"Coup d'Etat" au Burkina Faso : frontières fermées et couvre-feu nocturne
Le général de la garde présidentielle Gilbert Diendere est nommé chef du conseil de transition.
Publié le 17-09-2015 à 09h46 - Mis à jour le 17-09-2015 à 16h20
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Selon Reuters, les militaires putschistes ont fermé les frontières et instauré un couvre-feu nocturne. Le général de la garde présidentielle Gilbert Diendere est nommé chef du conseil de transition.
La garde présidentielle du Burkina Faso (ex-Haute Volta) a ôté au public ses derniers doutes ce jeudi matin: c'est bien un coup d'Etat qu'elle a entrepris mercredi en retenant en otages le Président de transition, Michel Kafando, le Premier ministre Isaac Zida et quelques ministres - pas une nouvelle mutinerie.
Un de ses officiers, le lieutenant-colonel Mamadou Bamba, a en effet annoncé avoir "dissous" les institutions du "régime déviant de la transition" - soit la Présidence, le gouvernement et l'assemblée. Il a promis d'organiser des "élections inclusives".
Le coup d'Etat survient trois semaines avant les élections que les institutions de transition étaient chargées d'organiser, ce 11 octobre. Deux candidats ont été exclus de la compétition présidentielle, conformément à la nouvelle loi électorale, parce qu'ils avaient soutenu la tentative de l'ex-président Compaoré de modifier la Constitution pour l'autoriser à briguer un nouveau mandat, après 27 ans de pouvoir. C'est vraisemblablement cette interdiction de se présenter que visent les putschistes en parlant d'élections "inclusives".
Alors que l'assemblée devait voter cette modification constitutionnelle, la population de Ouagadougou avait pris la rue et, le 31 octobre 2014, Blaise Compaoré avait dû fuir en Côte-d'Ivoire. Alors que le chef de l'armée, le général Honoré Traoré, venait d'assurer qu'il "assumait le pouvoir", il s'était fait "doubler" sur le fil par le "numero deux" de la garde présidentielle de Blaise Compaoré, le lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida.
L'accession de ce dernier à la tête de l'Etat n'avait guère été appréciée de la communauté internationale, qui exigea un régime civil et l'organisation d'élections. Le lieutenant-colonel Zida avait donc cédé le fauteuil présidentiel à un diplomate, Michel Kafando, le 21 novembre 2014, et ce dernier l'avait aussitôt nommé Premier ministre.
La garde présidentielle s'est levée contre celui-ci lorsqu'il a approuvé la dissolution de ce corps de 1300 hommes, comme le demandait la société civile - avant d'y renoncer devant l'opposition de ses anciens frères d'armes. Mais lundi dernier, la Commission nationale de réconciliation et des réformes - mise en place après la chute de Compaoré - a conclu, après six mois d'étude, que la garde présidentielle devait bien être dissoute. En outre, un des deux favoris pour la présidentielle, Roch Kaboré, avait pris position, lui aussi, pour cette dissolution.
Jeudi, le président de l'assemblée de transition, Cheriff Sy, a appelé "le peuple à se mobiliser" contre le coup d'Etat, ajoutant que c'était "une question de rapport de force".
Alors que la capitale était quadrillée par les militaires, les Burkinabès seront-ils prêts à reprendre la rue pour mettre fin aux régimes militaires?
En province, barricades et activité au ralenti pour protester contre le coup
Barricades, commerces fermés, manifestations: dans plusieurs villes du pays, les Burkinabé ont marqué jeudi leur hostilité au coup d'Etat perpétré à Ouagadougou par les militaires du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), selon des témoignages. A Bobo-Dioulasso, la deuxième ville du pays (ouest), la plupart des commerces étaient fermés tandis que l'armée et la gendarmerie restaient stationnées dans leurs camps, selon des habitants joints au téléphone.
"Il y a beaucoup de monde dans la rue. Une maison d'un membre du CDP (Congrès pour la Démocratie et le Progrès, le parti de l'ancien président déchu Blaise Compaoré) a été brûlée", a témoigné un chauffeur
A Banfora (une centaine de km au sud-ouest de Bobo-Dioulasso), ville de transit vers la Côte d'Ivoire, des habitants ont dressé des barricades pour empêcher les véhicules de circuler. Même scénario à Fada-N'Gourma (est, près de la frontière avec le Niger), où les habitants ont coupé la circulation et certains ont abaissé les drapeaux sur les bâtiments administratifs. Les commerces et administrations sont restés clos à Ouahigouya (nord-ouest) et à Tenkodogo, ville du centre-est, où des manifestants ont mis en place un comité citoyen contre le coup d'Etat et pour la défense de la démocratie.
Les favoris aux élections s'opposent au putsch
Les deux favoris à la présidentielle du 11 octobre au Burkina Faso, Zephirin Diabré et Roch Marc Christian Kaboré, ont condamné jeudi le coup d'Etat perpétré par les militaires du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), l'ancienne garde prétorienne du président déchu Blaise Compaoré. "L'Union pour le Progrès et le Changement (UPC, le parti de M. Diabré) condamne avec la dernière énergie cette prise de pouvoir par les armes aux antipodes des principes démocratiques", écrit M. Diabré, président de l'UPC, qui était le chef de file de l'opposition sous le régime de Compaoré, dans un communiqué transmis à l'AFP.
"Elle (UPC) appelle ses militants, sympathisants et l'ensemble du peuple à rester mobilisés et à s'organiser pour défendre la démocratie et l'Etat de droit. L'UPC exige le retour sans délais de l'ordre constitutionnel et de la légalité républicaine", conclut-il.
Roch Christian Kaboré, ancien proche de Compaoré, devenu un de ses opposants les plus virulents, "réaffirme" dans un communiqué de son parti le Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP) "qu'il est contre la prise du pouvoir par la force, contraire à l'idéal et aux principes démocratiques, à la Constitution et à la charte de la transition".
Il "exige la libération immédiate et sans condition du gouvernement (...) s'oppose à toute perturbation du calendrier électoral établi (...), réitère son soutien aux autorités de la transition et appelle (...) à se mobiliser conséquemment pour faire échec à cette énième remise en cause de la transition et des acquis démocratiques de notre pays".
MM. Kaboré et Diabré étaient les deux grands favoris de la présidentielle dont le premier tour devait avoir lieu le 11 octobre. Ce scrutin couplé à des législatives devait mettre un terme à la transition mise en place à l'issue de la chute Compaoré, chassé par la rue après 27 ans au pouvoir en octobre 2014.
Le RSP, qui retient en otages depuis mercredi le président de la transition Michel Kafando ainsi que le gouvernement, a dissous jeudi les institutions de transition pour créer un Conseil national pour la Démocratie (CND) et placé au pouvoir le général Gilbert Diendéré, ancien chef d'état-major de Compaoré. Les militaires, qui dénonçaient l'exclusion des pro-Compaoré de la présidentielle, affirment vouloir organiser des élections "inclusives et apaisées".
Hollande condamne le coup d'état
François Hollande a condamné jeudi le "coup d'Etat" qui s'est déroulé au Burkina Faso et exigé la reprise du processus électoral.
Un militaire burkinabé a annoncé jeudi à la télévision nationale la destitution du président de transition, Michel Kafando, et la dissolution de son gouvernement, au lendemain de leur arrestation par des membres de la garde présidentielle.
"Le président de la République condamne fermement le coup d'Etat qui a eu lieu au Burkina Faso", peut-on lire dans un communiqué de l'Elysée. "Il appelle à la libération immédiate de toutes les personnes arrêtées, à la remise en place des autorités de la transition et à la reprise du processus électoral."