Election présidentielle en Serbie: Vucic en marche vers le pouvoir absolu
Publié le 02-04-2017 à 08h35 - Mis à jour le 02-04-2017 à 08h40
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Le Premier ministre vise la présidence dès le premier tour et ne lésine pas sur les moyens. Jean-Arnault Dérens Correspondant à Belgrade Lundi matin, les kiosques de Belgrade présentaient un étrange aspect : tous les quotidiens étaient recouverts du même supplément publicitaire à la gloire du Premier ministre Aleksandar Vucic, candidat à l’élection présidentielle de ce dimanche. D’après les instituts de sondages, unanimes, l’homme fort de la Serbie devrait emporter cette élection dès le premier tour, face à une opposition éclatée entre plusieurs candidatures.
De fait, rien n’a été laissé au hasard. Pour cause de panne informatique, l’Agence officielle de régulation des médias électroniques a renoncé à tenir le décompte des temps de parole des différents candidats mais, selon une étude menée par le Bureau pour la recherche sociale (Birodi) et l’Ecole de journalisme de Novi Sad, qui ont étudié les journaux télévisées des cinq principales chaînes du pays, Aleksandar Vucic a eu droit à 407 minutes de temps de parole comme Premier ministre et 225 minutes comme candidat, soit 250 minutes de plus que l’ensemble des dix autres candidats réunis.
A la puissance de frappe des télévisions, publiques ou privées, s’ajoute celle des tabloïds, tous plus ou moins directement liés au pouvoir, spécialisés dans les attaques personnelles sans preuves. Durant cette campagne, on a ainsi pu "apprendre" que l’un des deux candidats d’opposition, l’ancien ombudsman Sasa Jankovic, serait responsable du suicide d’un de ses proches, sans qu’aucune condamnation ne vienne sanctionner ces allégations.
Campagne diffamatoire
Mieux même, Milenko Jovanov, vice-Président du Parti progressiste serbe (SNS), la formation d’Aleksandar Vucic, a prétendu que Natasa Jeremic, l’épouse de l’autre candidat d’opposition, était à la tête d’un puissant cartel de la drogue. Il a signé un communiqué de presse du parti prétendant que l’entourage de Vuk Jeremic, ancien ministre des Affaires étrangères et ancien président de l’Assemblée générale des Nations unies, était composé par "le plus puissant gang criminel de Serbie", ajoutant : "Tout le marché de la drogue est entre les mains de sa femme", affirmation reprise en boucle par les médias, sans qu’aucun démenti ne soit apporté.
Interrogé par des journalistes, Aleksandar Vucic n’a pas jugé bon de commenter ces "post-vérités" ni de désavouer Milenko Jovanov. Dans ce climat délétère, les sondages placent en seconde position la candidature parodique de Luka Maksimovic, alias Ljubisa Preletacevic Beli, qui surfe sur le discrédit qui frappe l’ensemble de la classe politique.
Disposant déjà d’une confortable majorité absolue au Parlement, le Premier ministre a longtemps fait planer le doute sur le calendrier électoral et sur sa volonté de briguer la charge présidentielle. Aleksandar Vucic a finalement opté une campagne très brève, annonçant sa propre candidature, alors même que le Président sortant, Tomislav Nikolic, du même parti que lui, ne cachait pas son intention de briguer un second mandat. Il a finalement dû s’écarter face à la "tornade Vucic".
Les intentions réelles du Premier ministre demeurent incertaines. La Serbie possède un régime parlementaire, où les compétences présidentielles sont fort réduites. Au grand jeu des hypothèses et des analyses, les milieux "bien informés" de Belgrade se partagent entre deux écoles : ceux qui croient que Vucic a l’intention de faire évoluer la Constitution dans un sens présidentiel façon Erdogan en Turquie, et ceux qui pensent, au contraire, que le Premier ministre veut se mettre en retrait relatif, alors que la situation économique et sociale du pays risque de s’aggraver et que la Serbie pourrait être amenée à des choix désagréables, comme celui de reconnaître l’indépendance du Kosovo… Aleksandar Vucic est, de toute manière, assuré de rester maître du jeu, et cet ancien ultranationaliste, officiellement devenu "proeuropéen", n’a pas manqué de se rendre lundi à Moscou pour obtenir l’onction de Vladimir Poutine, qui lui a souhaité "plein succès".