Des migrants frigorifiés aux portes de l’Europe
Publié le 10-01-2017 à 20h31 - Mis à jour le 11-01-2017 à 09h01
Médecins sans frontières tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme.Ils espéraient trouver la paix et une petite place au soleil en Europe, ils se retrouvent aujourd’hui bloqués dans le froid et sous la neige aux portes de celle-ci. Alors que l’offensive hivernale bat son plein, quelques milliers de personnes sont coincées sous des températures glaciales en Grèce et dans les Balkans, dénonce Médecins sans frontières. Une situation humanitaire désastreuse dont la responsabilité incombe conjointement aux choix politiques posés par les autorités européennes et grecques "qui se renvoient la balle", s’indigne Loic Jaeger, chef de mission de l’ONG sur l’île de Lesbos. "Ce qui arrive était prévisible, cela fait plusieurs mois que nous tirons le signal d’alarme."
Réaction tardive
Suite à la fermeture de la route des Balkans et à l’accord migratoire passé avec la Turquie, environ 45 000 demandeurs d’asile sont coincés en Grèce, poursuit notre interlocuteur, expliquant qu’une partie d’entre eux sont hébergés dans des conditions indécentes. "Sur le continent, dans le nord du pays, des camps ont été installés dans des entrepôts. Les autorités affirment que ces sites ont été adaptés aux conditions hivernales, mais ce n’est pas le cas en réalité. Il a fait -6°C la nuit dernière, les toilettes et les douches ‘de festival’ installées à l’extérieur sont inutilisables et le système de chauffage de l’entrepôt ne marche pas. Les gens sont frigorifiés."
Sur les îles de Chios, Samos et Lesbos, l’état des lieux n’est pas plus glorieux. Environ 15 000 personnes seraient coincées dans des camps surpeuplés, une partie s’abritant sous des tentes inadaptées. "Les conditions d’accueil dans les centres gérés par des associations de volontaires ou des ONG sont bien meilleures que dans les hotspots (les centres de tri, NdlR) gérés conjointement par les autorités grecques et européennes", observe M. Jaeger.
Dans le centre de Moria, sur l’île de Lesbos, où se trouvent entre 2000 et 2500 personnes, "la situation est déjà catastrophique depuis des mois. C’est encore pire avec le froid. Pour survivre, tout le monde fait des feux, ce qui augmente le risque d’incendie et d’explosion de bonbonnes de gaz comme celle survenue il y a un mois et qui avait causé la mort d’une grand-mère et de son petit-fils."
Une équipe du ministère grec de l’Immigration a été envoyée en urgence pour ouvrir un nouveau site. "Mais ils arrivent trop tard", juge Loic Jaeger. "La meilleure option serait de transférer la majorité des gens qui vivent sous tente sur les îles pour les disséminer dans des centres d’accueil adaptés dans le reste du pays, quitte à les renvoyer plus tard. Mais les représentants de la Commission et les dirigeants de l’Union refusent ces transferts car ils disent que cela mettrait à mal l’accord passé avec Ankara (qui prévoit que les demandeurs d’asile arrivés irrégulièrement en Grèce soient renvoyés vers la Turquie, NdlR)."
Alors que plusieurs migrants morts d’hypothermie ont été retrouvés à la frontière turco-bulgare et bulgaro serbe, le tableau est encore plus sombre à Belgrade où la température flirte avec les - 20 °C.
2000 personnes à Belgrade
"Les centres d’accueil du pays sont pleins et environ 2000 réfugiés qui n’ont pas trouvé de place se sont approprié des entrepôts abandonnés derrière la gare", commente Stéphane Moissaing, chef de la mission que MSF mène dans la capitale serbe. Si les autorités assurent le nécessaire dans les camps officiels, rien n’est fait pour ces campements sauvages, ajoute notre interlocuteur, expliquant que le gouvernement s’était montré réticent à ce qu’on leur délivre de l’aide car il estime que cela a un effet d’appel.
"Ce sont des bâtiments ouverts au froid et au vent. Il n’y a rien. Juste un petit tuyau d’eau. Les gens dorment à même le sol en se bricolant des matelas. Des membres de la société civile arrivent à leur apporter tant bien que mal un repas par jour. De notre côté, nous avons distribué des couvertures et amené des canons à chaleur en urgence, mais cela reste largement insuffisant. Ils font des feux avec tout ce qu’ils trouvent : vieux bois, plastique… Leur état de santé se dégrade en raison des infections respiratoires à répétition, d’épidémies de gale et de poux. MSF a proposé d’agrandir un camp existant en y installant des tentes chauffées, nous attendons une réponse du gouvernement. La situation est intenable", conclut M. Moissaing, ajoutant que quelques centaines de personnes se trouvent dans des conditions tout aussi problématiques à proximité de la frontière hongroise.