Acculé, Daech déploie les femmes au front comme dernier recours
Publié le 01-09-2017 à 11h31 - Mis à jour le 01-09-2017 à 18h09
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C’est un signe qui ne trompe pas : l’Etat islamique, en déroute en Irak et en Syrie, autorise les femmes à combattre. Un cran de plus dans la longue histoire du djihad féminin, qui a connu son lot de logisticiennes, recruteuses et kamikazes. Au Pakistan, les talibans viennent de lancer un magazine féminin.La déroute subie par l’Etat islamique (EI) en Syrie et en Irak oblige l’organisation djihadiste à revenir sur l’un de ses principes fondamentaux, à savoir que les femmes ne se battent pas en première ligne. Or, à Mossoul comme ailleurs, des femmes recouvertes du niqab ont participé aux combats.
Mardi, au nord de Tal Afar, le dernier verrou repris hier par l’armée irakienne, une femme s’est fait exploser devant les lignes des peshmergas, faisant trois morts, deux femmes et un enfant, et cinq blessés parmi les combattants kurdes.
Selon l’agence de presse Rudaw, elle s’était glissée dans un groupe de réfugiés où elle a actionné ses explosifs. Les djihadistes tentaient de sortir du piège où ils se trouvaient, encerclés par l’armée irakienne, la police fédérale et les Forces de mobilisation populaire (milices majoritairement chiites), harcelés par les frappes de la coalition internationale, et d’évacuer vers la Syrie.
"Un signe de faiblesse" de Daech
"C’est une stratégie de dernier recours", souligne à "La Libre Belgique" Géraldine Casutt, doctorante sur le djihad au féminin à l’université de Fribourg en Suisse. Daech disposait d’une unité féminine, Al-Khansa, dotée de kalachnikovs, mais "c’était une brigade des mœurs, qui n’avait pas de fonction combattante". Que des femmes participent aujourd’hui aux combats "est un signe de faiblesse de l’organisation", poursuit la doctorante. "Certains ne sont pas du tout d’accord parce que, selon eux, la complémentarité entre les sexes est un garant de l’équilibre social, voulu par Dieu. Le rôle de la femme est de rester en arrière".
Il y a de nombreux fantasmes sur le rôle des femmes dans l’Etat islamique, mais peu de sources fiables. La plupart des témoignages des "revenantes" du califat évoquent surtout un rôle actif au foyer : préparer les repas, s’occuper des enfants, satisfaire sexuellement le djihadiste, l’encourager idéologiquement sur la voie du djihad armé.
L’appel ambigu du porte-parole Al-Adnani
Mais les choses ont basculé ces derniers mois. Plusieurs médias, dont la chaîne de télévision saoudienne Al-Arabiya, ont affirmé que la vétérante saoudienne Nada Al-Qhatani, avait pris la tête d’une unité combattante à Raqqa.
Les services de renseignement européens s’inquiètent aussi du rôle que les femmes peuvent jouer dans des attentats en Europe. En septembre 2016, trois femmes, "téléguidées" depuis la Syrie, ont été arrêtées après la découverte d’une voiture chargée de bonbonnes de gaz en plein cœur de Paris.
L’ancien porte-parole de l’EI, Al-Adnani, tué depuis, avait lancé en 2015 trois appels au djihad en Europe en mélangeant le masculin et le féminin dans la langue arabe, ce qui pouvait être interprété comme un appel au combat des femmes. "Cela s’inscrit dans une stratégie d’humiliation" pour montrer aux musulmans européens que l’EI est obligé d’embrigader des femmes, faute de candidats, "une façon de piquer les hommes dans leur virilité", analyse Géraldine Casutt.
A contre-courant, une cousine de Mohamed Abrini, Hajar, 22 ans, a été arrêtée à Corfou le 18 août dernier alors qu’elle tentait de rejoindre un recruteur de combattants francophones, a révélé mercredi soir RTL-TVI. Qu’allait-elle y faire ? On l’ignore. Le parquet fédéral s’est contenté jeudi de confirmer l’information.
La première kamikaze en 1985
Le rôle des femmes dans le terrorisme islamiste ne date toutefois pas d’hier.
La première femme kamikaze dans le monde arabe est une Libanaise de 18 ans, Sana’a Mhaidli, qui en 1985 précipita sa voiture piégée contre un convoi militaire israélien. La première kamikaze européenne fut la Belge Muriel Degauque qui commit un attentat-suicide au nom de l’islam le 9 novembre 2005 à Bakouba, en Irak.
L’organisation Al Qaïda a connu elle aussi son lot de "djihadettes", personnages ambigus qui, une fois sous les verrous, affirmaient qu’elles avaient été mises sous influence de leurs maris.
Ce fut le cas par exemple de la Saoudienne Haylah Al-Qassir qui déclara aux juges en 2011 qu’elle avait été influencée par un premier mari, salafiste ascétique qui refusait l’électricité, puis par son deuxième conjoint, haut responsable d’Al Qaïda. Pourtant, les autorités saoudiennes estimaient que cette femme avait récolté près d’un demi-million d’euros pour Al Qaïda et recruté 60 volontaires pour des organisations terroristes.
La participation des femmes djihadistes dans les combats est rare, mais leur rôle logistique et recruteur dans ces mouvements est incontestable.