Mgr Pell, ce cardinal qui tente de mettre de l'ordre dans les finances du Vatican, veut prouver son innocence à Melbourne
- Publié le 29-06-2017 à 18h33
- Mis à jour le 30-06-2017 à 08h19
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Le "numéro trois" du Vatican, soutenu par le Pape, s’est mis en congé pour répondre à la justice australienne. La situation est inédite : le cardinal George Pell, numéro trois du Vatican, chargé de remettre de l’ordre dans la politique économique et financière du sommet de l’Eglise catholique par le pape François - ce qui est loin d’être un luxe après des années de laisser-faire ou d’indifférence naïve des deux précédents papes - vient d’être inculpé par la justice australienne pour des faits de pédophilie. Mais cela sans que, pour autant, la police soit très précise, officiellement pour ne pas perturber l’enquête sur les faits qui lui sont reprochés.
Toujours est-il que le cardinal Pell a décidé de se défendre à visière découverte. C’est pourquoi, quelques heures à peine après avoir appris son inculpation, il a convoqué les médias. Le prélat a expliqué qu’il avait demandé au Pape de le mettre en congé afin de pouvoir se défendre devant les autorités de son pays et d’y répondre à ces accusations d’abus sexuels. "Je suis innocent, ces accusations sont fausses", a clamé jeudi l’argentier du Saint-Siège. "L’idée même d’abus sexuel m’est odieuse", a-t-il dit, non sans dénoncer une entreprise "sans relâche de démolition de (son) image" durant l’enquête. "J’ai toujours été complètement cohérent et clair dans mon rejet total de ces allégations", a insisté le cardinal qui a conclu en disant qu’il allait enfin "avoir l’occasion d’aller devant un tribunal".
En aucun cas, une démission
C'est pourquoi George Pell a annoncé qu’il avait demandé d’être provisoirement mis en congé au Vatican. Avant d’asséner avec force que "la procédure de justice m’offre désormais l’occasion de blanchir mon nom et de revenir ici à Rome pour travailler". Le préfet du Secrétariat pour l’Economie a dit qu’il avait tenu à informer régulièrement le pape François de sa situation. Et a insisté sur le fait que cette mise en congé n’équivalait pas à une démission. Ce qu’a confirmé un communiqué de la salle de presse du Saint-Siège qui a précisé que pendant l’absence du cardinal, le Secrétariat pour l’Economie continuerait à gérer les affaires courantes.
Un acteur-clé de la réforme de l’Eglise selon le Pape
Autre élément important du communiqué : il souligne avec insistance l’appréciation de François pour les trois années de travail passées ensemble au sein de la Curie romaine. Le Pape y remercie le cardinal Pell pour sa collaboration et plus particulièrement encore pour son "engagement énergique" en faveur des réformes et aussi pour sa participation très active au sein du Conseil des Cardinaux. Entendez : le fameux C9, sorte de Conseil de la Couronne qui "planche" sur les indispensables réformes de l’Eglise, au grand dam de l’aile la plus conservatrice de la Curie.
Des "crimes immoraux et intolérables"
Par ailleurs, le Saint-Siège dit qu’il respectera la justice australienne non sans rappeler les prises de position répétées du cardinal qui depuis des années a ouvertement condamné les abus sexuels des clercs qualifiés de "crimes immoraux et intolérables". Qui plus est, le prélat a toujours apporté sa collaboration en la matière aux autorités australiennes, notamment en allant déposer devant la "Royal Commission". Sans oublier que George Pell, lorsqu’il était évêque en Australie, avait soutenu la mise en place d’une commission pour mieux protéger les mineurs, et fut aussi à l’origine de procédures renforcées pour protéger les enfants et offrir une meilleure assistance aux victimes. Le cardinal Pell sera entendu le 18 juillet devant le tribunal de Melbourne. La police australienne n’a fait aucun commentaire sur le contenu précis des accusations afin de ne pas entraver l’enquête. Mais a seulement précisé qu’il s’agit de "délits d’agressions sexuelles anciens" et que "de nombreux plaignants sont liés à ces accusations". Ce qui étonne tous ceux qui suivent les dossiers des clercs pédophiles en Australie…
Un fonceur déterminé qui n’a pas que des amis sur sa terre natale et encore moins au Vatican
A peine appelé à monter sur le trône de Pierre, un soir pluvieux de mars 2013, le cardinal Jorge Mario Bergoglio mué en pape François avait été accusé d’avoir soutenu la dictature militaire argentine. Le premier pape jésuite de l’Histoire avait d’emblée pu compter sur le soutien sans faille du cardinal et archevêque de Sydney, George Pell, qui démentit fermement ces allégations.
Le prélat australien n’appartenait pourtant pas au camp des cardinaux progressistes ou centristes qui, comme "notre" cardinal Danneels, après avoir échoué en 2005 face à Josef Ratzinger, avaient pu imposer un Pape plus ouvert aux réalités nouvelles.
Sur pas mal de points doctrinaux, George Pell était on ne peut plus classique, soucieux notamment de ramener un jour au bercail romain les ouailles égarées dans les eaux intégristes. Mais le courant passa très vite entre l’Argentin et l’Australien, le premier voyant dans le second l’homme qui pourrait l’aider à remettre de l’ordre dans la très, sinon trop, opaque gestion économique et financière de l’Eglise.
George Pell n’est pas encore arrivé au bout de ses peines à en juger par les échos romains de crocs en jambe récurrents au sein de la Curie avec tout récemment la démission surprise du réviseur des comptes, Libero Milone.
Reste que le cardinal Pell veut gagner son défi. "La Libre" avait abordé la question avec lui chez l’ambassadeur belge près du Saint-Siège, Bruno Nève, en mars 2015 lors de la visite du couple royal belge au Vatican. Ce jour-là, le prélat australien nous avait paru plus déterminé que jamais, convaincu que la réforme de l’Eglise ne réussirait que par une politique de "mains propres" sans concessions.