La victoire de Macron soulage et ravit les Européens (pour l'instant)
A Bruxelles et dans les autres capitales de l'Union, on salue l'élection d'un président français ouvertement pro-européen. Il n'en reste pas moins qu'Emmanuel Macron devra gagner la confiance de ses partenaires, à commencer par l'Allemagne, et apprendre à composer avec les réalités de la politique européenne.
Publié le 09-05-2017 à 14h22 - Mis à jour le 10-05-2017 à 09h38
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La victoire d’Emmanuel Macron a été accueillie avec un très vif soulagement à Bruxelles et dans les autres capitales de l’Union européenne. Et pour cause : l’accession à l’Elysée de Marine Le Pen aurait porté un très rude coup, peut-être fatal, à l’édifice européen. Ce soulagement se double d'une évidente satisfaction, le président élu ayant mené une campagne authentiquement pro-européenne. Le bouquet final en aura été sa première apparition publique après son élection, effectuée sur l'air de l'Ode à la joie, l'hymne européen.
Réactions euphoriques
Son élection a déclenché une pluie de déclarations euphoriques à Bruxelles, et ailleurs en Europe. "Votre victoire est une victoire pour une Europe forte et unie et pour l'amitié franco-allemande", s'est féclité Steffen Seibert, porte-parole de la chancelière Angela Merkel. Cette élection "est le rejet clair d'un projet de repli dangereux pour l'Europe", a commenté le Premier ministre belge Charles Michel. Celui-ci travaille, avec son homologue luxembourgeois Bettel, à attirer le nouveau président français et son parti dans l'Alliance des libéraux et démocrates pour l'Europe - la famille politique de François Bayrou, qui a appuyé Emmanuel Macron, et du super-fédéraliste européen Guy Verhofstadt. Selon toute vraisemblance, les bans devraient être officialisé après les législatives.
"Nous comptons sur une France au cœur de l’Europe pour changer ensemble l’Union et la rapprocher des citoyens", a tweeté le président du Parlement européen, Antonio Tajani. "La victoire de Macron ouvre une page extraordinaire d’espoir pour la France et pour l’Europe", a salué sur le même réseau social, l'ancien président du Conseil italien et chef du Parti démocrate, Matteo Renzi. Le Premier ministre grec Alexis Tsipras a pour sa part qualifié le succès de M. Macron "d'inspiration pour la France et pour l'Europe".
Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker a écrit à Emmanuel Macron pour lui dire combien il est réjoui "que les idées (qu'il a) défendues d'une Europe forte et progressiste qui protège tous ses citoyens soient celles que la France va porter sous (sa) présidence ce dans le débat sur l'avenir de l'Europe".
N'en jetez plus...
Il n'y a qu'à Varsovie et à Budapest que la victoire d'Emmanuel Macron ne suscite pas un fol enthousiasme, l'alors candidat ayant réclamé que l'Europe fasse preuve de fermeté envers la Pologne et la Hongrie si les deux pays persistent à remettre en cause et à bafouer les valeurs et principes européens.
Un programme européen charpenté
"Emmanuel Macron est quelqu’un qui s’intéresse vraiment à l’Europe et ça ne date pas d’aujourd’hui", rappelle le politologue français Olivier Costa, directeur du Département d’études européennes politiques et administratives du Collège d’Europe, à Bruges. "Il connaît et a des idées sur l’Europe. Ça dénote sérieusement dans le paysage politique français récent." De fait, la majorité des candidats à la présidentielle étaient plus ou moins eurosceptiques. Les champions des deux grands partis français, Benoît Hamon pour le PS et François Fillon (les Républicains), bien que favorables à l’intégration européenne, portaient sur elle un discours assez critique. Emmanuel Macron, lui, a fait vœu de la défendre et de la renforcer.
Fait notable : non seulement Emmanuel Macron se pose en partisan de l’Europe, mais à la différence de son prédécesseur, François Hollande, Européen velléitaire, le nouveau président présente un programme européen charpenté.
