Sans les Etats-Unis, la planète aura (encore) plus de mal à rester sous les 2 degrés
Publié le 02-06-2017 à 12h35 - Mis à jour le 02-06-2017 à 16h49
C’est fait. Les Etats-Unis sortent donc de l’accord de Paris. C’était le premier pacte engageant l’ensemble de la communauté internationale dans la lutte contre le changement climatique.
Dans la capitale française, en 2015, 195 pays s’étaient accordés sur l’objectif global de maintenir la hausse de la température moyenne mondiale "bien en deçà 2°C" et si possible à 1,5°C par rapport à 1850. Un seuil déjà synonyme de profonds changements sur la planète, selon les climatologues. Le départ des Etats-Unis met-il en péril cette promesse mondiale ? "Soyons très clairs sur ce qu’un retrait américain veut dire : on peut oublier l’objectif de 2°C", assène le spécialiste du climat François Gemenne (ULg). "Les Etats-Unis sont le deuxième émetteur mondial de gaz à effet de serre, rappelle de son côté Véronique Rigot, spécialiste des négociations climatiques au CNCD-11.11.11. Le retrait des Etats-Unis va rendre plus difficile l’atteinte des objectifs de l’accord de Paris. Il s’agissait d’un réengagement à soutenir une hausse maximale de températures de 2°C, mais aussi un engagement à fournir tous les efforts nécessaires pour limiter la température à 1,5°C. Concrètement, ce qui se passe, de manière logique : on a dix pays (dans ces dix ‘pays’, il y a l’Union européenne des 28) qui émettent ensemble trois quarts des émissions mondiales annuellement. A partir du moment où le deuxième plus gros se retire, les trois quarts des émissions sont toujours là ! Et donc, pour maintenir au même niveau les efforts ou les objectifs, les neuf autres doivent s’engager à davantage, sinon, on n’y arrive pas."
De plus, l’accord de Paris recèle une subtilité, mais qui est essentielle. Il ne fixe pas le pourcentage d’émissions de gaz à effet de serre que chaque pays va diminuer. Cela se fait sur base volontaire. Or si l’on additionne les engagements annoncés individuellement par les pays, on arrive à une hausse de la température de la planète de… 3,7°C d’ici 2100. Loin des 2°C donc, sans parler des 1,5°C… "Avec la sortie des Etats-Unis, ce n’est pas que la planète aura du mal à rester sous les 2°C, c’est qu’elle aura encore plus de mal !", glisse un expert belge en riant jaune.
Mesures anti-climatiques en série
Ce sont d’ailleurs les Etats-Unis qui avaient poussé à ce que cette partie de l’accord ne soit pas contraignante. "Barack Obama savait que de cette façon, il ne devait pas passer par le Congrès, ce qu’un acte réglementaire aurait demandé. Là, il restait dans un champ exclusivement fédéral sous toucher aux équilibres internes américains", souligne l’avocat Matthieu Wemaere, qui fut conseiller du Président de la Cop 22 au Maroc. Barack Obama, dans le cadre de l’accord de Paris, s’était engagé à faire baisser les émissions de gaz à effet serre américaine de 26 à 28 % par rapport à 2005 et d’ici 2025. Son Climate Action Plan devait y aider. Celui-ci devait drastiquement limiter les émissions des centrales thermiques de 30 %, par exemple.

Un plan que Donald Trump a annulé dès son arrivée à la Maison-Blanche. Le nouveau président a pris une (longue) série de mesures anticlimatiques : coupe dans les budgets pour le fonds vert (pour financer l’atténuation et l’adaptation au changement climatique des pays pauvres) et de l’agence environnementale, autorisation d’oléoducs, nomination de climatosceptiques… Selon le centre de recherche Rhodium Group, si l’on base sur les "ordres exécutifs" déjà pris par le président Trump en matière de climat, la baisse des émissions de gaz à effet de serre se stabilisera rapidement à moins 17 % par rapport à 2005 et sera toujours à ce chiffre en 2030 (voir infographie). "Nous sommes donc loin de l’engagement de Paris pour 2025 et encore plus loin du type de réduction demandée pour être sur les rails des objectifs à long terme américains", commentent les auteurs de l’étude. Beaucoup d’experts évoquent cependant le chemin "vert" pris par des Etats fédérés et qui pourrait amortir le choc, mais il est difficile d’en chiffrer l’impact à ce stade.
Bouchées doubles
Quoi qu’il en soit, pour le CNCD-11.11.11, c’est clair, si l’on veut compenser la "perte" américaine, les autres pays gros émetteurs - comme l’Union européenne - devront mettre les bouchées doubles en matière de réduction de gaz à à effet de serre. Les recettes sont connues : selon l’agence internationale de l’énergie, 80 % des réserves d’énergies fossiles connues doivent rester dans le sol, si l’on veut rester sous les 2°C d’ici 2100. Les risques d’une planète au-dessus de 2°C sont tout autant identifiés : récurrence des phénomènes climatiques extrêmes (typhons, crues, canicules…), élevation du niveau de la mer, disparition d’espèces animales… Cent millions de personnes basculeraient dans l’extrême pauvreté, selon la Banque mondiale.