Le lama tibétain Tenzin Delek Rinpoche a-t-il été empoisonné ?
Publié le 27-12-2016 à 06h40 - Mis à jour le 27-12-2016 à 06h42
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Finalement, Nyima Lhamo a décidé de quitter le Tibet, de laisser sa fille de six ans, sa mère, sa famille derrière elle, à Lithang. "Huit ou neuf jours" d’un voyage secret, périlleux, avant d’atteindre le Centre de réception des réfugiés tibétains de l’Onu à Katmandou, au Népal, puis Dharamsala en Inde le 24 juillet dernier. "J’ai pris plusieurs véhicules, j’ai marché, traversé l’Himalaya. Un passeur m’a emmenée jusqu’à la frontière (sino-népalaise) pour 65 000 yuans", près de 9 000 euros. "C’est la seule chose que je puisse vous dire."
Des dizaines de milliers d’autres avant elle ont ainsi trouvé refuge en Inde (et au-delà), réalisé le rêve d’une vie : rencontrer leur leader spirituel, le Dalaï-Lama.
La première motivation de Nyima Lhamo se trouve ailleurs, dans la réhabilitation de la mémoire de son oncle, Tenzin Delek Rinpoche, mort dans une prison chinoise " dans des circonstances mystérieuses". "Les Tibétains continuent à souffrir sous le régime chinois et beaucoup termineront probablement de la même manière que mon oncle" , affirme-t-elle.
Soupçons d’empoisonnement
Tenzin Delek Rinpoche était un haut lama vénéré dans l’est du Tibet, "connu pour son œuvre philanthropique : il a bâti des écoles, des hôpitaux, des orphelinats, des maisons pour personnes âgées. Il m’a appris le vrai sens de ce que signifie être bouddhiste, quelqu’un qui aide les personnes dans le besoin et n’a pas de mauvaises intentions envers autrui", relate-t-elle. "Je ne digère pas le fait que les autorités chinoises aient arrêté une personne aussi bonne, qui a en quelque sorte aidé le gouvernement chinois à rendre meilleures les conditions de vie des Tibétains. Je ne digère pas le fait qu’il ait été arrêté alors qu’il n’avait commis aucun crime."
Elle digère encore moins qu’il soit décédé, après treize années passées derrière les barreaux, le 12 juillet 2015 à Chengdu. Nyima Lhamo en est persuadée : non seulement il n’a commis aucun crime, mais en plus il a été, selon elle, poussé dans la tombe. "Quand ma mère et moi avons pu voir brièvement le corps, nous avons remarqué que ses lèvres étaient étrangement noires. Les moines qui ont nettoyé le corps ont vu que ses ongles l’étaient aussi. On nous a dit qu’il était décédé de mort naturelle mais on n’a reçu aucun certificat pour le corroborer. Les autorités ont refusé de préserver son corps pendant 15 jours, comme prévu par la loi, pour permettre à la famille de le voir. Ni son corps ni ses cendres ne nous ont été rendus", égrène-t-elle comme autant d’arguments étayant sa thèse. "Je veux qu’une enquête indépendante puisse être menée sur les circonstances de sa mort."
Décrédibilisation
Depuis le décès de son oncle, "les autorités chinoises n’ont cessé de le décrédibiliser, ses photos sont bannies à Lithang, nous n’avons pas été autorisés à faire des offrandes, ni à construire un stupa (un monument caractéristique du bouddhisme, NdlR) en sa mémoire, ses possessions ont été confisquées, ses proches ont été arrêtés ou battus. J’ai été détenue pendant 18 jours".
De tout cela, Nyima Lhamo voulait pouvoir témoigner, notamment à Bruxelles devant le Parlement européen qui avait adopté des résolutions appelant à la libération de son oncle. Sa famille et elle savaient que les conséquences seraient lourdes à porter. "Cela fait quatre mois que j’ai fui le Tibet et je n’ai pas pu avoir de conversation directe avec ma famille, ma fille, ma mère. J’ai appris par d’autres sources que des caméras avaient été installées pour observer leurs faits et gestes. Je ne sais pas comment elles vont."
La situation au Tibet ne s’améliore pas
La démolition et l’évacuation de Larung Gar, un célèbre institut d’enseignement du bouddhisme tibétain, se poursuivent, selon les autorités tibétaines en exil en Inde. Les cahutes rouge sombre, serrées les unes contre les autres, sont démolies et les religieux évacués depuis le mois de juillet avec l’objectif d’en réduire le nombre de 10 000 à 5 000. Le Premier ministre tibétain en exil, Lobsang Sangay, a appelé de Haut commissariat aux droits de l’homme de l’Onu à intervenir en envoyant Zeid Ra’ad al Hussein sur place.
Au début de ce mois, un Tibétain s’est immolé par le feu à Maqu, dans la province du Gansu. L’homme a appelé au retour du Dalaï-Lama au Tibet alors qu’il mettait le feu à ses vêtements, a rapporté l’organisation Campagne internationale pour le Tibet. Selon le gouvernement en exil, il s’agit de la 145e immolation par le feu de Tibétains en Chine. Des vidéos disponibles sur Internet montrent l’homme marcher dans une rue, le corps entièrement enflammé, puis à terre en train de se consumer sous le regard de passants, avant d’être évacué par les forces de l’ordre. Tashi Rabten était âgé d’une trentaine d’années. Sa femme, deux de ses enfants et d’autres membres de sa famille ont été placés en détention par la police locale après avoir réclamé la restitution du corps.