Le vote des Grecs dit leur dégoût de la politique
Vingt-quatre heures à peine après la fin des élections, les kiosques électoraux ont pratiquement disparu des rues d’Athènes. Seules les affiches aux murs rappellent ces élections anticipées de dimanche.
Publié le 22-09-2015 à 15h57 - Mis à jour le 22-09-2015 à 15h56
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Vingt-quatre heures à peine après la fin des élections, les kiosques électoraux ont pratiquement disparu des rues d’Athènes. Seules les affiches aux murs rappellent ces élections anticipées de dimanche. La pluie qui ne cesse de tomber depuis, et l’orage qui gronde, sont pressentis comme un mauvais présage par Stella, la cinquantaine, femme au foyer et mère de trois enfants. "C’est pour nous prévenir qu’on a fini de rigoler", glisse-t-elle, en rangeant ses courses dans son caddy. Elle n’a pas voté - "A quoi bon ? Tout est décidé d’avance !" - mais elle n’est pas fâchée que Tsipras se maintienne au pouvoir avec "une coalition qui tienne". Comme la majorité des Grecs, elle ne veut plus entendre parler "d’élections pour au moins deux ans".
Spiros, 60 ans, militaire à la retraite reconverti en taxi, est très en colère. Tellement en colère qu’il en rit, "Leventis est entré au Parlement avec 10 députés ! Le bouffon Leventis ! Des Grecs ont donné leur voix à celui qui les traitait publiquement de crétins dans ses émissions de télé à deux sous. Jamais ce pays ne changera. Jamais ! Maintenant j’en suis convaincu !"
Christos, 36 ans, visiteur médical au chômage ,secoue la tête, "Zoe (Konstantopoulou, présidente du Parlement sortant) en dehors du Parlement et Leventis à la tête d’un groupe parlementaire. Je n’y crois pas ! On marche sur la tête".
"La volonté de ridiculiser la politique"
Le fait que sur les listes de candidats de Vassilis Leventis figuraient six membres de sa proche famille, dans la plus pure tradition clientéliste grecque, ne suscite pas plus de surprise que ça. En fait, les Grecs sont plus étonnés de l’entrée de Leventis à la Vouli que de la victoire d’Alexis Tsipras. Pour le politologue Georges Sefertzis, "le vote en faveur de Leventis est un vote conscient de ridiculisation de la vie politique grecque". Pour cet ancien conseiller de l’ancien Premier ministre socialiste Georges Papandreou, "on vote Leventis, comme on vote Aube dorée (le parti néonazi, NdlR) : par colère, la violence en moins".
Spiros ne décolère pas : "Dans ce Parlement, on a un ancien comique, Markos Seferlis, Leventis, un président de parti (les nationalistes d’Anel, en coalition avec le parti Syriza du Premier ministre Tsipras, NdlR) Panos Kammenos, qui déclare que la CIA asperge le pays pour mieux le contrôler, 19 néonazis, des nostalgiques de l’Union soviétique et une dizaine de députés d’extrême droite. C’est le Parlement d’Aristophane !"
Taux très élevé d’abstention
Pour Antonis, 33 ans, informaticien au chômage, ce nouveau Parlement "grotesque", sur fond de crise qui se perpétue, est selon lui "dangereux". D’où son conscient refus de voter. "Aucun parti ne me représente. J’ai voté non au référendum (du 5 juillet sur la poursuite de l’austérité, NdlR) et mon vote, bien que majoritaire, n’a pas été pris en compte. Il n’y a aucune raison que je vote à nouveau". Preuve s’il en est de ce désintérêt : pratiquement un Grec sur deux a refusé de voter et beaucoup d’électeurs de gauche ont voté "par défaut", selon Odysseas Boudouris, candidat de Syriza.
Pour autant, il est indéniable qu’Alexis Tsipras s’est vu accorder une seconde chance pour réformer le pays. Cette victoire est personnelle. Il ne la doit qu’à lui-même, car l’appareil du parti lui était hostile, les jeunesses du parti lui étaient hostiles, les médias lui étaient hostiles. Il a désormais quatre ans pour rendre confiance aux Grecs en leur Parlement, leurs institutions, leur système politique.