Grèce: les chantiers qui attendent Tsipras sont dantesques
Alexis Tsipras a remporté les élections, mais le plus dur reste à faire. Il doit appliquer le programme économique des créanciers de la Grèce, auquel il ne croit pas. Son pays est, de plus, en première ligne de l’accueil des réfugiés. Eclairage.
Publié le 22-09-2015 à 08h34 - Mis à jour le 22-09-2015 à 08h38
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Éclairage d'Angélique Kourounis, Correspondante en Grèce.
Après une campagne sans saveur et une victoire sans éclat, la coalition sortante est reconduite, sans surprise. Le parti de gauche radicale Syriza du Premier ministre Alexis Tsipras renoue son alliance avec les Grecs indépendants (Anel, droite nationaliste) de Panos Kammenos. Les deux partis n’ont pas plus en commun qu’en janvier, hors leur opposition viscérale à l’austérité.
La feuille de route de cette austérité a néanmoins été inscrite par l’Union européenne et le Fonds monétaire international dans le mémorandum qui accompagne le troisième plan d’aide financière. Et les créanciers publics de la Grèce ne lâcheront, au fur et à mesure, les 86 milliards de prêts accordés sur trois ans qu’en échange d’évaluations précises sur l’avancée des réformes et le respect des objectifs budgétaires par Athènes. Cette liste des réformes exigées touche tous les pans de l’économie grecque, même les plus immédiats de la vie quotidienne. Cela va du prix du lait à la date de l’ouverture des soldes, en passant par le travail autorisé ou pas, le dimanche, le montant des salaires dans les secteurs privé et public, et les dédommagements en cas de licenciement. Sans oublier la vente de médicaments dans les supermarchés, la libéralisation des métiers réputés fermés et les privatisations. De plus, dès la fin d’octobre, une série de taxes et d’impôts va s’abattre sur les Grecs, couplés à des baisses dans les retraites complémentaires.
A cette aune, les détracteurs de Tsipras estiment qu’il a organisé les élections anticipées en septembre pour ne pas devoir les affronter en pleine application de mesures d’austérité.
Retraites, TVA, marché du travail
L’un des grands chantiers qui attend le gouvernement dès janvier prochain est celui des caisses de retraite. Alexis Tsipras s’est engagé à supprimer les préretraites, et les retraites complémentaires progressivement, jusqu’à 2019, ainsi que toute une série d’allocations pour un montant total de 900 millions, qui devraient être remplacés par un "revenu minimal unique". Les syndicats ont déjà exprimé leur totale opposition.
Vient ensuite le chantier de la TVA et celui de la fin de l’exonération des avantages fiscaux pour les agriculteurs. Alexis Tsipras s’est engagé à rehausser la TVA dans les îles grecques, où, pour des raisons d’éloignement, elle est plus basse que sur le continent. Mais sur certaines îles, pauvres et rurales, elle pourrait rester inchangée au nom de l’aménagement du territoire. C’est l’une des marges de manœuvre que se réserve Alexis Tsipras lorsqu’il parle de "plus de justice dans l’austérité". Idem pour les conventions collectives. Les syndicats avaient parfois trop de pouvoir de blocage, notamment au port du Pirée, mais les mesures de crise ont souvent bafoué le droit du travail. Alexis Tsipras veut satisfaire les exigences des créanciers en la matière, dont celle du FMI, de libéraliser le marché du travail, tout en limitant les dégâts notamment pour les licenciements massifs.
La dette et les réfugiés
Et puis, il y a la question de la dette publique grecque. Son ratio est supérieur à 170 % du PIB, il sera de 200 % d’ici trois ans en raison du prêt de 86 milliards d’euros. La négociation d’un allégement de la dette figure en tête des priorités du nouveau gouvernement. Alexis Tsipras envisage même de former un Conseil national de politique européenne qui intégrerait des représentants d’autres partis.
Mais dans l’immédiat, outre la question des privatisations qu’il doit faire redémarrer, il a deux priorités. La première est de convaincre les créanciers qu’il a déjà beaucoup fait et qu’en conséquence il faudrait d’urgence un premier versement pour désengorger l’économie asphyxiée par le contrôle des capitaux. D’autre part, il doit convaincre ses partenaires européens que le dossier des réfugiés doit être réglé à l’échelle de l’Union. Il aura l’occasion de plaider en ce sens dès demain à Bruxelles, lors d’un sommet européen extraordinaire consacré à ce sujet.
