Alexis Tsipras, un ingénieur qui apprend vite
Il a appelé l’un de ses deux fils Orphée-Ernesto, à la mémoire du Che, pour lequel il a une faiblesse. A quarante ans, il fait trembler l’Europe des banques et donne de l’espoir à celle des laissés-pour-compte. Portrait du grand vainqueur des élections législatives en Grèce.
Publié le 25-01-2015 à 17h11 - Mis à jour le 25-01-2015 à 21h08
Il a appelé l’un de ses deux fils Orphée-Ernesto, à la mémoire du Che, pour lequel il a une faiblesse. A quarante ans, il fait trembler l’Europe des banques et donne de l’espoir à celle des laissés-pour-compte. Avec son sourire ravageur, Alexis Tsipras, chef de l’opposition de gauche grecque, a imposé son style faussement désinvolte - jamais de cravate mais toujours un costume sombre et une chemise blanche à col ouvert.
Tsipras est un homme sûr de lui, un calme "qui ne perd jamais son sang-froid", selon ses proches, un orateur à la rhétorique facile et aux arguments foudroyants.
Des arguments qui sont des actes. En plein débat haineux sur l’octroi de la nationalité grecque aux enfants immigrés nés en Grèce, Alexis Tsipras laisse le monde politique sans voix lorsqu’il arrive à la fête de la démocratie, le 24 juillet 2008, au bras d’une jeune femme noire en attente de papier.
Ingénieur, il a commencé sa carrière politique à 16 ans, aux Jeunesses communistes. A l’université, se souvient une de ses camarades, "il était de toutes les assemblées générales, de tous les comités de lutte. A se demander, ajoute-t-elle, agacée, comment, avec toutes ses absences, il a obtenu son diplôme." Un autre souligne "qu’il était évident qu’il allait entrer en politique. Il écoutait tout le monde, synthétisait en deux minutes nos revendications et prenait la parole pour trouver une solution acceptable pour tous."
L’art du compromis
A 25 ans, il prend la tête des jeunesses du Sinaspismos, ancêtre du Syriza. Mais c’est en 2006 qu’il fait son apparition sur la scène politique en arrivant troisième lors des municipales d’Athènes. Deux ans plus tard, il prend la tête du parti, entre au parlement en 2009, et fédère en 2012 le Syriza en un parti prêt à gouverner.
Deux ans plus tard, il se voit offrir la direction de la liste de la gauche européenne pour la Commission européenne. Au début, il a cru à une "blague" mais Tsipras, qui apprend très vite - c’est même, selon un compagnon de route, "une de ses qualités majeures" - a rapidement saisi l’enjeu d’une telle nomination. Il ne se bat plus seulement pour la Grèce, mais pour une autre Europe, lui que ses opposants accusent de vouloir quitter l’Euro-zone !
Sous ses airs décontractés, c’est une véritable bête de scène. Surprendre reste son arme. Ainsi, il n’a pas hésité à dire, dans son anglais des plus approximatifs, au très libéral Brooking Institution de Washington, "I’m not dangerous" - je ne suis pas dangereux - message qu’il a répété à la City de Londres, à la prestigieuse London School of Economics. Du coup, en 2013, c’est le FMI et le Congrès américain qui l’invitent chez eux pour présenter son programme.
Concubinage
Très discret sur sa vie privée, Alexis Tsipras s’est attiré les foudres du clergé orthodoxe car, non seulement il vit en concubinage, mais, en plus, ses enfants ne sont pas baptisés. Qu’à cela ne tienne : il s’est rendu cet été en visite très médiatisée au Mont Athos, cette république théocratique interdite aux femmes, visite qui a fait grincer les dents de plus d’un cadre du parti.Angélique Kourounis