RDC: Kinshasa ville morte, colère bancaire et fantôme chinois

Soixante jours ! Officiellement, il reste soixante jours au président congolais Joseph Kabila pour atteindre la fin de son second mandat.

Hubert Leclercq
RDC: Kinshasa ville morte, colère bancaire et fantôme chinois
©AFP

Soixante jours ! Officiellement, il reste soixante jours au président congolais Joseph Kabila pour atteindre la fin de son second mandat. 
On sait, depuis le week-end dernier et l'accord trouvé au sein du dialogue national, que les élections n'auront pas lieu cette année (ni même l'année prochaine selon le texte de cet accord entre la majorité présidentielle et une petite partie de l'opposition) et que Joseph Kabila, sans changer une virgule à la Constitution, espère rempiler pour deux ans minimum.  
Ce 19 octobre, l'opposition à cette prolongation de mandat et à la non-tenue des élections avait organisé une journée ville morte. Bilan, pas un chat dans les artères de Kinshasa et à Mbuji Mayi et des manifestations très suivies à Goma et Béni. "Ca préfigure notre capacité de mobilisation", explique un des leaders de l'opposition. "La peur des violences orchestrées par l'opposition a retenu chez eux les gens qui ne demandaient qu'à travailler", explique un jeune membre du PPRD, le parti présidentiel.  
"Joseph Kabila peut encore comprendre qu'il peut éviter le pire en annonçant qu'il se retire", explique le patron d'un autre parti politique de l'opposition, qui ne convainc plus personne avec cet appel à la raison.  
"Les deux prochains mois vont être insupportables", explique un jeune père de famille de Limete, une des communes de Kinshasa. Installé à quelques pâtés de maisons de la résidence d'Etienne Tshisekedi, l'homme avoue sa lassitude. "Il y a des policiers partout. Surtout, il ya une tension permanente. On s'attend à ce que ça pète à chaque instant. Tout le monde sait que le 19 ou le 20 décembre, ça va exploser ici. Les gens ne veulent plus de Kabila et de sa clique. Il n'y a pas de travail. Pas de justice. Et le franc congolais perd chaque jour de sa valeur face au dollar. Tout coûté donc de plus en plus cher. On est sur un tonneau de poudre."

Plan d'évacuation des ressortissants étrangers

Un constat similaire à celui dressé par plusieurs ambassades étrangères qui ont déjà prévu d'évacuer tous leurs ressortissants à l'approche du 19 décembre. Deux mille Belges seraient concernés. "Beaucoup ne vont pas attendre les consignes des autorités. Tous ceux qui, comme nous, ont des enfants scolarisés ici espèrent que cela va rester calme jusqu'à la mi-décembre. A partir du 12 décembre, trouver une place sur un vol qui quitte le pays, cela commece à devenir difficile", explique une maman belge.

Colère bancaire

Depuis ce 19 octobre, le pouvoir congolais, et plus particulièrement la Banque centrale du Congo (BCC) s'est mis à dos l'ensemble des banquiers du pays. En cause, une sortie du gouverneur de la BCC qui a annoncé que "le taux de coefficient des réserves obligatoires est passé de 9 à 12% pour les comptes à vue, de 10 à 13% pour les dépôts à terme". Selon le gouverneur de la BCC, M. Deogratias Mutombo, "par cette ponction d'une partie de la liquidité excédentaire (…) l'objectif est d' amener les banques à ne pas transformer à tout moment des dépôts en francs congolais en devises étrangères".  
"On se fout de nous", s'étrangle au bout du fil le patron d'une banque congolaise. "On ponctionne à peu près 90 millions d'euros à l'ensemble des banques. Ces montants sont officiellement chez nous mais on ne peut rien en faire. C'est un manque à gagner dans une période déjà particulièrement difficile". "A quoi va servir cet argent?, fait mine de s'interroger un autre banquier kinois, qui a une idée très précise. "Officiellement, les réserves obligatoires facilitent un peu la régulation du marché monétaire et sont surtout une garantie pour les clients des banques. Le souci, c'est que, dans la réalité, personne ne contrôle ce que la BCC fait de ces montants. Personne ne peut dire si cet argent est encore réellement dans ses caisses. il n'y a pas d'audit sérieux sur le fonctionnement ou les avoirs de la BCC. Je pense que si un changement de régime survient, il va y avoir de grandes surprises quand on va ouvrir les coffres."  
Et les quatre banquiers interrogés de pointer du doigt les mouvements actuels autour de deux banques : la Fibank et la Biac. "Deux enseignes qui vont changer de mains et il serait intéressant de se pencher sur les vrais actionnaires du groupe Alliance qui va racheter la Fibank et sur ceux de la toute nouvelle banque China Taihe Bank of Congo qui s'intéresse à la Biac".

Fantôme chinois

Tous les banquiers lorgnent vers le clan présidentiel accusé de chercher à mettre la main sur des institutions bancaires depuis de longs mois. "Ils vont couler tout le secteur s'ils continuent. Nos correspondants étrangers se posent de plus en plus de questions. Ce n'est pas sain. Comme ce n'est pas sain d'octroyer une licence bancaire à un groupe chinos sorti d'on ne sait où, comme est en train de le faire la BCC avec la China Taihe Bank of Congo. Ce n'est pas une banque. L'adresse de son siège social ? Un bureau partagé. Et la BCC - sous certaines réserves - leur accorderait une licence, ce serait criminel".

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