Brexit: voici l'obstacle que Theresa May va désormais devoir affronter
Publié le 14-11-2018 à 21h15 - Mis à jour le 14-11-2018 à 21h17
Après l'adoption par le gouvernement britannique du projet d'accord sur le Brexit conclu avec Bruxelles, un formidable obstacle se dresse encore devant la Première ministre Theresa May: le Parlement, dont l'approbation est incertaine.
Theresa May n'y dispose que d'une très courte majorité, son Parti conservateur est profondément divisé sur le sujet, et le petit parti unioniste nord-irlandais DUP, dont les 10 députés sont un appoint indispensable, rue dans les brancards.
"Si ce que nous entendons dire est vrai, nous ne pourrons certainement pas voter pour ça", a prévenu dès mardi soir sur twitter Nigel Dodds, chef de file des députés du DUP.
Au coeur du débat: le "filet de sécurité" qui doit maintenir l'Irlande du Nord au sein du marché unique européen pour éviter le rétablissement d'une frontière physique avec la République d'Irlande voisine.
Chez les conservateurs, les partisans d'une rupture nette avec l'UE sont vent debout: leur chef de file Boris Johnson, ex-chef de la diplomatie britannique, a répété mardi soir qu'il voterait contre l'accord qui selon lui va placer le Royaume-Uni en position de "vassal" de l'UE, en restant dans l'union douanière et de larges secteurs du marché unique mais sans le pouvoir de décision conféré aux membres de l'UE.
Tout comme David Davis, ex-ministre du Brexit, il pense que le gouvernement devrait être prêt à partir sans accord.
Selon les spéculations, 30 à 40 députés conservateurs eurosceptiques seraient prêts à voter contre le futur accord.
'Cacophonie'
Même les europhiles conservateurs donnent du fil à retordre à Theresa May: son secrétaire d'État aux Transports, Jo Johnson, a démissionné vendredi, mécontent du tour qu'avaient pris les négociations, entre un accord qui "affaiblirait économiquement" le pays et une sortie sans accord qui infligerait des "dommages indicibles". Il a réclamé un nouveau référendum, une idée qui a gagné du terrain ces derniers mois.
Quant au parti Libéral démocrate, qui réclame aussi un nouveau référendum, il pense que "l'accord sera déchiré avant même que l'encre ne soit sèche", selon son chef Vince Cable, pour qui réunir une majorité au parlement sur un tel texte sera "très difficile voire impossible".
"La chambre des Communes ressemble à un rassemblement cacophonique de factions", relevait cette semaine un éditorialiste du Guardian.
Theresa May a exhorté les députés à agir "dans l'intérêt national", tout en avertissant son parti, cette fois en privé, qu'elle ne pouvait prédire ce qui arriverait si l'accord ne passait pas l'étape parlementaire.
Le gouvernement pourrait certes tenter de se replonger dans les négociations avec Bruxelles. Mais un tel rejet pourrait tout aussi bien déclencher une crise politique, voire provoquer la chute de la dirigeante et entraîner de nouvelles élections législatives.
A l'approche de la date fatidique de sortie, le 29 mars 2019, bon nombre de députés pourraient flancher et préférer un accord même insatisfaisant à un tel scénario.
Crise politique
"Si le Parlement britannique n'est pas en mesure de constituer une majorité pour voter l'accord que le gouvernement lui propose, ou de proposer une alternative viable, ce qui se passera ensuite est imprévisible", souligne Iain Begg, chercheur à la London School of Economics, en évoquant un risque de "crise politique majeure".
Les divisions des conservateurs risquent de ne laisser à Mme May d'autre choix que d'aller mendier du soutien du côté de l'opposition travailliste, dont les dirigeants n'ont toutefois pas l'intention de lui faire de cadeau et pourraient préférer miser sur de nouvelles élections.
Plusieurs députés du Labour ont toutefois indiqué qu'ils pourraient soutenir le gouvernement, beaucoup d'entre eux représentant des circonscriptions industrielles qu'ils craignent de voir durement affectées par un "no deal".
Selon un parlementaire travailliste, jusqu'à 45 de ses collègues sont prêts à voter l'accord, ce qui pourrait suffire à contrer une éventuelle opposition des rebelles conservateurs.
Si l'accord est voté, il restera encore au gouvernement à présenter dans la foulée un projet de loi de retrait et de mise en oeuvre du Brexit, synonyme de nouveaux débats enflammés.