Comment le mensonge gagne des voix dans l'opinion publique (INFOGRAPHIE)
- Publié le 18-11-2016 à 09h55
- Mis à jour le 18-11-2016 à 10h28
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Une semaine très exactement après l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, l’Oxford Dictionary a choisi le terme "post-truth" (post-vérité) comme mot de l’année. Pour le dictionnaire britannique, équivalent du Robert, "post-vérité" fait référence "à des circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d’influence pour modeler l’opinion publique que les appels à l’émotion et aux opinions personnelles".
Vingt-cinq ans déjà
Selon l’Oxford Dictionary, son usage a augmenté de 2000 % par rapport à l’année dernière, "dans le contexte du référendum sur le Brexit au Royaume-Uni et de l’élection présidentielle aux Etats-Unis" . Le terme n’est pas neuf. Il aurait été utilisé pour la première fois en 1992 dans un essai du dramaturge Steve Tesich autour du scandale de l’Irangate.
Le matin du 24 juin dernier, alors que les résultats officiels confirmaient le choix des Britanniques en faveur du Brexit, Nigel Farage, leader du parti d’extrême droite Ukip, confessait lui-même que les partisans du Brexit avaient menti : non, le fameux montant de 350 millions de livres alimentant chaque semaine les caisses de l’Union européenne n’allaient pas par miracle revenir alimenter la sécurité sociale du Royaume-Uni.
Boris Johnson, fer de lance des Brexiteurs, avait pourtant paradé durant toute la campagne dans un bus barré de cette promesse en lettres et chiffres géants.
Le mensonge avait beau avoir été démonté par la presse et les tenants de l’Union européenne, cela n’avait eu aucune influence sur les électeurs.
Durant la campagne présidentielle américaine, Donald Trump a lui aussi usé de la peur et menti sans vergogne à plusieurs reprises. Le site de "fact-checking" ("vérification des faits") "PolitiFact", détenteur d’un prix Pulitzer, a estimé que, depuis l’annonce de sa candidature à la présidence, en juin 2015, le candidat républicain avait menti "totalement" ou "partiellement" dans 85 % des cas.
Les hyperboles véridiques
Cette réalité alternative se forge à partir des "hyperboles véridiques" (expression inventée dans l’autobiographie du milliardaire, "The Art of the Deal") dont usa et abusa Donald Trump durant la campagne. Par définition, cette expression est une contradiction : une hyperbole ne peut être véridique. Mais la force et la répétition du message finissent par lui donner une apparence de véracité. C’est le principe du slogan en marketing, que Trump a transposé dans la politique.
On peut voir l’avènement de l’ère post-vérité comme une résultante de celle du doute, née aux lendemains des attentats du 11 septembre 2001. Dans son récent livre "L’ère du complotisme. La Maladie d’une société fracturée", la chercheuse belge Marie Peltier rappelle que le "grand mensonge" fondateur est celui des armes de destructions massives détenues par Saddam Hussein, qui justifia l’invasion américaine en Irak, en 2003.
La "réinformation" de l’ultradroite
Ce mensonge a fait long feu, nourrissant les thèses complotistes de toutes parts. Mais il participa de la "création de la réalité" par le pouvoir, pour paraphraser Karl Rove, ancien conseiller du président George W. Bush.
Aujourd’hui, les sites de l’ultradroite américaine qui propagent les pires rumeurs - comme la prétendue naissance de Barack Obama à l’étranger - se qualifient cyniquement de médias de "réinformation". Selon le site BuzzFeed, 38 % des articles de ceux-ci furent mensongers durant la campagne.
Fer de lance de ceux-ci, Breitbart News a soutenu la campagne de Donald Trump. Son audience a grimpé jusqu’à 17 millions de visiteurs. Son patron, Stephen Bannon, était devenu directeur de campagne de Trump en août. Il a été nommé le 15 novembre "conseiller stratégique" du nouveau président - un poste nouveau, qui n’est pas au contrôle du Sénat. Et il a déjà annoncé souhaiter jouer un rôle dans la présidentielle française et les législatives allemandes en 2017. Avec lui, c’est la post-vérité qui entre à la Maison-Blanche.
