La modification électorale qui met Kinshasa sous tension
L'opposition a manifesté dans la rue pendant que ses députés protestaient à l'Assemblée. Ils s’opposent à une modification électorale vue comme devant permettre à M. Kabila de rester au pouvoir.
Publié le 12-01-2015 à 19h15 - Mis à jour le 13-01-2015 à 12h11
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Nouvelle poussée de fièvre à Kinshasa, dimanche et lundi, où l’opposition, dans la rue et à l’assemblée nationale, a empêché une modification de la loi électorale considérée comme destinée à permettre au président Kabila de se maintenir au pouvoir au-delà de son second mandat.
Le nouveau ministre de l’Intérieur, Evariste Boshab, a présenté le 5 janvier dernier, pour examen et adoption en urgence, un projet de loi destiné à modifier la loi électorale, adopté quelques heures plus tôt par le conseil des ministres. Il devait être examiné lundi matin par l’assemblée nationale, alors qu’il ne figurait pas à l’ordre du jour de la session parlementaire, "ce qui est contraire au règlement d’ordre intérieur de l’Assemblée", affirme-t-on à l’UNC, le parti de Vital Kamerhe, qui dirigea cette assemblée de 2006 à 2009.
Recensement obligatoire pour 2016
Parmi les modifications prévues figure l’obligation de procéder à un recensement de la population avant l’élection présidentielle qui devrait, légalement, avoir lieu en 2016 et à laquelle M. Kabila ne peut se représenter après deux mandats. Or, un tel recensement, au Congo, est estimé devoir durer de trois à quatre ans. Curieusement, les élections locales annoncées pour 2015 (juin, août et octobre) n’auraient pas besoin, elles, de ce recensement préalable.
" En raison du tollé international soulevé par le projet de modifier la Constitution pour permettre un troisième mandat présidentiel, on tente de postposer ces élections présidentielles tant redoutées, pour obtenir le même résultat" , a déclaré à "La Libre Belgique" Me Jean-Joseph Mukendi, de l’UDPS, le parti de Tshisekedi.
L’Article 70 de la Constitution prévoit en effet que le chef de l’Etat "reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu" .
"Ce projet de glissement du mandat présidentiel intéresse aussi nombre de députés qui ont conquis leur siège lors des élections législatives et présidentielles frauduleuses de 2011, commente un Kinois, parce qu’ils ont été mal élus ou parce qu’ils n’ont pas de contacts avec leur base électorale et se savent impopulaires. Il serait plus logique de faire ce recensement après la présidentielle de 2016 parce qu’on ne pourrait pas soupçonner le nouveau Président élu d’avoir de mauvaises intentions et il aurait un, voire deux quinquennats devant lui pour le mener à bien", ajoute cette source.
Blessés par balles
L’opposition a donc organisé à Kinshasa une première manifestation de protestation contre le projet de modification de la loi électorale, dimanche, dont la répression a fait plusieurs blessés "à coups de baïonnette ".
Une nouvelle manifestation, lundi matin, s’est soldée par de nouveaux blessés, notamment "par balles" dans les jambes. Les protestataires ont été repoussés dans les locaux de l’UNC - proches du Palais du peuple, siège de l’assemblée - où ils auraient été bloqués "par la garde présidentielle, qui empêche les blessés de sortir pour se faire soigner", indiquent deux de nos sources.
L’examen du projet a d’abord été reporté à lundi après-midi faute de quorum, alors que l’opposition voulait boycotter la séance plénière pour ne pas "être complice" .
L’après-midi, "une bagarre générale" a éclaté à l’Assemblée nationale, selon plusieurs sources. L’une d’elles indique qu’elle a commencé lorsque plusieurs dizaines de députés d’opposition se sont vu interdire d’entrer dans le Palais du peuple. D’autres que son origine est à trouver dans le chahut organisé par les députés d’opposition dans l’hémicycle pendant la présentation du projet de loi par son auteur, Evariste Boshab.
En tout état de cause, le projet de loi doit être examiné par la commission politique administrative et judiciaire de l’Assemblée nationale, être voté par les députés et passer ensuite devant les sénateurs.