Kabila à la reconquête du Katanga
Le président Kabila tente de regagner ses positions perdues.
Publié le 07-01-2015 à 16h19
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Secoué par la multiplication des prises de position publiques contre un troisième mandat présidentiel dans le Katanga de ses pères (voir "La Libre" du 24 décembre 2014), le président Kabila a entamé ces derniers jours, à l’occasion du Nouvel An, une opération de reconquête de la province. Lundi, en effet, bien qu’il ait assuré n’être au Katanga que pour "se reposer" et "voir sa mère", le chef de l’Etat avait invité "un millier" , selon l’agence APA, de notables à l’entendre à Lubumbashi, une pratique inhabituelle.
Les deux grands absents
Tous les Katangais ont noté l’absence du gouverneur de la province, Moïse Katumbi, membre du parti présidentiel PPRD, qui s’est fait excuser pour "raisons de santé", et du président de l’assemblée provinciale, Gabriel Kyungu, importante figure de l’ethnie Luba du Katanga, dont est issue la famille paternelle de M. Kabila. Le 23 décembre, à son retour de trois mois de séjour en Europe - où il se serait fait soigner pour empoisonnement - M. Katumbi avait été accueilli par M. Kyungu et une foule immense, et avait pris position, lui aussi, contre un troisième mandat.
Sans nommer ses deux ex-alliés, vus comme des adversaires, M. Kabila a choisi lundi comme angle d’attaque de déplorer la mauvaise gestion de la province, où la pauvreté ne diminue pas malgré les plantureux bénéfices miniers - pauvreté habituellement comptée par de nombreux Katangais au passif du chef de l’Etat.
Il a également annoncé qu’il ne tolérerait aucune "milice " au Katanga - ce qui a été compris par tous comme une attaque contre M. Kyungu, à la tête d’une milice de parti, la Juferi.
C’est encore M. Kyungu qui était visé lorsque le président Kabila a annoncé qu’il ne renoncerait pas au découpage de la province en entités plus petites tel que prévu par la Constitution de 2006, parce qu’il faut respecter cette dernière. La question divise le Katanga. Une minorité de Katangais sont "pour" - essentiellement dans la région de Kolwezi, qui deviendrait une province et gérerait ses richesses minières. La majorité des Katangais - dont M. Kyungu, pour qui le pays n’est "pas prêt" - y sont opposés parce qu’ils veulent un Katanga uni et/ou parce qu’ils vivent dans une zone sans ressources minières (Nord-Katanga).
M. Kabila a insisté sur le fait que le Katanga n’était pas une république mais une des provinces du Congo, sans droits particuliers, et que d’autres régions du pays - dont l’Ituri (Province orientale) - réclamaient, elles, le découpage. Il a assuré que, contrairement à ce que prédisent nombre de Katangais, "il n’y aura pas d’hécatombe" à la fin de son mandat, en décembre 2016 - toujours sans préciser s’il se présentera, comme il se dit, à un troisième mandat, interdit par la Constitution.
Le gouverneur Katumbi a semblé moins attaqué que Kyungu. Selon une de nos sources au Katanga, le pouvoir avait laissé entendre, ces derniers jours, qu’il serait suspendu de son poste; une démarche des chefs Lubas du Katanga (bien que M. Katumbi ne soit pas Luba) en aurait dissuadé M. Kabila.
Convainquant ?
M. Kabila a-t-il convaincu les Katangais ?
Selon le modeste tour d’horizon que nous avons pu faire, il semble qu’il n’ait pas convaincu ceux qui lui ont retiré leur confiance; ils estiment la tension "toujours forte" . Plusieurs sources nous ont en outre rapporté que les membres du gouvernement et de l’assemblée provinciale présents à la conférence présidentielle de lundi n’applaudissaient pas.
D’autres jugent qu’il faut "le prendre au mot" lorsque le Président justifie sa volonté de scinder le Katanga par le respect de la Constitution. "Il a dit qu’il n’avait jamais reçu de demande d’une délégation katangaise pour que la province soit exemptée du découpage", dit une de nos sources. "Ni de pétition de 100 000 signatures" (NdlR : processus prévu par la Constitution ), laissant entendre que M. Katumbi et M. Kyungu n’avaient jamais relayé jusqu’à Kinshasa le rejet de la mesure par une majorité de Katangais. "Il faut le prendre au mot", répète notre interlocuteur.
D’autres, enfin, favorables au chef de l’Etat, estiment que la conférence de lundi a amené "l’apaisement et rassuré". "Il a incité à ne pas croire les ragots et à être disciplinés. Il a parlé contre les milices et la violence, souligné que la prospérité du Katanga dépendait de la paix. J’ai compris qu’il encourageait le recours des compagnies minières à des sous-traitants congolais - et nous avons applaudi parce que nous, entrepreneurs congolais, perdons régulièrement des marchés au profit d’entreprises dirigées par des étrangers." Marie-France Cros