Pélérinage à la Mecque : quelles différences entre sunnites et chiites?
- Publié le 30-08-2017 à 13h39
- Mis à jour le 31-08-2017 à 11h08
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Sunnites et chiites font le grand pèlerinage de pareille façon. A quelques nuances politiques près.Après une année de privation forcée, les pèlerins iraniens reviennent en Arabie saoudite pour effectuer le hadj, qui débute ce mercredi à La Mecque. Ils sont en moyenne 60 000 (sur deux millions de pèlerins attendus cette année) à effectuer le grand pèlerinage, l’un des cinq piliers de l’islam, que tout musulman a le devoir de faire au moins une fois dans sa vie, s’il en a les capacités financières et physiques. Et si les conditions politiques sont réunies, serait-on tenté d’ajouter. Car, l’an dernier, les autorités saoudiennes et iraniennes n’étaient pas parvenues à se mettre d’accord sur les conditions logistiques et sécuritaires indispensables à l’accueil des pèlerins. Téhéran estimait celles-ci insuffisantes et Riyad n’accorda aucun visa aux pèlerins iraniens.
Cette situation, rarissime, résultait d’une dispute entre les deux Etats - déjà grands rivaux régionaux - consécutive à l’immense bousculade qui, le 24 septembre 2015, avait coûté la vie à 464 Iraniens - recensés par Téhéran - parmi les plus de 2 200 pèlerins décédés - selon les décomptes établis par les pays d’origine des victimes, Riyad ne concédant que 769 morts - lors de ce qui est à ce jour la pire catastrophe de l’histoire moderne du hadj. Ce bilan mortel avait provoqué la colère des autorités iraniennes.
Entre-temps, en janvier 2016, l’Arabie saoudite avait rompu ses relations diplomatiques avec la République islamique chiite, en réponse au saccage de ses représentations diplomatiques en Iran par des foules réagissant à l’exécution d’un important dignitaire religieux chiite saoudien.
Un rassemblement pour compléter le pèlerinage
Mais au-delà de cette situation politique tendue entre les deux rivaux régionaux, se posant en chefs de file l’un du sunnisme et l’autre du chiisme, aucune réelle divergence n’émaille la manière dont leurs pèlerins effectent le hadj.
"Il n’y a aucune différence dans les pratiques du pèlerinage entre chiites et sunnites, à une exception près, qui est récente", indique l’islamologue Guillaume Dye, professeur à l’ULB et titulaire de la chaire Islam. "Il s’agit d’un rassemblement des pèlerins iraniens appelé ‘le désaveu des infidèles’ (al-bara’a min al-mushrikin), durant lequel sont fustigés Israël et les Etats-Unis."
Cette manifestation, voulue par l’ayatollah Khomeini, date des années 1980 et se présente comme un levier de l’activisme politique de la République islamique chiite alors naissante. Elle concerne donc uniquement les pèlerins iraniens, donc pas tous les chiites qui font le pèlerinage. "Selon l’ayatollah Reyshahri, ce rassemblement est l’accomplissement de la dimension politique du pèlerinage, sans laquelle il n’est pas complet", ajoute le professeur Dye.
"Après la révolution islamique (1979), l’Iran insistait pour que de tels rassemblements se tiennent, mais ils étaient bannis par les autorités saoudiennes", poursuit le chercheur. Mais en 1987, un affrontement entre pèlerins iraniens et forces de l’ordre saoudiennes fait plus de 400 morts, pour l’essentiel des pèlerins iraniens. L’Iran suspendra alors sa participation au pèlerinage durant quatre ans. "La pratique est aujourd’hui tolérée par les autorités saoudiennes, dans la mesure où elle reste relativement discrète et limitée aux campements des pèlerins iraniens."
Visiter aussi d’autres lieux
Le déroulement du pèlerinage est codifié par l’Arabie saoudite. Les musulmans, qu’ils soient sunnites ou chiites, observent tous les mêmes rituels et se rendent dans les mêmes lieux. Tous débutent et terminent le pèlerinage par sept circumambulations autour de la Kaaba, dans la grande mosquée de La Mecque, les sept trajets entre Safa et Marwa, le stationnement au mont Arafat et la lapidation des trois stèles représentant Satan, à Mina.
Les pèlerins chiites peuvent aussi profiter de leur pèlerinage à La Mecque pour visiter, quand c’est possible, d’autres lieux. C’est le cas du cimetière d’al-Baqi, situé non loin de la mosquée de Mahomet à Médine, à proximité duquel certains vont prier. Dans ce cimetière ont reposé Fatima, la fille du Prophète, ainsi que certains premiers imams vénérés par les chiites. "Mais cela ne fait pas partie du pèlerinage proprement dit ni de ses rites", précise Guillaume Dye. "Les chiites ont d’autres pèlerinages (dans des lieux majoritairement situés en Irak, NdlR) comme Arbaïn, où il y a beaucoup plus de pèlerins que durant le grand pèlerinage de la Mecque." Dans ce dernier, la fréquentation dépassent les quinze millions de pèlerins.