RDC : "2017, un sursis accordé au président Kabila"
Publié le 12-01-2017 à 10h37
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Quel avenir pour les mouvements citoyens congolais qui n'ont pas été invités au dialogue organisé par l'église catholique ?
Godefroid Mwanabwato, militant honoraire de la Lucha (mouvement citoyen congolais de la Lutte pour le changement) et avocat au barreau de Kisangani sait ce qu'il peut en coûter de s'élever contre les dérives du pouvoir du président Kabila. Ce jeune avocat de 29 ans (« le même âge que celui de Joseph Kabila quand il a été placé sur le siège de président de notre pays en 2001 », rappelle-t-il) a régulièrement été condamné pour "offense au chef de l'Etat" ou "outrage au parlement", notamment, pour avoir osé manifester pour le respect de la constitution et contre le maintien au pouvoir de Joseph Kabila. Des condamnations qui lui ont valu plusieurs passages derrière les barreaux. Aujourd'hui, Godefroid Mwanabwato a tourné la page du mouvement Lucha mais entend poursuivre sa lutte pour « trouver une voie de sortie à la crise congolaise et atteindre l'alternance politique et l'établissement d'un vrai Etat de droit au Congo».
Monsieur Mwanabwato, les mouvements citoyens ont été les oubliés de la négociation entre la majorité et l'opposition sous l'égide de la Cenco...
« Exact. Les mouvements citoyens congolais ont lutté depuis 2015 pour demander le respect strict de la Constitution et donc le départ de Joseph Kabila le 19 décembre 2016. Des centaines de militants ont été arrêtés et même torturés pour le simple fait de demander le respect de leurs droits et de la constitution. Nous avons toujours plaidé pour des actions pacifiques. Nous avons mobilisé la population pour dire non à la prolongation du mandat de Joseph Kabila. Le 19 décembre, la population congolaise a fait du bruit pour dire pacifiquement son refus de voir la constitution violée, mais ce mouvement n'a pas suffi. La veille, le 18 décembre, on a vu que le pouvoir préparait une répression encore plus féroce que celle à laquelle nous avions déjà eu droit. On a vu des déploiements impressionnants de la police et même de l'armée dans les rues de Kinshasa. Fallait-il demander à la population de descendre dans la rue pour affronter l'armée et la garde républicaine à main nue. La réponse est évidente. Des manifestations ont été réprimées violemment par ce régime. Il y a eu des morts, des blessés, on veut éviter que le sang des innocents coulent à nouveau.»
D'autant que les pourparlers menés par l'Eglise catholique se poursuivaient entre majorité et opposition, ce 19 décembre 2016 ?
« Une dynamique avait été mise en place par ce dialogue de la Cenco (conférence épiscopale nationale congolaise). Il y avait un consensus entre les différents acteurs politiques pour poursuivre ce dialogue au-delà du 19 décembre. »
Un accord a été trouvé qui prévoit un partage du pouvoir entre majorité et opposition et des élections en fin de cette année. Dans ce contexte, quel peut être le rôle des mouvements citoyens ?
« Ces mouvements doivent être vigilants et doivent faire comprendre qu'ils vont surveiller de près ce qui se passe pour que cet accord soit respecté et qu'on ira bien aux élections en fin d'année. 2017 est un sursis, ni plus, ni moins, qui est accordé au président Kabila pour qu'il puisse enfin organiser les élections et cela se fera sous le regard attentif des Congolais»
La surveillance du respect de cet accord a été placé entre les mains d'un comité de suivi dont la présidence a été attribuée à Etienne Tshisekedi...
«Etienne Tshisekedi est honorable, il a son combat qui parle pour lui mais ses troupes ont participé aux négociations du dialogue. C'est très étrange comme approche et on peut se poser la question de savoir qui va contrôler ces contrôleurs ? Auparavant, c'était le rôle de l'opposition politique. Aujourd'hui, elle a disparu puisqu'elle est aussi signataire de cet accord. L'idée serait que le comité de suivi ne soit pas issu de ceux qui ont négocié l'accord. Les mouvements citoyens pouvaient et peuvent jouer ce rôle. Nous, nous ne venons pas pour conquérir le pouvoir. Si on constate un dérapage, on le signalera et on pourra réactiver la rue. Il y a eu combien de dialogues, de forums dans notre pays qui n'ont débouché sur rien? Il ne faut pas signer un chèque en blanc à ces négociateurs sous peine de constater, dans un avenir plus ou moins proche, que la population congolaise a, une fois encore, été prise en otages.»
Des membres des mouvements citoyens étaient présents au centre épiscopal où se déroulaient les négociations, vous n'avez pas été entendus. C'est un échec. Vous n'aviez peut-être pas assez de poids?
« C'est un constat réaliste. Les mouvements citoyens n'ont pas su apporter une alternative claire. On a participé aux préparatifs du premier dialogue sous la tutelle de Kodjo mais nous n'avons pas été invités au second. On aurait pu avoir une place, fût-ce comme observateurs.»
Qu'est-ce qui vous manque ?
« On est trop éclaté. Il existe entre 8 et 10 mouvements citoyens différents en République démocratique du Congo. Je plaide pour parvenir à les fédérer afin d'avoir ce poids critique qui nous fait défaut aujourd'hui. J'ai lancé un appel à tous les mouvements pour qu'on puisse organiser un congrès commun. Des pourparlers sont en cours. Notre combat a démontré que nous avons des points forts et des points faibles. Les points forts, c'est que nous sommes capables de mobiliser pacifiquement pour notre combat. Notre point faible, c'est notre éparpillement, notre division. Ceux qui ont réussi ont travaillé collectivement. Regardez, même l'UDPS ne s'est pas présenté seul aux négociations. Si nous, mouvements citoyens, nous voulons donner un mot d'ordre sur tout le pays, il faut qu'on travaille main dans la main. Si on parvient à s'entendre, aucune force ne peut s'opposer aux mouvements citoyens.»