Nadine Moussa, première femme à briguer la présidence du Liban
Cette Libanaise, qui pousse la coquetterie jusqu’à dissimuler son âge, est la première femme candidate au scrutin présidentiel au Liban. Un portrait signé par Mélanie Houé, correspondante à Beyrouth.
Publié le 07-03-2016 à 19h52 - Mis à jour le 07-03-2016 à 20h38
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Elle est la première femme à briguer le fauteuil de la présidence de la République libanaise. Nadine Moussa, avocate et militante active depuis plus de dix ans, brise volontairement les tabous dans l’espoir de "créer un choc positif des mentalités", dit-elle. Mère de deux enfants, cette femme de diplomate américain qui a voyagé tout au long de sa vie, s’est établie dans de nombreux pays arabes - de la Tunisie à la Jordanie en passant par l’Egypte, sans ne jamais perdre de vue son combat pour un Liban paritaire, a-confessionnel et débarrassé de la corruption.
Fervente démocrate, la candidate, qui arbore fièrement une photographie d’elle au bras de Bill Clinton dans son salon, défend une politique de justice sociale. En tant qu’avocate bénévole et activiste, elle n’a cessé de se battre pour le renforcement des droits de la femme au pays du Cèdre. "Il faut affirmer son rôle dans la vie publique. Les femmes représentent 53 % de la population mais restent totalement marginalisées de la sphère politique. Cela crée une terrible vacance", s’alarme-t-elle.
La représentation des femmes dans les institutions est en effet consternante. Le Liban n’a connu que dix maires au féminin. L’actuel gouvernement de Tammam Salam, constitué de vingt-quatre ministres, ne compte qu’une seule femme; le précédent, celui de Najib Mikati, n’en comprenait aucune. Et les députées ne comptent que pour 3 % des parlementaires. "Et encore, ces femmes sont issues de grandes familles. Elles ne siègent à l’Assemblée que parce qu’elles ont hérité (du siège) de leur grand-père ou de leur père" décédé, regrette la candidate. "Il est urgent de chambouler l’ordre établi. La loi électorale favorise les grosses machines politiques et n’offre pas de place à une voix réformatrice."
Une exclusion culturelle
Pour Karim El Mufti, professeur de sciences politiques à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, les mécanismes d’exclusion sont davantage d’ordre culturel que constitutionnel. "Nous évoluons dans un système hybride. La représentativité politique est ouverte mais la société patriarcale fait peser une pression sur le non-progrès des femmes", explique-t-il. Dans les faits, la Constitution affirme l’égalité entre les hommes et les femmes - le Liban a même ratifié la convention internationale pour l’élimination des discriminations contre la femme mais dans la pratique, la gent féminine se heurte toujours à une société machiste.
Casser les codes "tribaux"
Nadine Moussa est descendue dans l’arène politique il y a trois ans. Sa candidature à la succession de Michel Sleiman, qui a quitté le palais de Baabda en 2014, s’inscrit dans la continuité de sa course aux législatives initialement prévues en juin 2013 - avant que le Parlement élu en 2009 ne prolonge son mandat jusqu’en 2017. Aujourd’hui, alors que l’élection présidentielle est bloquée depuis près de deux ans, Nadine Moussa continue à se battre pour casser les codes d’un système jugé "tribal". " Elle n’a aucune chance de l’emporter mais son combat est honorable", commente Karim El Mufti. "Elle n’a pas froid aux yeux et peut donner du courage à des femmes qui se sentent vulnérables."
Assez peut-être pour convaincre certaines de se présenter aux municipales de mai. Lors du dernier scrutin, en 2010, 6 % seulement des candidats étaient des femmes.
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