Quand Nadia Murad nous racontait la barbarie extrême : l'histoire derrière la photo

La photographe Johanna de Tessières revient sur sa rencontre, il y a trois ans, avec la Yézidie lauréate du Prix Nobel de la Paix ce vendredi.

Johanna de Tessières
Quelle est l'histoire qui se cache derrière cette photo?
©Johanna de Tessières

La photographe Johanna de Tessières revient sur sa rencontre, il y a trois ans, avec la Yézidie lauréate du Prix Nobel de la Paix ce vendredi.

Nous sommes en février 2015 dans le Kurdistan iraquien. Avec Christophe Lamfalussy, journaliste à la Libre Belgique, nous sommes là pour recueillir les témoignages des femmes yézidies qui ont réussi à s'échapper de l’Etat islamique. Nous rencontrons Nadia Murad, que l’on nous présente sous un nom d’emprunt pour des raisons de sécurité. Elle nous a, depuis, donné son accord pour publier son identité.

L’EI sévit encore dans la région et surtout… elle n’a pas de nouvelles de ses soeurs captives en Syrie. Nadia nous raconte d’une traite une barbarie extrême. Comment Daech est arrivé dans son village de Kojo, quelques mois plus tôt. Comment les hommes furent massacrés car ils refusaient de se convertir et comment les femmes - Nadia et bien d’autres - ont été vendues à des combattants de l'EI et utilisées comme des esclaves sexuelles.

Ce jour-là, nous sommes dans un container dans le camp de réfugiés de Zakho. Ziyad Shammo, un militant yézidi, nous traduit les paroles de Nadia. A un moment, il s’arrête, il a du mal à traduire tellement la réalité est crue. Mais Nadia raconte et c’est la première fois qu’elle met des mots sur ce qui lui est arrivé.

A la fin de notre entretien, Ziyad la prend dans ses bras.

C’est un geste très fort, celui d’un homme qui dit à une femme de sa communauté: "Je reconnais ta souffrance, ta dignité et j’admire ton courage". C’est ce que j’ai ressenti au moment où j’ai fait cette image.

Ziyad nous a ensuite dit: "Un jour, c’est elle qui nous guidera". J’étais loin de me douter que Nadia Murad recevrait le prix Nobel de la Paix trois ans plus tard. En tant que photojournaliste, nous relatons beaucoup de drames. La victoire de Nadia est l’aboutissement incroyable d’une résistante, d’une bâtisseuse d’espoir.

Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...