Donald Trump, prié de "défendre des valeurs plutôt que ses intérêts"

Maria Udrescu

Je suis très honoré de me retrouver ici, au sein de cette Alliance qui promeut la paix et la sécurité à travers le monde."C’est avec ces mots, lus sur un texte déjà préparé - contrairement à ses habitudes - que le président américain a entamé, jeudi, son discours lors de l’inauguration du nouveau siège de l’Otan. Donald Trump a mis les bouchées doubles pour éviter les gaffes et incidents diplomatiques lors de sa visite de vingt-neuf heures à Bruxelles. Il n’a pas tenu de conférence de presse, ni donné de détails sur ses discussions, ni commenté les déclarations de ses homologues, ni même publié le moindre tweet polémique. D’aucuns craignaient en effet le pire. Après tout, le milliardaire se rendait dans une ville qu’il avait qualifiée de "trou à rats" pour s’entretenir pour la première fois avec les représentants de l’Union européenne, à ses yeux "véhicule de l’Allemagne", et les membres de l’Otan, une organisation qu’il considérait il n’y a pas si longtemps comme "obsolète".

"Un pour tous, tous pour un"

Mais si Donald Trump est parvenu, le temps d’un discours, à mettre de côté son ton polémique, ses propos sont loin d’avoir rassuré ses partenaires de l’Alliance, notamment les Européens. Certes, le Républicain a appelé à se serrer les coudes face à la terreur et à "expurger ces tueurs, ces extrémistes, oui, ces losers". Sans manquer de dresser, au passage, une image des plus terrifiantes de l’immigration, estimant que "des milliers de personnes arrivent dans nos pays, se dispersent et nous n’avons pas la moindre idée de qui il s’agit".

Face aux diverses menaces qui pèsent sur les Alliés, le secrétaire général Jens Stoltenberg a eu beau prôner le principe du "un pour tous, tous pour un". Le président américain n’a pas voulu s’engager, de façon claire et nette, à soutenir inconditionnellement ses alliés envers et contre tous, dans le cadre de la clause de la défense collective (dit aussi "article 5"). L’homme qui s’est déjà demandé pourquoi Washington devrait dépenser son argent pour défendre l’Europe a interpellé les vingt-trois pays (sur les vingt-huit) qui ne dépensent pas au moins 2 % de leur PIB pour leur défense. "Cela n’est pas juste pour les contribuables des Etats-Unis. Nombre de ces pays doivent des sommes qui n’ont pas été versées au cours des années précédentes", a-t-il pesté.

D’aucuns pourront néanmoins se consoler par le fait que Donald Trump a au moins parlé d’un"avenir de l’Otan", dont les priorités devraient être "la lutte contre le terrorisme, les menaces de la Russie et la protection des frontières méridionales et orientales de l’Alliance", soit l’est de l’Europe. De toute manière, pour M. Stoltenberg, "les Etats-Unis soutiennent l’Otan et il n’est pas possible de soutenir l’Otan sans soutenir l’article 5, parce que l’Otan repose sur la défense collective".

Les deux Donald se rencontrent

La sécurité était aussi au cœur de la discussion entre le Républicain et les présidents de la Commission et du Conseil européens, Jean-Claude Juncker et Donald Tusk. "Mon sentiment est que nous sommes d’accord sur beaucoup de sujets, en premier lieu et surtout sur le contre-terrorisme", a déclaré M. Tusk à l’issue de cette rencontre qui, d’après une source européenne, s’est déroulée dans une "atmosphère constructive et amicale". "C’était une première occasion de faire connaissance", explique-t-on, sur un ton optimiste, du côté de la Commission. Loin de vanter la sortie du Royaume-Uni de l’UE comme "une grande chose", le milliardaire a exprimé son "inquiétude que des emplois aux Etats-Unis puissent être perdus en raison du Brexit", note un "insider".

La question russe

Reste que "certaines questions demeurent ouvertes", a remarqué Donald Tusk. Parmi celles-ci, le climat, dont la protection n’est pas une priorité du président américain. Ou encore le commerce, Donald Trump ayant sans doute tenté de défendre sa philosophie protectionniste du "America First". Ainsi, d’après une source européenne, les trois leaders ont-ils soutenu l’idée de "mettre en place un groupe de travail pour traiter des questions bilatérales, même les plus difficiles, et des enjeux du commerce international".

C’est surtout la question des relations avec la Russie, dont le dirigeant Vladimir Poutine inspire beaucoup de sympathie à M. Trump, qui risque de perturber encore les liens entre le Vieux Continent et les Etats-Unis. "Je ne suis pas sûr à 100 % que l’on puisse dire aujourd’hui, Monsieur le Président et moi-même, que nous avons une position commune au sujet de la Russie", a considéré M. Tusk. Et de rappeler - ce fut visiblement nécessaire - au président américain que "notre plus grande tâche aujourd’hui est de consolider le monde libre autour des valeurs occidentales, pas seulement autour de nos intérêts".

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