Il propose notamment de créer un budget de la zone euro, qui serait placé sous l’autorité d’un ministre des Finances de la zone euro et sous le contrôle d’un Parlement de la zone euro. Emmanuel Macron suggère encore de renforcer la surveillance commune des frontières extérieures européennes. Il plaide pour que 73 députés européens (le nombre de députés britanniques qui quitteront l’hémicycle lors du Brexit) soient élus sur des listes transnationales en 2019 et souhaite lancer dans tous les Etats membres des consultations sur les missions que doit remplir l’Europe.
"Ici, on va avoir un leader qui va prendre des initiatives au niveau européen, alors qu’Hollande a beaucoup déçu à ce niveau-là", prédit Olivier Costa. "Macron veut utiliser l’Europe comme un levier pour arriver à quelque chose et contourner certaines résistances qu’il va rencontrer au niveau français pour faire progresser les choses au niveau global."
Convaincre Berlin d’avancer
Le nouveau résident de l’Elysée devra néanmoins composer avec une réalité qui semble souvent échapper aux candidats à la présidentielle : si l’Europe attend de la France qu’elle prenne des initiatives en matière d'intégration européenne, ce n’est pas pour cette raison que les institutions de l'Union et les autres Etats membres seront d’accord avec tout ce que Paris propose.
Ainsi, Jyrki Katainen, vice-président de la Commission européenne en charge de l'Emploi, de la Croissance, des Investissements et de la Compétitivité a-t-il qualifié "d'idée horrible", la proposition d'Emmanuel Macron d'instaurer un "Buy European Act", en vertu duquel seules les entreprises ayant localisé au moins la moitié de leur production en Europe auraient accès aux marchés publics dans l'Union.
Ensuite, si l'Allemagne voit d'un bon œil l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron, Berlin n'en reste pas moins très réticent à l’établissement d’un budget de la zone euro, prélude à une "Union de transferts" dont les Allemands ne veulent pas. Echaudés par les promesses non tenues des présidents français, "les Allemands sont suspicieux", souligne Olivier Costa, "mais ils ont besoin d’alliés pour faire avancer les choses, et il n’y a pas beaucoup d’alternatives à la France".
Selon le politologue, Emmanuel Macron va chercher à faire un deal avec Berlin, où il effectuera son premier déplacement à l'étranger : "La réforme et la démocratisation de la gouvernance de la zone euro, la relance de politique d’investissements pour sortir de l’austérité à tous crins, en échange de quoi la France s’engage à tenir son déficit budgétaire sous le seuil des 3 % du PIB (c’est le seul candidat qui s’est engagé à le faire, NdlR) et à entreprendre un certain nombre de réformes. Macron est bien vu à Berlin. Il y a une fenêtre d’ouverture quel que soit le prochain chancelier", Angela Merkel ou le social-démocrate Martin Schulz.
Le bon président, au bon moment ?
Mais Emmanuel Macron doit aussi prendre conscience que sa période de grâce européenne ne s’éternisera pas. "Les Français dépensent trop d’argent et ils dépensent au mauvais endroit", a déclaré Jean-Claude Juncker, lundi, à Berlin, au lendemain de l'élection. Comme pour mieux rappeler que l’exécutif européen a fait preuve d’assez de mansuétude avec le mauvais élève budgétaire français.
La chance du nouveau président français est qu’après avoir été essorée par la crise, et ébranlée par le référendum britannique sur le Brexit, l’Europe semble être mûre pour aller de l’avant. "Emmanuel Macron arrive au bon moment en ce sens que tout le monde a enfin compris que ce qu’il faut faire à l’échelle européenne, ce n’est pas des réformes institutionnelles, mais relancer des politiques publiques. Macron revient à une approche plus fonctionnaliste de l’UE. Son idée de l’Europe est qu’elle doit se doter de capacité pour régler des problèmes qui se posent à tous les Etats membres : flux migratoire, croissance, changement climatique. Il arrive un moment où l’on a besoin de contenu."