Voici pourquoi l'Arabie Saoudite poursuit sa stratégie d'austérité
Qui aurait pu dire que le pétrole, qui coule en abondance en Arabie Saoudite, allait un jour pousser la première économie arabe à l’austérité économique ? Une situation qui expose Riyad au mécontentement de ses citoyens les plus fragilisés. Le pays n’a pourtant aucune intention de changer quoi que ce soit.
Publié le 01-01-2016 à 09h01 - Mis à jour le 01-01-2016 à 09h02
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L’Etat saoudien a réduit ses subventions. Quitte à mécontenter sa popualtion.Qui aurait pu dire que le pétrole, qui coule en abondance en Arabie Saoudite, allait un jour pousser la première économie arabe à l’austérité économique ? Le premier pays exportateur d’or noir s’est vu contraint cette semaine de réduire drastiquement certaines subventions grâce auxquelles cet Etat rentier achète la paix sociale sur son immense territoire désertique. Les carburants affichent donc désormais des prix accrus de 50 à 80 % tandis que les fournitures d’électricité affichent des augmentations de 70 %. Une situation qui expose Riyad au mécontentement de ses citoyens les plus fragilisés. Les Saoudiens bénéficient depuis des décennies des bienfaits de la manne pétrolière. Celle-ci leur permet, entre autres, de jouir de produits et de services publics à très bas prix.
Complaisance stratégique
Depuis un an et demi, le prix du baril de brut a tellement chuté - de plus de 60 % - qu’il a mis à mal les finances du royaume wahhabite, creusant son déficit jusqu’à 89,5 milliards d’euros. Et il a obligé l’Etat à puiser dans ses - colossales - réserves financières, estimées à quelque 730 milliards d’euros. Et ce n’est pas fini. Le budget saoudien prévoit un nouveau déficit (79,5 milliards d’euros) en 2016, pour la troisième année consécutive.
Riyad est en partie responsable de la situation. Elle a choisi de privilégier ses parts de marché plutôt que le prix: elle a augmenté sa production jusqu’à un niveau record de 10 millions de barils par jour malgré une demande mondiale atone. Et elle n’a aucune intention de changer quoi que ce soit. Le ministre saoudien du Pétrole, Ali al Naimi, l’a confirmé sans équivoque : "C’est une politique fiable et nous ne la modifierons pas", selon des propos rapportés mercredi par le "Wall Street Journal". "Nous satisferons la demande de nos clients. Nous ne limitons plus la production. S’il y a de la demande, nous y répondrons."
Si Riyad se complaît dans cette stratégie, c’est en raison de la perspective de voir l’Iran revenir en force sur le marché pétrolier mondial. Le numéro deux des pays producteurs hors Opep et grand rival politique de Riyad dans la région, a poursuivi lundi l’application de l’accord sur son programme nucléaire. Téhéran a transféré 11 tonnes d’uranium enrichi vers la Russie. Une nouvelle étape vers la levée des sanctions économiques qui touchent notamment son secteur pétrolier.
Diversification bienvenue
Les mesures d’austérité, entrées en vigueur mardi dans le royaume, ont pour objet de compenser les déficits de l’économie saoudienne qui tente de réduire sa dépendance au secteur pétrolier en diversifiant ses sources de revenus. Pour la première fois cette année, le non-pétrolier s’est hissé à hauteur de 27 % des recettes. A terme, il devrait représenter 40 %.
Depuis sa montée sur le trône en janvier, le roi Salmane encourage cette diversification économique dans ce royaume islamique qui ne taxe pas ses citoyens, hormis le système de la "zakat", une sorte d’impôt religieux (2,5 %) prélevé sur tout bénéfice. Par contre, les étrangers paient un impôt, variable mais de l’ordre de 20 % en moyenne, sur les revenus et les bénéfices. D’où la volonté des autorités saoudiennes d’attirer les entreprises étrangères.
Outre le développement des secteurs de la santé, des transports, de l’exploitation minière ou des technologies, Riyad pense à augmenter les taxes sur les services et instaurer une véritable TVA, qui doit être harmonisée avec les autres pays de la région.
La baisse du prix du pétrole pourrait donc conduire à la réforme fiscale réclamée depuis des années par l’OMC et à laquelle l’Etat saoudien n’a jamais consenti.