RDC: la police tire sur des étudiants manifestant à Kinshasa
La police congolaise a tiré quelques coups de feu lundi matin pour disperser plusieurs milliers d'étudiants qui manifestaient contre le président Joseph Kabila dans le sud de Kinshasa, selon une journaliste de l'AFP, qui a vu un blessé par balle.
Publié le 19-01-2015 à 11h15 - Mis à jour le 19-01-2015 à 13h05
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La police congolaise a ouvert le feu lundi à Kinshasa pour disperser plusieurs milliers de sympathisants de l'opposition qui dénonçaient une révision de la loi électorale, permettant selon eux au président Joseph Kabila de se maintenir au pouvoir.
Selon des journalistes et des témoins, les forces de l'ordre ont tiré sur un rassemblement d'étudiants près de l'université, dans le sud de Kinshasa, blessant au moins deux personnes.
Des pillages et des échauffourées entre groupes de centaines de jeunes et police, à coups de pierres et de gaz lacrymogène, ont été signalés dans divers quartiers populaires de la capitale de la République démocratique du Congo (RDC), dont plusieurs axes étaient coupés par des barrages de pneus enflammés.
A l'hôpital général de Kinshasa, une journaliste de l'AFP a pu voir un troisième blessé de 22 ans, également touché par balle. Selon des opposants, il a été blessé tandis que la police cherchait à disperser un groupe de manifestants près du Parlement, dans le centre-nord de la ville.
Un collectif formé autour de membres des trois principaux partis de l'opposition avait appelé les habitants de Kinshasa "à occuper massivement" le Parlement lundi pour faire obstacle au projet de révision de la loi électorale, adopté samedi par les députés et devant maintenant être examiné par le Sénat.
En liant la tenue des prochaines élections législatives et présidentielle aux résultats du recensement général devant commencer cette année, ce projet est susceptible d'entraîner un report des scrutins censés avoir lieu fin 2016 et le maintien au pouvoir du président Joseph Kabila, à la tête de la RDC depuis 2001, au-delà du terme de son mandat.
En prévision d'une journée s'annonçant difficile, le pouvoir avait fait boucler les abords du Parlement lundi matin, déployant des centaines de policiers et de soldats de la Garde républicaine armés, empêchant tout passage dans un large périmètre autour du Palais du peuple, incluant les sièges de plusieurs partis politiques d'opposition.
Les violences ont eu lieu alors que M. Kabila recevait son homologue angolais, José Edouardo dos Santos, pour signer des accords de coopération économique et discuter de la situation sécuritaire dans l'est du pays, où sévissent encore une cinquantaine de groupes armés.
Près du campus de l'Université de Kinshasa, après des échauffourées, un responsable de la police a averti qu'il ferait tirer ses hommes directement sur les étudiants si ceux-ci ne rentraient pas chez eux, selon la journaliste de l'AFP, qui a vu une voiture particulière incendiée alors que des témoins rapportaient des scènes de pillages dans les environs.
Près de la place Victoire, emblématique de la "Cité", quartier très récent, les policiers ont dispersé à coup de grenades lacrymogènes un groupe d'environ 200 jeunes qui scandaient des slogans appelant le président Kabila à "partir à la fin de son mandat".
Dans plusieurs quartiers, notamment à Bandalungwa, des jeunes ont enflammé des pneus et monté des barrages à certains carrefours, selon des témoins.
Une journaliste de l'AFP a pu voir des affrontements entre plusieurs groupes de jeunes lançant des pierres contre des policiers, qui tiraient des grenades lacrymogènes.
"C'est organisé, il y a manifestement des responsables qui les encadrent", a déclaré à l'AFP un diplomate à propos de l'éclosion de plusieurs foyers de contestation dans les quartiers populaires.
Sur les grands axes menant au quartier Gombe, où se trouvent administrations et ministères, on pouvait voir des policiers et soldats à chaque carrefour, alors qu'un hélicoptère militaire patrouillait dans le ciel.
L'examen du projet de loi électorale adopté samedi soir par les députés devait commencer lundi au Sénat.
Dans un communiqué, l'Union pour la Nation congolaise (UNC), troisième parti d'opposition au Parlement, a dénoncé le déploiement des policiers autour de son quartier général, où son président Vital Kamerhe se trouvait confiné lundi.
Ancien président de l'Assemblée nationale et ex-meilleur allié de M. Kabila, M. Kamerhe est aujourd'hui un de ses opposants les plus bruyants. A Bukavu, son fief du Sud-Kivu, dans l'est du pays, près de 200 manifestants étaient dans la rue vers 13h00 (11h00 GMT) pour demander sa "relaxation rapide", a constaté un correspondant de l'AFP.
Quelques photos ont été partagées sur Twitter.
La loi électorale revue à la sauvette
"Une mascarade honteuse" . Dans les rangs de l’opposition congolaise, on ne mâche pas ses mots à la suite du vote de la révision de la loi électorale en catimini, ce samedi, jour férié en mémoire de Patrice Lumumba en République démocratique du Congo.
"La plénière a été convoquée en toute fin de soirée, vendredi, pour éviter les manifestations qui s’annoncent pour ce lundi", explique un élu d’un parti de la majorité.
Le projet de loi électorale susceptible d’entraîner le report de la prochaine présidentielle censée avoir lieu en 2016 a donc été adopté peu après 23H30 par 337 voix pour. Huit députés ont voté contre, et 24 se sont abstenus (sur 500 députés).
Un recensement en dix mois
Le projet adopté par les députés lie la tenue des prochaines législatives et présidentielle aux résultats du recensement général. Le Sénat doit examiner le texte à compter de ce lundi en vue de son adoption avant la fin de la session parlementaire extraordinaire, le 26 janvier.
"Le recensement n’est pas le vrai problème", explique un ex-ministre congolais. Il peut être réalisé en 10 mois. Le budget pour y parvenir est de 140 millions de dollars. Il manque actuellement 90 millions qui doivent venir de l’Etat congolais mais aussi des bailleurs de fonds comme la Banque mondiale, la Banque africaine de développement ou le Japon. La première phase prévoit le déploiement de 1 200 agents qui doivent cartographier le pays pendant 9 mois. Ensuite, pendant 30 jours, 80 000 agents, à former, seront envoyés dans tout le pays, tous munis d’une tablette informatique pour le recensement concret. C’est faisable. L’Angola l’a fait en 3 mois".
Le souci ? La délivrance des cartes d’identité qui doit suivre ce recensement. "Au bas mot, 50 millions de cartes devront être distribuées", poursuit notre interlocuteur. Un accord a été signé sous le gouvernement Matata 1 avec une banque chinoise pour financer ces cartes. Mais les Chinois sont devenus beaucoup plus frileux envers la RDC. "Le recensement doit avoir lieu. Les derniers chiffres sérieux datent de 1984", explique l’ex-ministre. "Le pouvoir en place a fait traîner les choses. Si le gouvernement peut démontrer que le recensement prendra moins d’un an, il ne pipera mot de la problématique des cartes d’identité. Enjeu qui peut permettre de maintenir Joseph Kabila au pouvoir bien au-delà de la date limite".