L'Union européenne aurait pu beaucoup mieux faire en 2018 : les 3 dossiers qui restent en suspens
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Publié le 14-12-2018 à 08h31 - Mis à jour le 14-12-2018 à 10h46
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Le Conseil européen de ces 13 et 14 décembre était la dernière chance des (bientôt) Vingt-sept de faire de 2018, dernière année législative complète avant les élections européennes, un moment décisif pour l’Union. En 2016, en pleine déprime européenne, provoquée par la crise migratoire de 2015, la victoire du Brexit l’année suivante et la menace persistante des populistes, les États membres avaient décidé de mettre les bouchées doubles pour faire aboutir des réformes concrètes. Un engagement inscrit dans la déclaration du sommet de Bratislava et réitéré, avec des ambitions a minima, dans le programme des dirigeants élaboré par Donald Tusk, président du Conseil européen. Or, lors de ce sommet de décembre, les leaders de l’UE devront constater que si des progrès ont été enregistrés, le compte n’y est pas. Ils se sont révélés incapables de définir une politique d’asile commune, les avancées dans la réforme de la zone euro restent timides, les négociations du cadre financier pluriannuel 2021-2017 (CFP) ne font que commencer. Pendant ce temps, l’imbroglio autour du Brexit persiste - même si la faute revient, pour le coup, aux Britanniques.
1. La migration, un dossier en suspens
"Il n’y a pas d’accord sur tous les aspects [de la migration], mais ce qui compte c’est le flux de migrants. Nous sommes dans une situation différente de 2016", soutenait un diplomate européen. Bien. Mais sur la question de la réforme de l’asile, les Européens ne sont guère avancés. Aussi insistent-ils sur la forte diminution des arrivées de migrants pour étoffer leur palmarès. "Il y a trois camps : ceux qui veulent trouver une solution, ceux qui utilisent le sujet à des fins électoralistes et ceux qui pensent qu’on peut mettre un mur autour de l’Europe. Le jour où opère la jonction entre ces trois groupes, un accord sera possible. Mais ce ne sera jamais à Vingt-sept", résume un diplomate. On s’attend à ce que le sujet migratoire soit donc expédié dans la foulée d’une discussion, vendredi, sur plusieurs sujets, comme la désinformation, le changement climatique et la lutte contre le racisme.
La semaine dernière, l’Allemagne et la France ont tenté en vain de faire une proposition pour débloquer in extremis la réforme de l’asile : autoriser, moyennant une contribution financière, des pays à "déroger" temporairement à un éventuel mécanisme de répartition obligatoire de demandeurs d’asile dans l’UE. Cette répartition est à la fois une exigence de l’Italie et une ligne rouge des États d’Europe centrale et orientale, dans les discussions sur la réforme du système de Dublin, qui fait peser la responsabilité de l’accueil des demandeurs d’asile sur l’État de première entrée dans l’UE.
La deadline du Conseil européen de juin 2018 que les États membres s’étaient imposée pour boucler ce dossier est tombée à l’eau. Les Européens évoquaient des "centres de contrôle" et des "plateformes de débarquement", censés traiter les demandes d’asile respectivement au sein de l’UE et dans les pays tiers. Deux concepts flous, que chaque État définit encore à sa sauce et qui ne sont pas près de voir le jour."Sur les plateformes de débarquement, il y a eu intentionnellement des interprétations différentes. Pour nous, il n’a jamais été question de demander à des pays africains d’accueillir des personnes dont nous ne voulons pas, mais de leur mettre à disposition des aides pour protéger leurs frontières et accueillir les migrants trouvés dans leur zone de recherche et de sauvetage", a par exemple expliqué un diplomate d’un grand pays européen.
2. Une réforme de la zone euro loin des ambitions du président Macron
"Les décisions qui seront adoptées prouvent que la réforme de l’Union économique et monétaire n’est pas possible qu’en temps de crise", se félicitait mercredi une source européenne. Ces réformes dépassent peut-être les ambitions du calendrier des dirigeants, comme s’en réjouissait cette source, mais elles sont loin de celles du président français Emmanuel Macron. Même comme ça, le projet de réformes, arraché aux ministres des Finances européens début décembre, n’est pas certain de recueillir l’unanimité ce vendredi. D’autant que la Pologne, non-membre de la zone euro, y a mis son grain de sel, estimant que le cadre envisagé n’est pas assez "inclusif".
Surfant sur l’euphorie européenne provoquée par son élection, le Français avait avancé des propositions audacieuses, irréalistes diraient certains : doter la zone euro de son propre budget et d’un ministre des Finances. Certes, les États membres devraient s’entendre sur le principe d’un budget de la zone euro. "C’est une innovation importante, on reconnaît le besoin d’un tel budget", se félicite-t-on en France. Mais cette victoire a coûté des concessions majeures. D’abord, ce budget ne sera pas autonome, comme M. Macron l’entendait, mais intégré dans le prochain CFP, décidé à Vingt-sept. Ensuite, le montant de ce budget ne sera pas défini, alors que M. Macron voulait qu’il corresponde à "plusieurs points de PIB" de la zone euro. Une idée tuée dans l’œuf par "la ligue hanséatique" (groupe d’États du Nord, emmené par les Pays-Bas). Finalement, ce budget n’aura pour objectif que d’améliorer la convergence et la compétitivité des économies de la zone euro. Exit sa fonction de stabilisation en cas de choc économique, chère à la France, demandée par les pays du Sud, acceptée (du bout des lèvres) par Berlin mais écartée par les pays du Nord. "Il faut voir ce qu’on va construire à partir de là. Les débats doivent se poursuivre", veut croire Paris.
3. Les négociations sur le futur budget européen ne font que commencer
Les Vingt-sept ont tenu, ce jeudi, leur première discussion du Conseil européen sur "la substance" du CFP, tel que proposé par la Commission. Ce sommet marque donc le départ d’une difficile négociation autour d’un budget raboté de 12 à 14 milliards d’euros annuels - du fait du Brexit - et qui doit intégrer des nouvelles priorités, telles que la migration ou la défense. Se profile un marchandage entre le "clan des radins" qui refuse de mettre un euro de plus dans le pot européen, les défenseurs des "historiques" politique agricole commune et de cohésion, richement dotées, et ceux qui voudraient que l’UE revoie ses priorités, notamment vers l’innovation. La solution pourrait en partie être l’établissement de ressources propres à l’Union, comme une taxe sur le plastique. Mais certains pays, dont la Belgique, sont opposés à ce que la Commission diminue le pourcentage qui leur revient (20 %) des droits de douane qu’ils collectent pour l’Union.
Reste la question sensible du lien que la Commission, poussée par Paris et Berlin, entre autres, veut établir entre le respect de l’État de droit et l’accès aux fonds européens. La proposition suscite la vive méfiance de la Hongrie, de la Pologne ou de la Roumanie. Autant dire que "plus personne ne pense qu’on va aboutir avant les élections européennes de mai 2019", comme l’espérait la Commission, avoue une source européenne. L’objectif réaliste est fixé à l’automne 2019. Après les élections.