À Bruxelles, Erdogan s'en prend à ceux qui considèrent le PKK comme des "amis"
Hasard de calendrier, le Parquet fédéral belge a annoncé lundi vouloir poursuivre 36 représentants du PKK, notamment pour appartenance à un groupe terroriste.
Publié le 06-10-2015 à 13h34 - Mis à jour le 06-10-2015 à 17h10
Le président turc Recep Tayyip Erdogan s'en est une nouvelle fois pris mardi aux "gens qui considèrent comme amis" le PKK et le PYD, les partis kurdes considérés comme terroristes par Ankara mais qui bénéficient en Europe de certaines sympathies. Hasard de calendrier, le Parquet fédéral belge a annoncé lundi vouloir poursuivre 36 représentants du PKK, notamment pour appartenance à un groupe terroriste.
Pièce maîtresse des enjeux géostratégiques qui se jouent au Moyen Orient, la Turquie est le théâtre de violences à ses frontières mais également dans le sud-est de son territoire. "Il faut combattre toutes les formes de terrorisme" dans le camp duquel le président Erdogan place les communistes du DHKPC, Daesh et certaines organisations qui combattent l'Etat islamique (EI) telles que Al-Nosra mais également le PKK et le PYD. Al-Nosra combat Daesh, est-ce que pour autant il faut considérer Al-Nosra comme un allié? "Non", s'est empressé de dire le président turc, tenant le même raisonnement pour le PKK et le PYD.
M. Erdogan a toutefois tenu à faire la différence entre le peuple kurde de Turquie et les partis kurdes qu'il a cités. "Il faut faire la distinction entre le PKK ou le PYD et mes citoyens kurdes au service desquels la république s'est mise comme jamais auparavant", a dit le leader du parti islamo-conservateur AKP, une formation en perte de vitesse alors qu'un nouveau scrutin législatif est programmé d'ici quelques semaines.
Le président turc s'est entretenu durant plus d'une heure mardi à Val Duchesse avec le Premier ministre Charles Michel, flanqué du ministre des Affaires étrangères Didier Reynders et du ministre de la Coopération Alexander De Croo. Ils ont notamment évoqué la nécessité de revaloriser les échanges commerciaux entre la Belgique et la Turquie, en-deçà des objectifs prévus en dépit d'une récente mission économique.
Le chef de l'Etat turc s'est montré confiant sur l'évolution des négociations d'adhésion à l'Union européenne, singulièrement les chapitres 15 (Energie), 23 et 24 (droits fondamentaux, justice, liberté et sécurité) et 30 (relations extérieures). Il a estimé que l'ouverture de nouveaux chapitres de négociation devrait pouvoir s'opérer facilement et a dit compter sur le soutien de la Belgique à cet égard.
Le Premier ministre Charles Michel a indiqué qu'"en sa qualité de pays fondateur, la Belgique pouvait jouer un rôle positif actif dans les relations entre l'Union européenne et la Turquie". Le chef du gouvernement belge est revenu avec le président Erdogan sur les grandes thématiques déjà abordées lundi par le chef d'Etat turc avec les hautes autorités européennes, la protection des frontières turques et européennes, la situation en Syrie, et corollairement celle des réfugiés. M. Michel s'est également félicité de la "bonne coopération" entre les services des deux pays en ce qui concerne la lutte contre les combattants étrangers ('foreign fighters'). Il a par ailleurs rappelé l'importance des réunions "trilatérales" entre les départements des Affaires étrangères, de la Sécurité et de la Justice des deux pays.
Charles Michel a souligné l'importance de la visite d'Etat du président Erdogan alors que 220.000 personnes d'origine turque vivent en Belgique dont une majorité de bi-nationaux, un nombre non négligeable jouant un rôle de premier rang dans la vie politique, économique et associative en Belgique. Le président Erdogan s'est étonné de cette première visite d'Etat en Belgique alors que les deux pays ont noué des relations bilatérales en 1838.
Un déjeuner était prévu mardi midi au Château de Laeken, en présence du roi et de la reine, à la suite de quoi le chef de l'Etat turc était invité à inaugurer le festival Europalia.
La visite d'Etat du président turc ne se déroule pas sans susciter un certain émoi auprès de ceux qui dénoncent le durcissement du régime dans le respect des droits fondamentaux et vis-à-vis de la minorité kurde. Les minorités chrétiennes et juives ont également dénoncé l'organisation d'Europalia, qui bénéficie du soutien des autorités turques et fait fi de leur identité et de l'existence du génocide arménien perpétré il y a cent ans mais que ne reconnaît pas Ankara.
Mardi, MM. Michel et Erdogan se sont contentés de déclarations à la presse. Ils ont refusé toute question des journalistes.