Etre catholique en... (3/6): la délicate démarche de se convertir au Japon
Pour les Japonais qui veulent se convertir au catholicisme, la démarche entraine bien souvent un véritable changement de mode de vie.
Publié le 28-07-2016 à 12h21 - Mis à jour le 31-07-2016 à 21h11
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Selon le Vatican, 1,25 milliard de personnes ont été baptisées dans l’Eglise catholique. Le catholicisme est présent sur quasiment toute la surface du globe, mais il n’est pas la foi majoritaire dans tous les pays où il est pratiqué. "La Libre" s’est penchée sur la façon dont il est perçu, et vécu, là où il n’est qu’une religion parmi d’autres, où sa prééminence est remise en cause par l’influence croissante d’autres religions, ainsi qu’à ces catholiques qui représentent une minorité, plus ou moins tolérée.
Aujourd’hui : le Japon . Se convertir au catholicisme y entraîne bien souvent un véritable changement de mode de vie, car le catholicisme entre en contradiction avec les codes culturels japonais.
Le Japon entretient une longue et turbulente histoire avec le christianisme, qui remonte à plusieurs siècles. Introduit par les missionnaires jésuites au milieu du XVIe siècle, ce dernier n’a jamais vraiment percé dans l’archipel, où les chrétiens ont même subi nombre de persécutions entre 1614 et 1865. Aujourd’hui, moins de 1 % des Japonais se reconnaissent comme chrétiens, dont un peu plus de 500 000 catholiques sur 127 millions d’habitants. Cela fait du Japon l’un des pays les moins évangélisés au monde, bien loin du voisin chinois et ses 52 millions de chrétiens, ou de la Corée du Sud où environ 30 % de la population est convertie.
Les raisons expliquant la faible percée du christianisme au Japon sont à la fois historiques et culturelles. L’archipel a été forgé pendant de nombreux siècles par ses deux religions dominantes : le shintoïsme, qui prend de nos jours une place particulièrement importante dans les cérémonies liées aux étapes de la vie telles que les naissances ou un mariage, et le bouddhisme, à partir duquel la plupart des rites funéraires sont organisés.
Un fossé culturel
Culturellement, l’un des obstacles qui rend encore aujourd’hui difficile la diffusion du christianisme est l’un des principes sur lesquels la société nippone s’est construite. Celle du wa, ou de l’harmonie entre les personnes et les groupes auxquels elles appartiennent, notamment la famille, l’entreprise ou encore dans la vie de quartier.
Pour les Japonais souhaitant se convertir, le culte des ancêtres devient ainsi un des points les plus conflictuels avec leurs proches. Nombre de familles possèdent encore un autel des ancêtres, passé de génération en génération, dans leur maison. D’origine bouddhiste, ce dernier fait l’objet d’une attention bien particulière, et arrêter de participer aux rituels et cérémonies qui y sont liés est bien souvent perçu comme un déshonneur, mais aussi comme un comportement égoïste qui perturbe l’harmonie au sein de la famille.
La vie d’un catholique japonais n’est donc pas toujours facile, en particulier lorsqu’il annonce sa décision de se convertir à ses proches. "Mes parents n’ont pas vraiment compris pourquoi je faisais cela. Je ne voulais plus participer à certains rites shintoïstes ou bouddhistes car, pour moi, cela n’avait plus vraiment de sens. Ils m’ont très clairement fait comprendre leur désaccord", se rappelle Akane, qui s’est fait baptiser il y a une dizaine d’années. "Je me sens depuis un peu exclue de ma famille, mais les autres paroissiens m’ont beaucoup soutenu."
Une petite communauté, mais soudée
Depuis, elle se rend chaque semaine à la messe dans une petite église de l’arrondissement de Adachi, en périphérie de Tokyo. Le lieu compte aujourd’hui 400 paroissiens, dont un peu moins d’une centaine qui participent à l’office du dimanche. Les rencontres se veulent simples et familiales. "Il est important de créer un sentiment de communauté, car il est parfois difficile de garder la foi dans une société où le shintoïsme et le bouddhisme sont présents au quotidien", explique le prêtre Yasuto Ishii. Dans cette église qui a ouvert ses portes en 1957 peu de choses, hormis la langue, semblent différer de que l’on connaît en Belgique ou en France. La messe est suivie pour ceux qui le souhaitent d’échanges amicaux autour d’un café, et plusieurs paroissiens donnent de leur temps pour aider les personnes âgées et malades le samedi, un moyen de maintenir le lien avec la communauté locale.
Mais malgré le véritable changement de vie auxquels doivent se préparer les Japonais qui souhaitent se convertir, la petite communauté catholique du Japon a su créer des liens forts entre ses membres. Elle s’est aussi organisée dans l’accueil des "catholiques" venus d’ailleurs, et en particulier d’Amérique latine et des Philippines. Répartis à travers les seize diocèses que compte l’archipel, ces derniers peuvent bénéficier de "maisons d’accueil" pour les démarches administratives, mais aussi religieuses. Textes et prières du jour peuvent également être mis à disposition en plusieurs langues.
Dans les communautés les plus importantes, notamment à Nagasaki, des comités interculturels peuvent aussi être créés pour organiser fêtes et kermesses. Un moyen pour les Japonais de s’approprier leur foi et de "vivre" leur catholicisme au quotidien.