Un an après l'attentat, Charlie Hebdo toujours provocateur, série d'hommages officiels
Un an après la tuerie à Charlie Hebdo, les hommages officiels se succèdent dans une France inquiète, tandis que le journal satirique français a gardé son esprit provocateur et sa verve anticléricale.
Publié le 07-01-2016 à 06h37 - Mis à jour le 07-01-2016 à 06h47
Un an après la tuerie à Charlie Hebdo, les hommages officiels se succèdent dans une France inquiète, tandis que le journal satirique français a gardé son esprit provocateur et sa verve anticléricale.
Jeudi, un an exactement après l'attaque jihadiste, le président français François Hollande présentera ses voeux à la préfecture de la police de Paris, où sera rassemblé l'ensemble des forces antiterroristes, au terme d'une année 2015 qui a vu la France subir les attentats les plus meurtriers de son histoire: 17 morts entre les 7 et 9 janvier à Charlie Hebdo et dans un supermarché casher, et 130 tués et des centaines de blessés dans une série d'attaques le 13 novembre revendiquées par le groupe Etat islamique.
Dans son discours, François Hollande devrait détailler, selon son entourage, le projet de loi durcissant le Code pénal pour lutter plus efficacement contre "le crime organisé" et "le terrorisme".
Il prévoit notamment un assouplissement des règles d'engagement armé des policiers et un élargissement des possibilités de fouilles et de perquisitions de nuit - une manière de pérenniser des mesures déjà en vigueur depuis l'instauration de l'état d'urgence, qui fait débat et inquiète les défenseurs des libertés.
Une nouvelle cérémonie est prévue samedi avec M. Hollande à Montrouge (banlieue parisienne), où une jeune policière avait été abattue le 8 janvier 2015 par un jihadiste. Mardi, le président avait déjà dévoilé trois plaques, à la mémoire des victimes de Charlie Hebdo et du supermarché casher.
Ombre au tableau, la plainte contre X déposée lundi par la veuve de Franck Brinsolaro, le garde du corps du directeur de Charlie Hebdo, qui dénonce des failles dans les mesures de sécurité. "Pour moi, Franck a été sacrifié, il n'y a pas d'autres mots. Il voyait les dysfonctionnements, il regrettait le manque de sécurité dans les locaux, il disait que c'était une passoire", a accusé Ingrid Brinsolaro sur la radio RTL.
Mercredi, Charlie Hebdo a sorti un numéro spécial, tiré à un million d'exemplaires dont une partie pour l'étranger. La une montre un Dieu barbu armé d'une kalachnikov, l'habit ensanglanté, sous le titre: "Un an après, l'assassin court toujours."
"Charlie a toujours été un journal de combat, mais un combat marrant, déconnant !" a déclaré le dessinateur Riss, son directeur - un survivant du massacre qui a provoqué la mort de 12 personnes, dont plusieurs dessinateurs et collaborateurs vedettes de la publication.
Mais cet athéisme provocateur n'est pas du goût de tout le monde. Le journal du Vatican, l'Osservatore Romano, a déploré que "derrière le drapeau trompeur d'une laïcité sans compromis", Charlie Hebdo omette de rappeler que de nombreux dirigeants religieux ont condamné la violence au nom de la religion.
Le président du Conseil français du culte musulman Anouar Kbibech s'est dit "blessé" par cette caricature qui "vise l'ensemble des croyants des différentes religions".
A l'inverse, l'ONG Reporters sans frontières, qui défend la liberté de la presse, a mis en garde contre l'instauration d'un "religieusement correct" qui interdirait le blasphème.
La sortie du numéro spécial n'a pas provoqué la ruée qu'avait connu le "numéro des survivants" publié après l'attentat (7,5 millions d'exemplaires écoulés). A l'époque, le slogan "Je suis Charlie" s'affichait partout, dans les manifestations, les bureaux, sur les réseaux sociaux.
Actuellement, le journal se vend à environ 100.000 exemplaires en kiosque, dont 10.000 à l'international, auxquels s'ajoutent 183.000 abonnements. Avant l'attentat, Charlie Hebdo, alors en grandes difficultés financières, ne vendait qu'environ 30.000 exemplaires par semaine.
Dans un éditorial rageur en pages intérieures, Riss rappelle que le journal, depuis toujours, n'en a "rien à foutre de plaire au plus grand nombre" et que beaucoup souhaitaient sa disparition bien avant l'attentat.
L'équipe s'est étoffée d'une dizaine de nouvelles signatures en un an, mais les morts - dont les dessinateurs Cabu, Wolinski, Tignous, Honoré et Charb - manquent toujours autant aux survivants.
"On pense à eux tout le temps. Je me demande parfois si je ne fais pas un peu le journal qu'ils auraient fait, le journal pour le jour où ils reviendront", confie le directeur.