Procès du Carlton: "DSK a des pratiques qui peuvent choquer les novices..."
Face aux questions du tribunal et aux témoignages détaillés des prostituées, Dominique Strauss-Kahn a légèrement perdu patience mercredi devant le tribunal correctionnel de Lille où il comparaît pour proxénétisme aggravé. Compre-rendu de l'audience de ce mercredi.
Publié le 11-02-2015 à 10h32 - Mis à jour le 11-02-2015 à 18h54
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"Absurde!", "Fausse logique!": l'ex-patron du FMI Dominique Strauss-Kahn a haussé le ton mercredi, au deuxième jour de son audition par un tribunal français, s'indignant que la rudesse de sa sexualité puisse être considérée comme une preuve à charge.
"Je commence à en avoir un peu assez", a lâché DSK, 65 ans, accusé de proxénétisme aggravé devant le tribunal de Lille (nord). "Les comportements que j'ai (...) n'ont de sens (dans ce procès) que s'ils impliquent que cela nécessite d'avoir des prostituées, ce qui est absurde", a-t-il tonné. "Sauf à vouloir me faire comparaître devant les juges pour pratiques dévoyées, ce qui n'existe plus" en droit français, a fait remarquer Dominique Strauss-Kahn, dans une allusion à la sodomie.
"DSK avait des demandes qui peuvent choquer les novices"
Le président du tribunal poursuit la lecture du témoignage d'Estelle, une escort-girl belge apparue comme la favorite de DSK. "Il ne m'a jamais manqué de respect. Mais c'est vrai que DSK avait des demandes qui peuvent choquer les novices. Pas moi..."
DSK la décrit comme une "gai luronne", une "libertine".
Entre 2007 et 2010, Estelle et DSK ont eu une dizaine de relations sexuelles à Paris, Bruxelles, Lille et Washington. Si Estelle se dit libertine et affirme qu'elle ne vend pas ses charmes, le président du tribunal a relevé que la Belge avait menacé de ne pas avoir de relations sexuelles sur le sol américain si elle ne percevait pas son argent de Fabrice Paszkowski.
Le commissaire divisionnaire Jean-Christophe Lagarde, qui s'étonne d'être considéré comme "la seconde personne à choyer après DSK" comme l'a déclaré Estelle, précise que plusieurs incidents ont éclaté entre la jeune Belge et Fabrice pour un motif d'ordre financier durant le séjour.
DSK ne conteste pas la version d'Estelle selon laquelle il lui a proposé de lui payer ses frais de voyage de Bruxelles vers Paris, sans passer par Fabrice Paszkowski, car il s'entendait bien avec "cette libertine parfaitement assumée". Il dément néanmoins lui avoir demandé combien elle était payée pour entretenir des relations sexuelles avec lui car "elle ne lui est jamais apparue comme étant une prostituée".
Estelle, et d'autres filles, ont qualifié Fabrice Paszkowski de "recruteur" ou de "commerçant" pour DSK. Ce dernier prétend pour sa part qu'il n'a pas de "recruteur", si ce n'est lui-même.
Jade : " Vu que rien ne s'est passé avec DSK, j'ai servi de cadeau à un autre Français de passage à Washington"
Après les orgies auxquelles a participé Dominique Strauss-Kahn en France et en Belgique, le tribunal correctionnel de Lille s'est penché sur le voyage à Washington, organisé fin janvier 2010. Jade a accompagné Fabrice, ainsi que Jacques Mellik (ex-député maire socialiste de Béthune) et sa compagne Catherine, laquelle aurait refusé les exigences sexuelles de DSK. La prostituée aurait été obligée d'avoir une relation sexuelle avec un artiste qui milite pour les droits de la femme. Le groupe a passé deux nuits dans la capitale fédérale américaine mais Jade dit que Dominique Strauss-Kahn n'a eu aucune relation sexuelle complète avec elle. DSK a rompu les préliminaires entamés avec elle et sa compagne du jour car l'amie de Jacques Mellik refusait de participer à une partie fine à plusieurs. Un refus qui aurait fâché DSK, selon Jade, et qui aurait plombé l'ambiance au sein du groupe. "On m'a donné 2.000 euros pour ce séjour. Vu que rien ne s'est passé avec DSK, j'ai servi de cadeau à un autre Français de passage à Washington", raconte l'ancienne prostituée belge qui avait la chambre la plus luxueuse "afin d'accueillir les invités".
