Un retour en force du créationnisme dans l'enseignement américain ?
- Publié le 15-11-2016 à 15h27
- Mis à jour le 15-11-2016 à 15h34
:focal(465x240:475x230)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/4NBQEBOZSZBARD2L5AEDHWHGUM.jpg)
Donald Trump, président élu des Etats-Unis a fait connaître les noms des premiers membres de sa future administration. Stephen K. Bannon, nommé au poste de haut conseiller et chef de la stratégie, est un ultra-conservateur, réputé anti-féministe, anti-avortement, antimigrant voire même antisémite. Le futur vice-président Mike Pence est quant à lui, à l'image de son nouveau président, conservateur et farouche partisan d'une politique familiale traditionnelle, anti-avortement, antimariage pour tous et anti-immigration. Le deuxième homme de l'État, à l'instar de Ben Carson, présenti au poste de ministre de l'Education, est également un créationniste, opposé à la théorie de l'évolution.
Une tradition créationniste
C'est d'ailleurs le cas de près de 78 % des Américains, selon un sondage publié par Gallup en 2014, indiquant les dernières tendances des croyances sur les théories de l'évolution aux États-Unis. Un Américain sur quatre pense en effet que Dieu a créé l'Homme et la Terre il y a moins de 10 000 ans, tandis que l'autre moitié adhère à l'idée d'une évolution guidée par Dieu d'une manière ou d'une autre. Une antithèse à la théorie darwiniste, pourtant admise par l'ensemble des scientifiques, et partagée par seulement 15 % des Américains.
La querelle entre le créationnisme et l'évolutionnisme est ancienne aux USA. Si en Europe les programmes scolaires enseignent l'évolution comme une théorie scientifique, ce n'est pas le cas aux États-Unis où a théorie créationniste a laissé place à l'Intelligent design, idée selon laquelle « certaines observations de l'univers et du monde du vivant sont mieux expliquées par une cause intelligente que par des processus non dirigés tels que la sélection naturelle ». Depuis 1987, plus aucun État ne peut inscrire l'enseignement du créationnisme dans son programme scolaire, au nom de la séparation Église-État. La liberté est donc laissée aux écoles privées tandis que les écoles publiques sont chacunes dotées de conseils d'administration, qui ont la possibilité de changer les programmes. C'est pourquoi, dans une vingtaine d'États, des militants ont introduit des mesures pour affirmer que Darwin n'est pas infaillible, comme le relaye Le Monde. C'est ainsi que de nombreux livres de biologie se voient apposer un autocollant sur la page de garde : « Ce livre contient des informations sur l'évolution. L'évolution est une théorie, pas un fait, relative à l'origine des êtres vivants. Ces informations doivent être approchées avec un esprit ouvert, étudiées soigneusement et considérées avec un esprit critique. », toujours selon nos confrères français.
Une nomination qui inquiète
La perspective d'un retour à l'aire créationniste suite à l'éventuelle nomination de Ben Carson au poste de ministre de l'Éducation fait planner le doute sur le retour de l'enseignement de cette théorie. Le neurochirurgien à la retraite s'est non seulement fait remarquer pour ses propos islamophobes, sa comparaison de l'Amérique d'Obama à l'Allemagne nazie, mais également pour ses thèses créationnistes. Le partisan de la « théorie de la Terre jeune » a d'ailleurs suscité la controverse en 1998, après avoir déclaré que les pyramides avaient été construites par Joseph et faisaient office de greniers pour conserver le grain et non pas de tombeaux pour les pharaons de l'Égypte ancienne. Position qu'il a confirmée sur CBS en 2015. Cette ignorance alarme lorsqu'on sait que si l'éducation aux États-Unis relève des États, le ministre de l'Éducation peut proposer des normes nationales.
L’astronome et blogueur Phil Plait s'indignait d'ailleurs : « Qui aurait pu être un meilleur ministre de l'intérieur que... Ben Carson ? Réponse : À peu près toute personne sur Terre ». Il rappelle que Ben Carson a affirmé que Darwin avait avancé la théorie de l'évolution car il y avait été poussé par le Diable, que le « Big Bang est un conte de fée », et ajoute que le membre de l'Église adventiste croit en la création de la Terre et des Cieux en six jours. Une catastrophe selon l'auteur, qui considère cette nomination comme une aberration et la légitimation d'une idée complètement dépassée.
Si Ben Carson inquiète, il n'est pas le seul. Mike Pence, le Vice-président élu, s'est lui aussi positionné sur le créationnisme confiant à l'Obs qu'« il est d'avis que Dieu a créé le ciel, la terre, les mers et tout ce qu'ils contiennent », et qu'il croit en la vérité fondamentale de la création divine.
« C’est comme si l’équipe de transition de Trump avait fait une liste des 300 millions d’Américains, les avait classés par compétence et leur capacité à ne pas briser tout ce qu’ils touchent, et qu’elle avait ensuite commencé par la fin. » se désole Phil Plait.