L’Europe ne pèse pas assez sur les droits de l’homme en Chine
- Publié le 29-05-2017 à 14h33
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Elle dispose d’un "levier considérable", mais ne l’utilise pas, déplorent des ONG.Comme si l’acier et les panneaux solaires avaient plus de valeur que la vie et la dignité humaines. "Prêts à livrer publiquement des batailles difficiles avec la Chine sur les prix de l’acier, les panneaux solaires ou la mer de Chine méridionale, la plupart des hauts responsables de l’Union européenne se montrent peu enclins à s’engager publiquement dans de tels débats sur le recours de la Chine à la torture et à la détention arbitraire, même quand les détenus sont des défenseurs de droits de l’homme ou des citoyens européens." Cette assertion émane d’une série d’ONG, parmi lesquelles Human Rights Watch, Amnesty International, Reporters sans frontières et International Campaign for Tibet, qui ont pris le parti de publier ce lundi une lettre ouverte à l’attention des présidents du Conseil européen Donald Tusk et de la Commission Jean-Claude Juncker, ainsi que de la cheffe de la diplomatie Federica Mogherini.
Le moment choisi n’est pas fortuit, puisque le Premier ministre Li Keqiang est attendu en fin de semaine à Bruxelles pour le sommet UE-Chine. L’occasion pour les vingt-huit de faire preuve d’un "engagement unifié et sans ambiguïté" en faveur de la promotion des droits de l’homme en Chine ? C’est l’espoir de ces organisations non gouvernementales.
Un jeu d’équilibriste
Non pas que les dirigeants européens soient restés muets face à la dégradation des droits et libertés depuis l’accession au pouvoir de Xi Jinping. Les documents européens successifs sont là pour le rappeler. Ils y notent entre autres, comme ici en décembre, "la détérioration des libertés d’expression et d’association", "l’arrestation, la détention et la condamnation de défenseurs des droits de l’homme, avocats et autres personnes exerçant leurs droits comme la liberté de religion ou de conviction". Et, relève un responsable européen, "le président Tusk a systématiquement soulevé la question des droits de l’homme avec ses homologues chinois, y compris lors de sommets, et continuera à le faire", car il "est dans l’intérêt" des deux parties "que la situation s’améliore en Chine".
Mais les Européens sont aussi contraints par la "Realpolitik" de jouer les équilibristes entre leur volonté de développer leur partenariat avec Pékin "pour aborder les nombreux défis auxquels le monde fait face aujourd’hui" d’une part, et leur souci de rester "fidèles à leurs valeurs et principes fondamentaux" d’autre part.
L’Union, nous assure un autre de ses responsables, est "engagée à travailler avec la Chine et son peuple pour promouvoir les droits de l’homme et l’état de droit, et pour favoriser la société civile et les libertés d’expression, d’association et de religion". Mais ce positionnement "utile" reste insuffisant, pensent les défenseurs des droits de l’homme, dans la mesure où "l’UE et ses Etats membres ne tiennent pas rigueur à la direction chinoise pour ses violations graves et systématiques des droits de l’homme".
Pékin étant "un partenaire stratégique de l’Union et son deuxième plus grand partenaire commercial", les Européens disposent bel et bien d’un "levier considérable" pour peser. Mais ils échouent "à l’utiliser pour presser les autorités chinoises à changer leurs politiques et pratiques". Et quand ils se prononcent ouvertement, ils "ont tendance à rester superficiels".
Le dialogue "droits de l’homme" en panne
Les défenseurs des droits de l’homme en sont donc persuadés : l’Union européenne et ses Etats membres doivent passer la vitesse supérieure plutôt que d’accepter de débrayer dans leur dialogue sur les droits de l’homme avec la Chine. Ce forum de discussions avait été lancé en 1995 afin d’échanger sur ces questions sensibles, de manière confidentielle plutôt que sur la place publique. Au fil des ans, Pékin a tenté d’en amoindrir la portée. Le nombre de réunions a été ramené à une par an, tandis que le séminaire juridique qui réunissait des représentants de la société civile et des chercheurs est passé à la trappe. L’an dernier, le dialogue sur les droits de l’homme a été annulé après que la partie chinoise eut tenté de diminuer le niveau des participants et aucune date n’a été annoncée depuis pour organiser la rencontre de cette année.
"Face à l’obstruction" et "l’intransigeance" de Pékin, les Européens auraient dû profiter "des occasions de haut niveau, qui comptent aux yeux des dirigeants chinois, pour appeler publiquement et bruyamment à la libération d’individus emprisonnés sans fondement comme le lauréat du prix Nobel de la paix 2010 Liu Xiaobo, l’économiste ouïghour Ilham Tohti et l’activiste tibétain Tashi Wangchuk". D’autant que, pour rappel, l’Union est récipiendaire du prix Nobel de la paix.
"Plus de deux décennies d’approche hésitante, conventionnelle de l’Union européenne par rapport aux droits de l’homme ont fait peu pour améliorer la situation à l’intérieur de la Chine." Dès lors, arguent les ONG, "si l’UE ne veut pas utiliser ‘le niveau sans précédent de maturité’de la relation UE-Chine pour mettre au défi l’efficacité de la Chine sur des droits de l’homme, elle sape sa propre capacité à les promouvoir où que ce soit, nuisant à ses propres objectifs à long terme".