On commence à découvrir l’ampleur de la répression au Kasaï

Marie-France Cros

Le Conseil de sécurité de l’Onu devrait voter "à l’unanimité" ce vendredi, assure l’AFP qui a vu le projet de résolution, une réduction de 7 % des effectifs de la Monusco (Mission de l’Onu au Congo).

La Fédération internationale des Ligues des droits de l’homme et ses associations affiliées au Congo avaient pourtant plaidé en faveur d’un renforcement de la Monusco, "l’intensification des violences" laissant "craindre un embrasement généralisé" de l’ancienne colonie belge. Paris avait mis en garde contre des réductions drastiques chez les casques bleus alors que le pays attend des élections fin 2017 et que les foyers de violences armées se multiplient - Ituri, Nord-Kivu, Tanganyika et Grand Kasaï.

Un soulèvement évitable

Cinq provinces du Grand Kasaï sont affectées par un soulèvement paysan depuis août 2016. Ce dernier est dû au refus des autorités locales de reconnaître, comme la loi le prévoit, le nouveau chef des Bajila Kasanga - sous-groupe des Lubas du Kasaï - désigné par les autorités traditionnelles, pour lui préférer un homme à leur solde. Le vol des objets rituels de pouvoir et des violences contre son épouse avait poussé le chef à la révolte; tué dans un affrontement, son corps avait été profané et privé de l’enterrement rituel, ce qui a provoqué un soulèvement généralisé de villageois fatigués d’être préssurés par les autorités administratives, la police et les militaires sans que l’Etat - ni les députés ou ministres nationaux originaires du Kasaï - travaillent à développer la région, privée de tout.

Si les autorités viennent de s’accorder avec la famille du chef lésé, Kamwina Nsapu, pour la restitution de son corps - indispensable, selon les croyances locales qui lui attribuent des pouvoirs magiques - il leur aura fallu neuf mois pour ce simple geste. En neuf mois, la révolte très localisée s’est étendue à cinq provinces du Grand Kasaï bien qu’elle ne paraisse pas être très organisée. Il n’est pas sûr que ce premier geste d’apaisement suffira à éteindre l’incendie.

Car, en neuf mois, le gouverneur de province du Kasaï central, Alex Kande, et Kinshasa, ont choisi la voie de la répression aveugle. Plusieurs fois dénoncée, on en découvre peu à peu l’ampleur.

Ainsi, le 18 mars, poussée par la pression internationale, la justice militaire congolaise a annoncé avoir arrêté sept de ses militaires accusés de crimes de guerre - d’abord récusés par Kinshasa - contre des militants présumés de Kamwina Nsapu, alors que des enquêteurs de l’Onu ont dénombré dix fosses communes rien qu’à Demba et Tshimbulu, où est née la révolte. Les enquêteurs étudient des "allégations très sérieuses" à propos d’autres tombes collectives. Une enquête administrative a été ouverte contre Alex Kande.

Deux experts de l’Onu assassinés

Deux enquêteurs de l’Onu - une Suédoise et un Américain - ont été assassinés au Kasaï central et l’Onu fait pression pour que "justice soit faite" alors que Kinshasa assure enquêter sur ces crimes. La découverte des corps - l’experte suédoise a été décapitée, son confrère américain non - a été annoncée mercredi, juste après que la police congolaise eut accusé les miliciens Kamwina Nsapu d’avoir massacré et décapité 39 des siens dans une "embuscade". Cette dernière annonce n’a été étoffée d’aucune image ni témoignage jusqu’ici.

MFC

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