Ce Français est un artiste qui milite pour les droits de la femme, selon Fabrice Pazskowski. "C'était un secret, il ne savait pas que Jade était une prostituée mais il était attiré par elle. Je n'ai pas dit à Jade d'aller vers lui", confesse l'ami de DSK. "C'est un peu trahir ses copains que de cacher la vérité à cet homme et à votre ami Dominique Strauss-Kahn qu'ils couchaient avec des prostituées", lui a fait remarquer le président du tribunal, Bernard Lemaire.
Ce dernier s'interroge sur une photo sur laquelle Jade pose avec un grand sourire aux côtés de DSK dans son bureau au FMI. "D'autant plus que vous n'avez pas gardé un grand souvenir de votre dernière rencontre", dit le juge qui s'appuie sur les accusations portées plus tôt par l'ex-fille de joie qui avait détaillé un rapport brutal qui s'était déroulé dans un hôtel à Bruxelles, quatre mois plus tôt. "C'était une photo souvenir, comme celle des petits écureuils dans le jardin de la Maison Blanche", dit Jade qui insiste sur l'attitude courtoise de DSK lors de ce séjour outre-Atlantique.
L'ancien patron du FMI, quant à lui, prétend qu'il n'aurait jamais accepté cette photo s'il avait su qu'elle était de petite vertu.

DSK : "J'ai une profonde aversion pour la prostitution"
Dominique Strauss-Kahn s'est expliqué mercredi devant le tribunal correctionnel de Lille, sur les accusations portées plus tôt par une ancienne prostituée belge, Jade. Celle-ci avait parlé d'une scène brutale au sein de l'hôtel Amigo à Bruxelles, à l'automne 2009, en évoquant "un empalement". DSK prétend qu'il n'a rien perçu d'anormal sur le moment et qu'il n'avait pas les moyens de s'en rendre compte. DSK prétend qu'il s'est rendu compte de l'état de choc de Jade lors d'une confrontation devant les enquêteurs et qu'il s'en est excusé. "Je ne l'ai pas perçu sur le moment et je n'avais aucun moyen de m'en rendre compte car elle est encore restée une heure avec nous dans la chambre", raconte DSK qui qualifie son comportement sexuel de "rude" mais "identique" avec toutes les femmes qu'il a fréquentées.
DSK estime que le fait d'organiser une soirée libertine "en son honneur" dans un club de la campagne belge "n'a aucun sens" et il ne se sent pas comme "un produit d'appel".
L'ancien patron du FMI ajoute que Jade lui a parlé de ses strip teases dans des clubs échangistes, suivis parfois de relations sexuelles sur scène avec un homme choisi au hasard. "Je n'ai rien déduit de ses activités, sauf qu'elle avait une sexualité débridée et légère", répond DSK. Il ajoute qu'il a rencontré Jade quatre fois mais qu'il n'a eu qu'une seule relation sexuelle avec elle car il la lui avait proposée.
Enfin, DSK s'est énervé sur un avocat des parties civiles: "Je ne suis pas jugé pour mon comportement sexuel, libre à chacun de l'apprécier ou pas. Mais il est absurde de dire que je devais me rendre compte qu'il s'agissait de prostituées en fonction de leurs pratiques. J'ai une profonde aversion pour la prostitution."
Jade détaille les orgies de DSK en Belgique
Jade, l'ancienne prostituée belge, a détaillé mercredi une relation sexuelle particulièrement brutale qu'elle a entretenue avec Dominique Strauss-Kahn dans un hôtel à Bruxelles, après une soirée dans un club échangiste en Flandre qu'elle a qualifiée de "boucherie". Jade ajoute en parlant de DSK: "chaque fois que je vois sa photo, je revois cet empalement qui m'a déchirée de l'intérieur. Je n'ai pas su dire non, je n'ai pas eu le temps" L'ex-prostituée a rencontré Dominique Strauss-Kahn pour la seconde fois en Belgique, après la rencontre au Murano à Paris. C'était au Tantra à Horebeke à l'automne 2009. "Le club échangiste était réservé cette soirée-là. J'ai été contactée par Fabrice Paszkowski et je m'y suis rendue seule. David Roquet était là également ainsi que Dominique Strauss-Kahn qui était déjà occupé", dit-elle.
