L’Europe et Ankara mènent un dialogue de sourds
Publié le 26-07-2017 à 07h01 - Mis à jour le 26-07-2017 à 11h49
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Les deux partenaires ont tenté de chercher ce qui les unit encore, lors d’une rencontre ce mardi à Bruxelles. "Beaucoup se concentrent sur les lignes rouges. Je préfère me concentrer sur ce que nous avons en commun", a déclaré la cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini, à l’issue d’une rencontre avec les ministres turcs des Affaires étrangères et européennes, Mevlut Cavusoglu et Omer Celik, ce mardi à Bruxelles. Il fallait bien ça pour essayer de, si pas masquer, du moins tempérer les divergences qui se creusent entre les deux partenaires. Les représentants européens et turcs ont donc exposé toute une liste d’arguments pour réitérer leur volonté de continuer, voire renforcer, leur collaboration. Il semblerait que, sur la scène internationale, l’UE et la Turquie ne manquent pas d’intérêts communs, que ce soit pour soutenir un processus de paix en Syrie, stabiliser la Libye, résoudre la crise du golfe opposant le Qatar et l’Arabie saoudite ou continuer à implémenter l’accord nucléaire avec l’Iran. "Sur ces sujets, il n’y a pas de divergences d’opinions entre l’UE et la Turquie", a observé M. Cavusoglu.
Des relations de plus en plus compliquées
Mais c’est dans leurs relations bilatérales que les choses se corsent. L’UE peut difficilement fermer les yeux sur la récente réforme constitutionnelle controversée du président turc Recep Tayyip Erdogan et les purges massives conduites dans le pays après un coup d’Etat avorté en juillet 2016. Le procès de dix-sept journalistes et collaborateurs du journal d’opposition turc "Cumhuriyet" s’est ouvert lundi à Istanbul, énième signe d’une liberté de la presse bafouée et une dégradation de la démocratie en Turquie. Ce mardi, une centaine de militants d’Amnesty International se sont réunis à Bruxelles pour exiger la libération des défenseurs des droits humains emprisonnés dans le pays, dont la représentante de l’organisation en Turquie, Idil Eser, et un Allemand. Leur arrestation, début juillet, ne constitue qu’un énième épisode des tensions entre Berlin et Ankara, qui rivalisent de déclarations provocatrices dans la presse depuis vendredi.
Le commissaire européen à l’Elargissement, Johannes Hahn, n’a pas hésité à faire part de sa "forte inquiétude à l’égard de l’emprisonnement d’un grand nombre de journalistes, écrivains, académiciens et défenseurs des droits de l’homme", rappelant que "l’état de droit, la démocratie […] et la liberté de la presse constituent des exigences impératives pour tout progrès vers l’Union européenne". Mais M. Cavusoglu a balayé ces critiques d’un revers de la main, indiquant que "personne ne peut dire qu’il n’y a pas de démocratie en Turquie" et qu’il "faut faire la différence entre une opposition politique et du terrorisme, ainsi qu’entre des journalistes réels et d’autres qui favorisent des activités terroristes".
Le ministre turc n’a d’ailleurs pas manqué de mettre le doigt là où ça fait mal, rappelant que l’accord migratoire entre l’UE et la Turquie a permis d’endiguer les arrivées sur les côtes grecques. Et exigé que l’UE remplisse sa part du contrat en procédant à la libéralisation des visas pour les Turcs. Omer Celik a même été jusqu’à demander l’ouverture des chapitres 23 et 24 des négociations d’adhésion, portant sur les libertés fondamentales et la justice. "Ça s’appelle de la politique", a-t-il informé, estimant que cela permettrait de répondre aux inquiétudes de l’UE sur ces points. Mais la cheffe de la diplomatie européenne a déclaré que la Turquie "est et restera un pays candidat à l’Union européenne", sans être en mesure de prévoir un quelconque progrès des négociations.
Ainsi, la conférence de presse qui devait faire le point sur une rencontre "constructive" a-t-elle vite tourné à un règlement de comptes entre deux partenaires, qui ne semblent l’être que par la force des choses.