires inondations depuis plus d’un siècle. Ces intempéries ont déjà fait au moins 44 morts. Mais le bilan pourrait largement s’alourdir.
Publié le 18-05-2014 à 20h49 - Mis à jour le 19-05-2014 à 08h50
La Serbie et la Bosnie connaissent les pires inondations depuis plus d’un siècle. Ces intempéries ont déjà fait au moins 44 morts. Mais le bilan pourrait largement s’alourdir.
La solidarité s'organise face au "tsunami continental"
Autrefois, il y avait la Yougoslavie. Les élans de solidarité qui suivirent les tremblements de terre de Skopje, en 1963, et du littoral monténégrin, en 1979, restent gravés dans la mémoire des gens de plus de 50 ans. La Yougoslavie n’existe plus, mais quelque chose de similaire est en train de se mettre en place. Dès jeudi, la Macédoine, le Monténégro et la Slovénie offraient leur aide aux républiques de l’ancien Etat commun les plus touchées, la Bosnie-Herzégovine et la Serbie. Les gouvernements ont immédiatement envoyé des équipes de sauveteurs, des médecins - tandis qu’une solidarité spontanée s’organisait partout.
"L’aide des voisins avant Bruxelles"
A Tivat, une petite ville du littoral monténégrin, les membres du club de kayak de mer ont pris la route d’Obrenovac, en Serbie, équipés de tronçonneuses, pour tenter de dégager l’accès aux maisons isolées. Les habitants collectent des vivres et un camion doit partir mercredi. La Russie a envoyé quelques équipes de secours en Serbie et la plupart des pays de l’Union européenne ont promis de l’aide. Toutefois, reconnaissent tant les Serbes que les Bosniens, "il faut compter sur l’aide de ses voisins avant celle de Bruxelles". Un des petits miracles provoqués par le "tsunami continental" qui a frappé les Balkans est peut-être que, pour la première fois depuis la fin de la guerre, une solidarité s’organise à l’échelle de toute la Bosnie-Herzégovine, sans que soit posée la question des frontières entre les deux "entités" de ce pays toujours politiquement divisé. A Sarajevo, on collecte des médicaments pour la ville de Doboj, particulièrement touchée, qui se trouve pourtant en Republika Srpska, "l’entité serbe" . Une collaboration spontanée et fonctionnelle semble s’être mise en place entre les forces armées de Bosnie-Herzégovine, la police de la Republika Srpska et celle des différents cantons de la Fédération.
Coups de main des demadeurs d’asile
Les inondations dévastatrices ont également submergé la Slavonie, dans l’est de la Croatie, et une chaîne de solidarité s’est mise en place dans toutes les villes. Cependant, le pays demeure moins touché que ses voisins, et les Croates sont appelés à venir en aide à la Bosnie-Herzégovine et à la Serbie. La mobilisation se déroule largement sur les réseaux sociaux où tout le monde, Bosniaques, Serbes, habitants du pays ou de la diaspora, échange des informations et propose des services. Il y a des images surprenantes : ainsi celles, qui passaient en boucle samedi sur les télévisions serbes, de demandeurs d’asile syriens et somaliens, faisant la chaîne, à Obrenovac, pour évacuer des vieillards de la ville. Ces dernières années, les habitants de cette commune avaient souvent manifesté contre la présence d’un centre d’hébergement pour étrangers.
Aucun bilan du désastre n’est encore imaginable : dans les deux pays, les victimes se comptent par dizaines, mais des centaines de corps - voire plus - vont être rendus par les eaux dans les prochains jours. La décrue, accompagnée du retour de fortes chaleurs, pourrait provoquer de sérieux risques sanitaires. Des villages entiers ont été rayés de la carte. Des routes, des voies ferrées, des usines ont été détruits, le bétail a subi une hécatombe. Malgré le drame dont les épisodes les plus terribles sont peut-être encore à venir, quelque chose d’inédit est en train de se passer dans l’ancienne Yougoslavie. "Pour la première fois depuis 25 ans" , note l’écrivain monténégrin Andrej Nikolaidis, "la solidarité est plus forte que les haines et les divisions" .
B-Fast pompera et purifiera l'eau
Ce lundi matin à 6 heures, une dizaine de camions quittera la caserne de Peutie, en Belgique, en direction de la Bosnie-Herzégovine, qui vit ses pires inondations depuis un siècle. A bord de ces poids lourds, une trentaine de membres de B-Fast, la Belgian First Aid and Support Team, qui dépend du gouvernement fédéral et dont l’objectif est d’apporter une aide d’urgence en cas de catastrophe à l’étranger. "Il y aura deux grands volets à la mission , explique Geert Gijs, membre de B-Fast et chef de la cellule de crise au SPF Santé publique. Le premier, ce sera le pompage à haute capacité, pour les inondations."
Des pompes pour baisser le niveau des fleuves
La capacité de telles pompes, fournies par la protection civile belge, et qui seront chargées par camion ? 24 000 litres par minute. "Ce sont des pompes trop puissantes pour être utilisées pour pomper l’eau des maisons. Elles seront utilisées pour pomper l’eau de grandes superficies, par exemple de fleuves. Le but est alors de diminuer le niveau du fleuve, pour permettre alors à l’eau de se retirer des maisons." Le deuxième grand volet de la mission sera la purification de l’eau. Les camions emporteront une station destinée à cet effet, fournie par le SPF Santé publique. "C’est une question importante de santé publique , précise Geert Gijs. A cause de ces inondations, les canalisations d’eau ne peuvent plus être utilisées. En plus, dans ces pays, beaucoup de gens utilisent encore des puits, et ces puits ont été contaminés par les inondations."
L’équipe de B-Fast sera surtout formée de logisticiens, avec des techniciens capables de manipuler le système de pompage et d’utiliser la station de purification. Des experts en laboratoire feront aussi partie de l’équipe. Leur mission sera de tester la qualité de l’eau sur place. La Défense belge, quant à elle, contribuera avec des facilités de transmission. B-Fast ignore encore à quel endroit de la Bosnie elle travaillera. C’est le gouvernement bosniaque qui précisera à l’équipe où s’installer. "C’est aussi le gouvernement du pays qui a appelé officiellement à l’aide. Cela fait partie de nos règles lorsque nous intervenons" , rappelle Geert Gijs. Une quinzaine de pays a déjà répondu à l’appel. Pour la Belgique, les partenaires du gouvernement ont donné leur accord à la proposition du ministre des Affaires étrangères. L’opération B-Fast se conduit dans le cadre du mécanisme de protection civile de l’UE, géré par la Commission européenne.