Nucléaire iranien: pourquoi ce retrait unilatéral américain s'avère très délicat
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- Publié le 09-05-2018 à 10h42
- Mis à jour le 09-05-2018 à 10h43
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La décision de Donald Trump de quitter l’accord de Vienne bridant le programme nucléaire iranien introduit un nouveau facteur d’incertitude dans un Moyen-Orient déjà bien servi en la matière. Attendue pour la date butoir du 12 mai, cette décision avait été avancée à ce mardi soir 20 h (heure belge). M. Trump en a toutefois réservé la primeur au président français, Emmanuel Macron, lors d’un entretien téléphonique, plusieurs heures avant son discours à la Maison-Blanche. En janvier, il avait chargé les Européens de compléter les "terribles lacunes" du texte que le président américain avait dit vouloir "déchirer", déjà lors de sa campagne électorale. Trump souhaitait ajouter plusieurs points pour mieux circonscrire la menace iranienne, dont la limitation de l’expansionnisme régional de l’Iran et le lien entre le programme balistique et le dossier nucléaire.
Après avoir insisté sur le caractère pernicieux de la menace iranienne dans la région, le président Trump a signé dans la foulée de son discours un mémorandum "pour commencer à rétablir les sanctions américaines liées au programme nucléaire du régime iranien. Nous allons instituer le plus haut niveau de sanctions économiques". Il a aussi laissé entendre que les Etats-Unis s’engageraient aux côtés des Européens dans la voie d’un "accord nouveau et durable au bénéfice du peuple iranien", "une vraie solution globale au programme nucléaire" de l’Iran, qui inclurait un encadrement de son programme de missiles balistiques, une cessation de ses activités terroristes, et le contrôle de ses activités expansionnistes au Moyen-Orient.
Après une réuinon commune, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont dit regretter la décision américaine mais ont pris la décision de "travailler collectivement" à un accord "plus large", incluant les points précisés par M. Trump, a déclaré sur Twitter Emmanuel Macron, juste après l’annonce du retrait des Etats-Unis. "Le régime international de lutte contre la prolifération nucléaire est en jeu", a-t-il ajouté.
Un retrait américain très délicat
Ce retrait unilatéral américain s’avère très délicat. D’une part, il va à l’encontre des garanties de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) qui affirme, depuis la signature de l’accord, que Téhéran respecte bien les engagements pris dans le cadre de l’accord. Mais "même si l’Iran remplit pleinement ses engagements [stipulés] dans l’accord, le régime peut accéder à l’arme nucléaire", a soutenu M. Trump dans son discours. D’autre part, le retrait américain risque d’accentuer les tensions dans un environnement régional dégradé. Israël, qui n’a eu de cesse de presser Washington de réduire la menace iranienne, pourrait se sentir pousser des ailes et poursuivre ses récents bombardements en terrain syrien. Ceux-ci visent à empêcher l’établissement de bases militaires iraniennes non loin de ses frontières. Israël prendrait alors le risque de s’attirer les représailles de l’Iran, qui n’a pas exclu de riposter, et dès lors de faire face à une confrontation directe avec Téhéran.
En dénonçant l’accord de 2015, Washington risque de raviver les craintes de voir l’Iran se réengager dans une course à l’arme atomique que le texte avait pourtant contribué à désamorcer. Le chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, avait déclaré que l’Iran reprendrait "vigoureusement" l’enrichissement de son uranium. Le retrait américain pourrait même en provoquer un autre, et à tout le moins radicaliser les autorités de la République islamique. Le président Hassan Rohani a averti Trump le week-end dernier que les Etats-Unis regretteraient "comme jamais" s’ils se retiraient de l’accord. Mi-mars, le chef adjoint de la diplomatie Abbas Araghchi avait promis que l’Iran sortirait à son tour de l’accord si les Européens ne parvenaient pas à "garder les Etats-Unis dans l’accord nucléaire". Tout dépend de l’analyse que les autorités de la République islamique en feront.