Noam Chomsky a obtenu l'asile au Centre Wallonie-Bruxelles à Paris
Publié le 01-12-2016 à 17h52 - Mis à jour le 02-12-2016 à 11h46
Connu pour son engagement très à gauche, le philosophe américain devait initialement recevoir un prix devant l'Assemblée nationale française. Une cérémonie annulée en dernière minute par le groupe socialiste.
C'est une publicité dont se serait sans doute bien passée la gauche française. Invité en France à l'initiative de la Société internationale de philologie, le célèbre linguiste et philosophe américain Noam Chomsky devait être reçu à l'Assemblée nationale ce mercredi pour y recevoir une distinction scientifique - la médaille d'or de philologie - et assister dans la foulée à la traditionnelle séance de questions au gouvernement.
Mais l'événement a finalement été annulé en dernière minute à la demande du groupe socialiste, majoritaire au sein de l'Assemblée. Pris de court, les organisateurs se sont donc tournés vers le Centre Wallonie-Bruxelles à Paris qui a accepté d'accueillir cette cérémonie dans l'urgence.
Des « positions trop controversées »
Du côté du groupe socialiste, on justifie cette décision par certaines positions controversées ouvertement assumées par l'intellectuel américain connu pour son engagement militant très à gauche. « Il a pris un certain nombre de positions controversées sur le terrorisme, Ben Laden et certains thèmes plutôt complotistes. Nous avons donc estimé que cette invitation pouvait être mal interprétée et donner l'impression que le groupe socialiste cautionnait ce type de déclaration. Mais cela ne remet pas pour autant en question la valeur de tout le travail de M. Chomsky », nous explique un porte-parole.
Une gauche sourde et aveugle ?
Une explication qui ne satisfait pas Martin Legros. Rédacteur en chef de « Philosophie Magazine », ce Belge installé à Paris est à l'origine du rapatriement en catastrophe de la réception au CWB suite à un appel à l'aide de la Société internationale de philologie.
« Je trouve cela désolant. D'autant plus qu'au départ, Noam Chomsky devait prendre part à une grande réunion rassemblant des intellectuels de divers horizons que souhaitait mettre sur pied le secrétaire d’État à la Recherche, Thierry Mandon, pour réfléchir au rôle de l’État et à l'avenir de la gauche. La Société de philologie avait d'ailleurs expressément déplacé la date de remise de la médaille à Noam Chomsky à cette fin, mais l'événement a été annulé suite à certaines pressions. Il avait ensuite été convenu que le groupe parlementaire socialiste prendrait la relève pour l'accueillir en présence du président de l'Assemblée nationale Claude Bartolone. Tout était organisé et puis ils ont annulé vendredi sans aucune explication. Je trouve cela tout à fait désobligeant », déplore M. Legros.
« Qu'on ne veuille pas être associé au nom de Chomsky, pourquoi pas , poursuit notre interlocuteur, mais on doit quand même faire preuve d'un certain savoir-vivre vis-à-vis d'une personne de 88 ans qui prend le temps de se déplacer gratuitement pour prendre part au débat public. Dans un pays qui a longtemps été celui des intellectuels, je trouve cela inimaginable ».
Sur le fond ajoute encore le rédacteur en chef de « Philosophie Magazine », « il est tout de même assez interpellant de voir que la gauche d'aujourd'hui ne puisse même pas entendre une parole critique comme celle de M. Chomsky qui a pris fait et cause pour Bernie Sanders lors de la campagne américaine et qui dénonce le problème qu'a la gauche avec l'électorat populaire. C'est un discours qui n'a rien de complotiste. Le fait que la délégation Wallonie-Bruxelles ait accepté de le recevoir ne veut pas dire qu'elle défend toute la vision de Noam Chomsky.»
Une annulation qualifiée également de « stupéfiante » par Christophe Deloire, le Secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF).
Un gros succès de foule
Du côté du CWB en tout cas, on ne peut que se réjouir d'avoir accueilli cet événement qui a connu un gros succès de foule et fait un chouette coup de pub au centre. « C'était vraiment la folie », explique la porte-parole. « La salle était complète et plusieurs centaines de personnes faisaient la file sur le trottoir à l'extérieur. On n'avait jamais vu ça.»
« La très grande majorité étaient des jeunes de moins de 30 ans qui étaient avides de discuter de la position à adopter face à la montée de l'extrême droite et du populisme », précise Martin Legros.