Entendu par un juge allemand, Carles Puigdemont reste en prison

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Entendu par un juge allemand, Carles Puigdemont reste en prison
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Le chef indépendantiste catalan, Carles Puigdemont, va rester en détention en Allemagne, le temps que la justice se prononce sur une éventuelle remise à l'Espagne qui l'accuse de "rébellion", a annoncé le tribunal compétent lundi.

M. Puigdemont va "rester en détention dans un premier temps, jusqu'à ce qu'une décision soit prise concernant une procédure d'extradition", indique le tribunal régional de Kiel, dans la région du nord de l'Allemagne où il avait été arrêté dimanche.

Il n'y a aucun recours possible contre cette décision, a-t-il précisé.

L'arrestation surprise de l'intéressé avait entraîné des heurts entre des militants indépendantistes catalans et la police dimanche à Barcelone. Aucun débordement n'a été signalé lundi.

Lundi, il a comparu devant un tribunal de Neumünster, ville dans laquelle il est également maintenu en garde à vue. Il s'agissait de formellement établir son identité et décider s'il restait ou non en prison.

Désormais, il revient au tribunal de Kiel de trancher sur son éventuel extradition, selon le communiqué.

Plus tôt dans la journée, l'avocat de l'indépendantiste Jaume Alonso-Cuevillas s'était dit "prudent", à l'antenne de la radio catalane Rac1, tout en évoquant "beaucoup d'éléments qui incitent à l'optimisme".

60 jours maximum

Sur le fond, la justice allemande dispose d'un délai de 60 jours pour trancher sur la remise de Carles Puigdemont à Madrid.

Une porte-parole du parquet allemand, Wiebke Hoffelner, s'est bornée à dire que la décision ne serait "pas prise cette semaine".

La justice aura à décider si des infractions similaires à celles pour lesquelles M. Puigdemont est poursuivi en Espagne existent en droit allemand.

Il est inculpé, avec douze autres responsables indépendantistes de "rébellion", crime passible de 30 ans de prison, et de détournements de fonds public. En cause, la tentative ratée de sécession par référendum de l'automne 2017.

Elsa Artadi, une députée du parti de Carles Puigdemont, a estimé sur Twitter que M. Puigdemont s'opposerait à son extradition car "l'Espagne ne garantit pas un procès équitable".

Pas de poursuites politiques

Steffen Seibert, porte-parole de la chancelière Angela Merkel a qualifié l'Espagne d'"Etat de droit démocratique" et relevé qu'il régnait "une confiance toute particulière entre les autorités judiciaires des pays membres de l'UE".

Il a aussi rappelé que selon Madrid, M. Puigdemont et ses camarades ne sont pas poursuivis pour des "idées politiques, des idées d'indépendance mais en raison d'infractions bien concrètes".

Le gouvernement espagnol est resté en retrait, se contentant de qualifier de "bonne nouvelle" l'arrestation de l'indépendantiste.

Les poursuites pour "rébellion" restent cependant controversées, car elles supposent "un soulèvement violent" qui, selon des juristes, ne s'est jamais produit.

M. Puigdemont a été interpellé par les policiers du Land de Schleswig-Holstein alors qu'il venait du Danemark voisin en voiture pour rejoindre la Belgique, où l'ex-président catalan s'était réfugié après l'échec de la sécession l'automne dernier.

Les forces de l'ordre allemandes avaient été alertées de sa venue par le représentant de la police criminelle allemande à Madrid.

Le ministère allemand de l'Intérieur n'était pas en mesure de dire si les renseignements espagnols étaient impliqués et suivaient l'homme politique catalan.

L'arrestation a été rendue possible par la décision vendredi du juge de la Cour suprême espagnole Pablo Llarena de poursuivre 13 dirigeants séparatistes, dont M. Puigdemont.

De fait, la justice espagnole a porté un nouveau coup aux indépendantistes catalans. Le candidat à la présidence de la région, Jordi Turull, a ainsi été incarcéré, privant son camp de leur 3e candidat à la tête de l'exécutif catalan.

Une autre indépendantiste exilée, Clara Ponsati, a indiqué "prendre des dispositions" pour se "livrer" aux autorités en Ecosse.

Appel au calme

La Catalogne est donc plongée dans l'impasse politique, les indépendantistes ont pourtant conservé la majorité absolue au Parlement catalan après les élections du 21 décembre.

S'ils n'arrivent pas à faire élire un président avant le 22 mai, de nouvelles élections seront automatiquement convoquées. Et tant qu'elle n'aura pas de président et de gouvernement, la Catalogne restera sous la tutelle de Madrid, imposée après la déclaration d'indépendance.

L'arrestation surprise de Puigdemont a conduit dimanche des milliers d'indépendantistes dans la rue.

A Barcelone, des manifestants, à l'appel d'un groupe radical, les Comités de défense de la République (CDR), ont tenté d'approcher de la préfecture et les policiers catalans les ont repoussés à coups de matraque et en tirant en l'air.

Selon les services de secours, 90 personnes ont été blessées légèrement à Barcelone, dont 22 policiers.

Le président du Parlement catalan, Roger Torrent, a quant à lui lancé un appel à la "non-violence" à la télévision régionale.

Mandats d'arrêt contre des Catalans: la justice belge demande des précisions

La justice belge a demandé "des informations complémentaires" à son homologue espagnole concernant les mandats d'arrêt européens émis à l'encontre de trois ancien dirigeants indépendantistes catalans actuellement en Belgique, a indiqué lundi le parquet de Bruxelles.

Il s'agit de Merixtell Serret, Anton Comin et Lluis Puig, anciens membres de l'exécutif régional déchu en octobre après la tentative avortée de sécession en Catalogne.

Ils s'étaient exilés fin octobre en Belgique avec leur président destitué Carles Puigdemont --arrêté dimanche en Allemagne-- et une quatrième ministre partie récemment en Ecosse, Clara Ponsati.

Dans un communiqué, le parquet de Bruxelles a expliqué avoir reçu les nouveaux mandats d'arrêt émis le 23 mars à leur encontre par la justice espagnole et être en contact avec leurs avocats en Belgique, qui ont indiqué que "leurs clients se mettent à la disposition de la justice" belge.

"Pour cette raison, et vu qu'il n'y a pas de danger manifeste de soustraction à justice, les intéressés ne sont pas activement recherchés", a ajouté le parquet.

"En ce qui concerne la procédure, les autorités judiciaires belges, en l'espèce le parquet de Bruxelles, a demandé via Eurojust des informations complémentaires aux autorités judiciaires espagnoles", a-t-il poursuivi, sans plus de précisions.

En décembre dernier, un mois après le lancement des précédents mandats d'arrêt par l'Espagne visant les exilés en Belgique, la procédure avait subitement été abandonnée.

Le juge espagnol avait alors expliqué qu'il voulait éviter que la justice belge ne retienne pas tous les chefs d'inculpation pesant sur les dirigeants indépendantistes.

Leurs avocats belges avaient fait valoir au cours de la procédure que certains faits décrits dans les mandats espagnols n'étaient pas punissables en Belgique.

Ils faisaient notamment référence à la "rébellion", passible de 30 ans de prison en Espagne.

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