L'escort belge raconte qu'elle a parlé avec la dame qui accompagnait DSK mais qu'elle n'a pas eu de relations sexuelles complètes car "c'était une boucherie, c'était dix fois pire qu'au Murano. Il y avait quarante personnes entremêlées sur les matelas et je ne savais pas si ces gens étaient propres".
Elle poursuit: "J'ai croisé David qui m'a demandé une fellation et j'ai répondu favorablement à sa demande. Dans le club, personne ne m'a obligée à avoir une relation avec DSK. Ensuite, on m'a demandé de ramener DSK à Bruxelles car il avait une conférence le lendemain".
Jade raconte qu'elle a discuté avec DSK dans l'auto sur ses activités professionnelles, danseuse dans un bar mais pas prostituée. Mais selon elle, DSK aurait dû s'en douter. "Je pense qu'on parlait de la prostitution en Belgique en général et des différences avec la France. Je lui ai dit que je travaillais dans un club et il m'a dit que ce serait sympa de venir me voir".
DSK logeait à l'hôtel Amigo dans le centre à Bruxelles. "DSK m'a proposé une relation dans la chambre mais il fallait le laisser entrer seul dans l'hôtel. Sa compagne du jour et moi sommes entrées dans l'hôtel quelques minutes plus tard".
Jade dit être restée trois ou quatre heures dans la suite de DSK. "Cela a duré trop longtemps", dit-elle en ajoutant qu'il est difficile de raconter les détails, en pleurs. "Il y a eu un moment plus que désagréable quand je lui ai tourné le dos. J'ai subi une pénétration qui ne m'a pas été demandée. A la confrontation, M. DSK dit qu'il ne s'était pas rendu compte que cela n'avait pas été cool et s'en excusait. Chaque fois que je vois sa photo, je revois cet empalement qui m'a déchiré de l'intérieur. Je n'ai pas su dire non, je n'ai pas eu le temps"
Elle est repartie au petit matin. Elle ne reverra DSK que quelques mois plus tard, fin janvier 2010, à Washington. "J'ai accepté pour 2.000 euros car j'en devais 1.800 euros à mon avocate. En plus, je n'avais jamais vu Washington et j'adore voyager".
Toutefois, le mot "client" employé par Jade a interpellé le président. "Si j'étais libertine, il m'aurait quand même posé la question", évoquant un rapport anal. "Pour m'avoir infligé ce qu'il m'a infligé, il ne pouvait y avoir que peu de respect pour moi", conclut-elle.
Trois Femen jugées pour exhibition sexuelle
Les trois Femen qui avaient accueilli seins nus Dominique Strauss-Kahn mardi lors de son arrivée au palais de justice de Lille (nord de la France) où il comparaît pour proxénétisme, vont être jugées pour exhibition sexuelle le 15 décembre, a annoncé mercredi le parquet de Lille.
"On leur a délivré une convocation en justice pour le 15 décembre, elles seront poursuivies pour exhibition sexuelle", a indiqué à l'AFP Bruno Dieudonné, procureur adjoint de Lille.
"Il a été mis fin à leur garde à vue hier en fin d'après-midi", a-t-il précisé.
Les trois Femen, seins nus, avaient accueilli la voiture de l'ancien patron du FMI aux cris de "Macs, clients, déclarés coupables! ". L'une des militantes féministes était montée sur le capot de la berline aux vitres fumées au moment où elle s'engouffrait dans le parking souterrain du palais de justice.
Elles avaient été rapidement maîtrisées et embarquées par les forces de l'ordre, présentes en nombre.
Dominique Strauss-Kahn sera encore au centre des attentions mercredi au procès pour proxénétisme dit du Carlton, après une première journée d'interrogatoire durant laquelle il s'est défendu pied à pied.