Débat historique sur la Hongrie: le Parlement européen se penche ce mardi sur les dérives de “l’enfant terrible de l’Europe”
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Publié le 10-09-2018 à 19h36 - Mis à jour le 11-09-2018 à 12h39
L’état de droit en Hongrie est débattu mardi par les eurodéputés, en vue d’un éventuel vote pour sanctionner Budapest.
"Les eurodéputés se trouvent face à un moment historique, non seulement pour la Hongrie, mais pour toute l’Union”. Aux côtés d’autres défenseurs des droits de l’homme, Aron Demeter, d’Amnesty International Hongrie, s’est déplacé à Bruxelles, la semaine dernière, pour souligner l’importance du débat qui aura lieu ce mardi à Strasbourg.
À l’heure où le Premier ministre hongrois Viktor Orban poursuit la construction de son Etat illibéral, les membres du Parlement européen se pencheront sur les dérives de “l’enfant terrible de l’Europe” en vue d’un éventuel déclenchement de l’article 7 du traité sur l’UE, une procédure pouvant (théoriquement) mener à des sanctions sévères contre Budapest. “Il n’y a pas de signe d’un retour vers une démocratie effective en Hongrie, au contraire” , constate l’eurodéputée du groupe des Verts/ALE Judith Sargentini, recommandant vivement l’activation de l’article 7 dans son rapport sur la Hongrie, qui sera débattu en plénière ce mardi et soumis à un vote le lendemain.
“Les mercenaires de Soros” En effet, depuis la victoire écrasante du Fidesz lors des législatives d’avril dernier et le début du troisième mandant consécutif de Viktor Orban, le rouleau compresseur des voix dissidentes en Hongrie est passé à la vitesse supérieure.
Par exemple, le 12 avril, soit quatre jours après l’élection, une liste de 200 personnes travaillant pour “les ONG de Soros”, ce philanthrope américain devenu l’épouvantail de Budapest, a été publiée dans un média pro-gouvernement.
“Ils ne visent plus uniquement les organisations, mais aussi les individus, qui sont qualifiés de ‘mercenaires de Soros’”, a constaté Stefania Kapronczay, du Civil Liberties Union. “Les caméras de la télévision publique tournent dans cette pièce. Les médias nous présenteront comme ceux qui lancent une attaque contre le gouvernement”, a à son tour anticipé Márta Pardavi, du Comité Helsinki hongrois.
Selon le journaliste et chercheur hongrois Krisztian Simon, également présent à Bruxelles, cinq journaux indépendants ont mis la clé sous la porte rien que ces cinq derniers mois parce que “le gouvernement a fait en sorte qu’ils ne puissent plus survivre économiquement”. Aussi, le Fidesz a-t-il fait main basse sur Hir TV, une chaîne d’information critique du pouvoir, renforçant ainsi sa domination quasi totale du paysage médiatique du pays.
Par d’ailleurs, depuis cet été, Budapest impose une taxe de 25 % sur les activités présentant l’immigration sous un jour “positif”. “Il s’agit d’une taxe sur la liberté d’expression, puisqu’elle vise toute organisation qui porte un discours différent de celui du gouvernement sur l’immigration”, résume Márta Pardavi. Et d’ajouter : “La situation en Hongrie ressemble de plus en plus à celle de régimes autoritaires qui se trouvent hors de l’UE, comme la Turquie ou la Russie”.
Un vote serré Les défenseurs des droits de l’homme attendent donc de l’UE qu’elle prenne la mesure de l’enjeu. D’autant que, comme l’a rappelé Mme Kapronczay, “la contagion [illibérale] touche d’autres pays de l’UE” – notamment la Pologne, premier pays de l’UE à être visé par l’article 7.
Reste que le vote de mercredi s’annonce serré, étant donné que le texte de Judith Sergentini doit recueillir les deux-tiers des suffrages exprimés afin de demander au Conseil européen, seul compétent pour activer l’article 7, de se saisir de l’affaire. Or, le Fidesz est membre du groupe du Parti populaire européen (PPE), la plus grande famille du Parlement, dont le vote sera donc décisif.
Viktor Orban se déplacera en personne à Strasbourg pour faire pencher la balance en sa faveur. “Le rapport Sargentini est rempli d’erreurs factuelles et de mensonges. Il s’agit d’une tentative désespérée des groupes pro-immigration de faire un procès à la Hongrie” , a déclaré ce lundi à Bruxelles le porte-parole du gouvernement hongrois, Zoltan Kovacs, donnant un avant-goût du discours que s’apprête à tenir son Premier ministre devant les eurodéputés.
Quant à ces ONG qui critiquent Viktor Orban, M. Kovacs a déclaré “que l’argent et l’influence dont elles bénéficient ne leur donnent pas de mandat politique” , contrairement au gouvernement hongrois qui “fait ce qu’une majorité de son électorat désire”.
Or pour Judith Sargenitni, c’est justement là que le bât blesse. “La démocratie ne signifie pas que le gagnant remporte toute la mise”, et donc le droit d’ignorer, voire persécuter, ses opposants et les minorités, a rappelé l’eurodéputée.