Les jihadistes de l'Etat islamique percent un peu plus à Kobané
Les jihadistes du groupe Etat islamique (EI) continuaient jeudi à avancer vers le centre de Kobané après avoir pris un tiers de la ville kurde syrienne, vers laquelle la Turquie voisine refuse d'envoyer des troupes.
Publié le 09-10-2014 à 10h47 - Mis à jour le 09-10-2014 à 14h32
Les jihadistes du groupe Etat islamique (EI) continuaient jeudi à avancer vers le centre de Kobané après avoir pris un tiers de la ville kurde syrienne, vers laquelle la Turquie voisine refuse d'envoyer des troupes.
Les combattants kurdes qui défendent Kobané savent désormais qu'ils ne devront compter que sur leurs propres forces car Washington a reconnu que les bombardements aériens ne suffiront pas à sauver la ville.
"Malgré une résistance acharnée des forces kurdes, l'EI a avancé durant la nuit et s'est rendu maître de plus d'un tiers de Kobané", a affirmé à l'AFP le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) Rami Abdel Rahmane.
"Les jihadistes se sont emparés de l'immeuble des Assayech (force de sécurité kurdes) dans le nord-est de la ville", a-t-il dit, faisant état de la mort d'un de ses chef et plusieurs de ses hommes.
Toujours dans l'est de la ville, l'EI se rapproche, selon l'OSDH, de ce qui est appelé "le carré de sécurité", où se trouvent des bâtiments officiels et le commandement des Unités de protection du peuple (YPG, la milice kurde).
Une journaliste de l'AFP postée côté turc de la frontière a vu jeudi quatre frappes aériennes, dont deux ayant visé un même objectif situé au sud-ouest de la ville (Aïn al-Arab en langue arabe). Des épaisses fumées étaient visibles au-dessus de la ville et des violents échanges de tirs audibles.
Depuis lundi, la troisième ville kurde de Syrie est le théâtre de combats de rue acharnés. Le rapport de force est cependant défavorable aux Kurdes, l'EI possédant des véhicules blindés et des armes sophistiquées.
Profitant de la guerre civile en Syrie, le groupe ultra-radical a réussi à s'emparer de larges pans de territoires dans le nord et l'est. Il contrôle en outre de grandes zones dans l'Irak voisin, où il a lancé une offensive fulgurante il y a exactement quatre mois, entraînant des raids aériens américains le 8 août.
Le porte-parole du Pentagone, le contre-amiral John Kirby, a reconnu que "les frappes aériennes à elles seules ne vont pas (...) sauver" Kobané. Il faudrait des troupes "compétentes", comme des combattants rebelles en Syrie, selon lui.
Le plus haut gradé américain, le général Martin Dempsey, a souligné que les jihadistes avaient changé de tactique pour s'adapter aux frappes que les Etats-Unis mènent en Syrie depuis le 23 septembre.
"Ils ne plantent plus de drapeaux, ne se déplacent plus dans de longs convois comme ils le faisaient avant (...) Ils n'établissent pas de quartiers généraux qui sont visibles", a-t-il indiqué à la chaîne américaine ABC.
La bataille de Kobané a provoqué mardi des émeutes meurtrières dans des provinces à majorité kurde de Turquie, déclenchées par le refus du gouvernement d'Ankara d'intervenir en Syrie.
Malgré le couvre-feu militaire imposé mercredi dans six provinces à majorité kurde, des incidents violents ont encore opposé dans la nuit dans de nombreuses villes la police et des manifestants kurdes.
Le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu a jugé jeudi qu'il n'était "pas réaliste" d'envisager que la Turquie mène seule une intervention militaire terrestre contre l'EI.
Malgré le feu vert du Parlement turc à une opération militaire contre l'EI, Ankara refuse d'épauler les combattants des YPG. Ankara redoute de surcroît que les frappes de la coalition ne renforcent le régime du président syrien Bachar al-Assad, sa bête noire.
Les Etats-Unis ont exprimé leur frustration devant les réticences de la Turquie à lutter contre l'EI, et pour tenter de la convaincre, Washington a dépêché jeudi et vendredi à Ankara le coordonnateur de la coalition, le général John Allen.
Les deux pays se sont par ailleurs indirectement accrochés sur l'opportunité de créer une zone tampon entre la Syrie et la Turquie pour protéger les personnes déplacées.
Ankara a maintes fois plaidé pour et a reçu mercredi le soutien de Paris. Mais la Maison Blanche et l'Otan affirment qu'une zone tampon n'est pas à l'ordre du jour.
S'ils réussissaient à conquérir Kobané, les jihadistes s'assureraient la maîtrise sans discontinuité d'une longue bande de territoire à la frontière syro-turque.
Depuis le début de l'offensive jihadiste pour prendre Kobané le 16 septembre, plus de 400 personnes ont péri selon l'OSDH, et 300.000 habitants de la région ont pris la fuite, dont plus de 200.000 en Turquie.
Les combats entre Kurdes et islamistes ont un écho en Europe, où de nouveaux incidents ont eu lieu entre les deux camps dans la nuit en Allemagne.
Par ailleurs, un père franciscain capturé en Syrie par le Front Al-Nosra, branche syrienne d'Al-Qaïda engagée dans la guerre contre le régime, a été relâché mais placé en résidence surveillée, a indiqué l'ordre franciscain sur son site internet.